C’était parti pour être une engueulade, un règlement de compte, j’étais censé être en colère non ? Puis je ne savais pas comment ni pourquoi, enfin si c’était ce fichu gâteau cramé qui nous avait mené là, mais Lucky soufflait sur ma main, et sur ma colère, l’éteignant en un clin d’œil. Je n’étais plus aussi remonté, j’étais troublé… C’était cette proximité, c’était juste ça, quoi d’autre ? Elle affirmait ne pas vouloir que je me brûle par sa faute. « Trop tard… » Au sens littéral, parce que ma peau rougie m’élançait. Au sens figuré, parce que je venais de me séparer de ma copine. Kyla et moi nous nous étions séparés sur des éclats de voix et l’origine de notre dispute ça avait bien été les sms de la blonde qui se tenait près de moi. Au sujet de la farine, que j’avais précédemment pris pour tout autre chose, une substance illicite plus dangereuse, j’étais bizarrement rassuré de savoir qu’elle n’était pas en train de se défoncer avant mon arrivée, mais inquiet malgré moi par sa réponse. Ce n’était pas un franc –je ne touche pas à ça- mais plutôt un –j’y touche de temps en temps-. Alors forcément, ça me fit tiquer et elle le nota, et l’interpréta comme de l’inquiétude. « Je m’inquiète pas je… » J’étais pris de court là, fallait trouver quelque chose à dire, parce qu’hésitations et bégaiements ça n’allait faire que lui prouver qu’elle avait raison. « Je n’ai pas envie que tu fasses une overdose là devant moi… J’ai pas de formation aux gestes et soins d'urgence… » L’excuse la plus bidon jamais sortie. Parce que le –j’ai pas envie que tu fasses une overdose- tout court aurait suffit, mais ça aurait eu un sens plus fort. Elle s’affairait sur son saladier et avouait que c’était un passe temps pour se détendre en cas de soucis ou d’énervement, alors c’était quelle option ce soir ? Elle me surprit en dévoilant qu’elle était, depuis quelques minutes, bien et tranquille… Avant de me retourner la question : « J’ai un peu chaud à la main… » répondis-je à mon tour en secouant sous l’eau ma main qui m’élançait encore un peu. J’avais bien compris le sous entendu de ses paroles, mais si je me lançais moi aussi là dedans, si je commençais à lui avouer que j’étais content de l’avoir suivi ici, content de m’être brûlé, content d’être toujours là d’ailleurs, ça allait nous mener tout droit aux ennuis. Il fallait que je m’en aille. Je coupai l’eau, je me dirigeai vers la sortie, mais sa voix retentit, prononçant mon prénom. Je fis alors volte face et elle me demanda de rester, venant glisser sa main dans la mienne. « Tu sais que pour me retenir une soirée casserole c’est pas ce qui marchera le mieux hein… » rigolai-je, petit rire nerveux hein, parce que sa main dans la mienne aurait suffit en soit à me faire flancher. Pas besoin de faire semblant de vouloir me donner des cours de pâtisserie. Quoique… Je me laissai guider vers le saladier, curieux, intrigué alors qu’elle ramena le sujet sur ses addictions. « J’aime pas ça c’est tout… Ne me demande pas te cautionner ça. » L’Eliot rigide, intransigeant, ou bien le garçon inquiet pour la santé de la blonde ? Elle l’interprétait comme elle voulait. En attendant, je regardais un peu septique le saladier, la cuillère, le bazar sur la table, me demandant un peu en quoi j’allais pouvoir l’aider pour son gâteau et surtout comment j’allais faire pour ne pas tâcher mon costard sur mesure… D’ailleurs… « Je vais enlever ça.. » soufflai-je en retirant ma veste pour aller la poser sur le dossier d’une chaise un peu plus loin avant de revenir vers ma prof de cuisine de la soirée. « C’est plus prudent… Vu tes apparents talents culinaires. » expliquai-je sur un ton quelque peu taquin. Et c’est ensuite sur autre chose que la blonde ramena la discussion. Kyla. Sans prononcer son prénom, juste en me demandant si elle avait bien compris, si je n’étais plus avec elle. C’était le moment de mentir, de feindre toujours l’entente parfaite, le couple épanoui. Et pourtant, c’est avec franchise que je lâchai : « On est séparés. » Pas de précisions sur les conditions de la rupture, encore moins sur son rôle à elle dans tout cela. Et forcément, l’annonce de mon célibat la ravissait. Au début c’était un discours peu ambigu sur ma liberté retrouvée, discours qui provoqua d’ailleurs l’apparition d’un petit sourire amusé sur mes lèvres, sourire qui s’élargit lorsque je rectifiais sa question : « Je dirais qu’est-ce que vous avez TOUTES à chercher l’exclusivité… » En d’autre mot, ça avait été à l’initiative de Kyla, cette obsession de l’exclusivité… Même si je n’avais jamais aimé l’idée qu’un autre puisse la toucher. Mais on n’eut pas vraiment le temps de débattre sur ça, parce que la mather s’amusait ensuite à reprendre cette idée selon laquelle nous pourrions bien nous amuser, elle et moi, me tirant la langue, avant d’accompagner ses mots en saisissant mes mains et les guidant vers le saladier. Mes paupières se fermèrent un court instant, me laissant prendre au jeu un instant, imaginant autre chose que cette pâte gluante entre mes doigts… « C’est un peu plus ferme normalement. » corrigeai-je en rouvrant les yeux, et en tournant la tête vers elle, je précisais : « Enfin dans mes souvenirs ils sont plus fermes, je ne suis plus tout à fait sûr, faudrait que j’aille tâter pour vérifier… » lançai-je avec un air malin avant de me retourner pour faire glisser mes doigts gluants de farine et autres ingrédients collés à ma peau le long de son décolleté…