Puppy rescue :: HAPPASIYA

Clairement, avec l’inquiétude, Happy savait que sa tronche devait ni plus ni moins ressembler à celle d’un ornithorynque. En même temps, sa crainte de voir son chiot ne jamais être retrouvé ne pouvait pas être plus explicite, il y tenait trop à son compagnon ! Si sa patience avec les conneries de l’animal était quasi celle d’un ecclésiastique, il n’en n’aurait pas autant si jamais quelqu’un avait osé lui voler Koko. « Ouais t’as raison… pourtant d’habitude il quitte vraiment pas la chambre, là-dessus je l’ai pas mal éduqué déjà ! Mais la femme de ménage a dû zapper le mot que j’ai laissé sur la porte, à savoir qu’il ne fallait surtout pas la laisser ouverte… gourdasse celle là alors ! » Son discours pouvait vraiment paraître abscons mais la panique n’aidait pas. Avec la sueur, le fait qu’il se mette à péguer à un moment donné ne l’étonnerait même pas. « Elle paraît super loin la plage quand on veut y arriver vite… »

Je ressentais parfaitement la tension de Happy et cela ne faisait rien pour me détendre, bien au contraire, cela ne pouvait que l'exacerber. Mais je savais, et j'en étais persuadée, que la panique ne changerait rien aux choses, bien au contraire.

-Oh mais attends !

Une idée lumineuse venait de me venir à l'esprit, me faisant m'arrêter d'un seul coup, peut-être était-ce le bon protocole, digne de la sagesse d'un ecclésiastique.

-Pour être plus rapides et plus efficaces, on devrait se séparer ! Tu as une photo de Koko à m'envoyer par sms ? Si jamais je croise quelqu'un je pourrai demander si il a été vu.

Dans le genre truisme, on pouvait dire qu’Happy débordait d’inquiétude. Inutile de se perdre dans une explication frénétique pour le comprendre. Mais heureusement, au milieu de tout cela, Anastasiya, sauveuse de sa journée comme Mary Poppins le serait avec son fameux « Supercalifragilisticexpialidocious », elle lui proposa l’idée du siècle. Comment n’avait-il pas pu y penser avant ! Pour le coup, l’américain lui aurait volontiers dédié un ode, ou encore un discours panégyrique afin de lui prouver à quel point elle venait de sauver la situation, ou à tout le moins de lui enlever un brin d’inquiétude. « Bien sûr t'es un génie ! Attends, ne bouge pas je t’envoie ça pas plus tard que maintenant… voilà ! On se sépare ? Je pars vers la gauche, toi vers la droite, et le premier qui a au moins un indice appelle l’autre pour qu’on se retrouve ! »

Je n'avais pas particulièrement l'impression d'être un génie en proposant cette idée. Pauvre Happy, il n'avait même plus assez de recul pour avoir des idées ! Quoi qu'il en soit, j'étais soulagée qu'il accepte cette idée et lui fis un petit sourire après sa remarque.

-Ca marche ! Je vais aller voir par là-bas.

Sans attendre plus longtemps, je fis demi-tour me dirigeant vers le haut de la plage pour commencer ma besogne, prévoyant un parcours labyrinthique sur les lieux. Je ne perdais pas espoir de trouver la petite boule de poils sans trop de difficulté, j'avais une sorte d'intuition... Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher d'avoir ce geste frénétique de me frotter les mains l'une dans l'autre, comme dans chaque situation de stress.

Pas de perte de temps en discours panégyrique, amphigourique ou frénétique, juste le strict minimum pour faire comprendre à Happy qu’elle partait vers l’endroit décidé. L’américain fit de même, la peur au ventre qu’il ne soit arrivé quelque chose à son petit trésor. A croire que son chiot soit devenu son fils ! Mais pas question de devenir ergophobe, le jeune homme comptant bien user et abuser de sa propre énergie pour mener à bien cette recherche. Il ne pouvait pas être plus content d’être épaulé par Anastasiya, du reste. Véritable truisme que cette vérité. « Koko ! » beugla-t-il sur la plage, alertant plusieurs vacanciers, à qui il montra la photo. Pour le moment, aucun signe du husky…

J'étais rapidement remontée le long de la plage sans croiser beaucoup de monde. Arrivée près du chemin par où les vacanciers arrivaient, je vis devant moi un petit bois. Une nouvelle intuition me décida à me rendre à l'intérieur, prenant sur moi pour vaincre mon arachnophobie, persuadée que j'étais de croiser ces bestioles, mais retrouver Koko était plus important ! Pas question non plus de faire preuve d'une quelconque forme d'ergophobie. Je commençai donc à entrer dans la forêt, regardant le sol à la recherche d'une boule de neige ou de bruits suspects plus ou moins explicites.

Happy avait demandé à tant de personnes sur la plage s’ils n’avaient pas vu son chien qu’il se serait cru en pleine agora de la Grèce Antique. Pourtant, dieu sait que ses questions n’avaient rien de semblable à quelqu’un de chattemite, il était clair, précis, concis, aucunement abscons. Il allait droit au but car il voulait retrouver Koko et non bavasser avec des gens qu’il ne connaissait aucunement. Certains mêmes ne l’entendaient pas, lui donnant vulgairement envie de zinzinuler comme un oiseau, espérant être davantage entendu… en vain. A en devenir ergophobe, si le but n’était pas si urgent ni précieux. « Tu as trouvé un indice ? » envoya-t-il bientôt par texto à Anastasiya. « Les gens sont un peu soit débiles, soit sourds, soit ils me racontent leurs vies de mon côté, je suis pas rendu ! »

J'étais maintenant bel et bien avancée dans la forêt, toujours sur le qui-vive. Je venais de voir passer une masse claire à quelques pas devant moi lorsque je reçus le message de Happy. Quitte à le faire stresser quelques instants, je préférais ne pas lui répondre immédiatement et m'intéresser à ce que je venais de voir passer. Et j'eus là une bonne idée puisqu'en faisant quelques pas de plus, j'entendis quelques petits couinements suivis bientôt par l'agitation frénétique d'une queue blanche en panache. J'appelai alors doucement Koko mais celui-ci refusa de venir vers moi, gardant le regard rivé sur autre chose. Et quelle chose ! Arrivée à côté de lui, je l'attachai doucement pour ne plus le perdre et pris mon portable pour appeler Happy.

-Bon... J'ai retrouvé ton loulou, mais on a un problème...

Lorsqu’il sentit son téléphone se mettre à vibrer, Happy décrocha sur le champ, passant de l’expression de joie à celle d’inquiétude. « J’arrive, bouge pas ! » s’exclama-t-il, se mettant illico presto à courir comme un dératé pour la rejoindre. Koko courut vers lui sitôt son maître sur les lieux, et l’américain le prit bien évidemment dans les bras, l’embrassant à plusieurs reprises. L’animal descendit rapidement pour mieux aboyer face à quelques petites masses aux yeux fermés. Des chiots. Abandonnés. « Je suis tenté de dire que tu es mon héroïne et en même temps… bordel mais qui a laissé ces pauvres petiots là ?! »

Juste après avoir raccroché avec Happy, je caressai d'une main Koko pour le rassurer, d'une part, mais aussi par tendresse et je regardai les petits chiots abandonnés face à moi. Que faire de ces petits êtres ? Impossible de les laisser là mais comment s'en occuper désormais ? Je fus soulagée de voir Happy arrivé, c'est Koko qui, par son agitation soudaine, m'indiqua sa venue. Je me décalai alors sur le côté pour qu'il puisse lui aussi se pencher sur eux.

-Ce n'est pas moi l'héroïne mais Koko ! Si il ne s'était pas enfui, ces petites boules auraient peut-être bien mal fini ! Mais comment on va s'y prendre ?