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« La tête à l'envers. »
heather & lily
Lenore Swanson avait toujours été une femme de caractère. Très appliquée (et cela se voyait par exemple à son style vestimentaire très soigné), son éducation lui avait inculqué des principes auxquels elle ne dérogeait que lorsqu’elle l’estimait nécessaire, ayant parfois un mal fou à tempérer la hardiesse de son caractère. Chamboulée par la vision qui s’offrait à elle, la remarque de l’inconnu la rappela à l’ordre sur ses bonnes manières. Dans la précipitation, elle en avait oublié les présentations. « Oui veuillez m’excuser, Lenore Swanson, je suis sa … » Mais elle s’interrompit. Coupée dans son élan par une phrase qui avait failli lui faire avaler sa salive de travers. Non mais, qui était cet homme ? Pour qui se prenait-il, à tenter de l’enterrer vivante ?! Son sang ne fit qu’un tour dans ses veines, et elle sentit le rose lui monter aux joues à la seule pensée que son ex-mari ait pu la faire passer pour morte. Il ne manquait pas d’air ! « Décédée vraiment ? » répéta-t-elle en manquant de s’égosiller dans son émotion de surprise. « Navrée de vous décevoir, mais je suis bien vivante, et Jonathan le sait très bien. Je ne sais pas qui vous êtes pour avancer ce genre de choses, mais sachez qu’on vous a mal informé. » La tonalité sèche de sa voix était devenue sévère, quoique d’un calme absolu. On décelait bien là un caractère de marbre dans une femme qui n’était pas prête à se laisser démonter par un inconnu qui n’avait aucun droit selon elle pour juger qui que ce soit dans cette pièce. « Et je vis à New York. J’ai pris le premier avion que j’ai pu il y a quelques heures quand on m’a prévenue. »
D’un pas feutré, elle s’était glissée auprès de Lily, caressant son front du bout des doigts, les traits visiblement tirés par une inquiétude qui ne cessait de croître au fil des secondes. Calmement elle s’était finalement reculée, ôtant sa veste qu’elle posa avec soin sur le rebord d’un fauteuil. « Sachez qu’il y a toujours deux versions dans ce que peut décider de dire Jonathan. » Elle avait bien insisté sur le terme de « décider ». Parce qu’elle connaissait l’homme, et qu’elle savait pertinemment comment il fonctionnait. Il avait tendance à ne pas trop en dire, pour laisser supposer. Mais ses silences amenaient souvent à des confusions qui avaient par exemple réduit à néant leur couple d’antan. « Qui êtes-vous pour Lily au juste ? » avait-elle demandé, plus par curiosité que par réel intérêt pour la réponse. S’il était resté là toute la nuit, c’est qu’ils étaient un minimum proche. Naissait alors en elle une sorte de suspicion qui s’esquissa sur ses traits. Suspicion qui s’égara vite pour laisser place à une surprise apparente lorsque le tant attendu Jonathan décida de faire son entrée, les traits tirés à l’extrême. Signe qu’il n’avait pas dû dormir depuis de nombreuses heures. « Lawrie j’ai bien eu ton message, merci de m’avoir … Lenny, qu’est-ce que tu fais ici ? » s’était-il arrêté dans son élan, son visage demeurant figé d’un mélange d’effroi, et de colère naissante, alors que la vision de son ancienne femme lui faisait oublier momentanément l’inquiétude qui le rongeait. « Merde, je croyais t’avoir dit de nous laisser tranquille ! » Il avait haussé le ton, visiblement d’humeur colère. Elle avait reculé d’un pas inconsciemment, avant de reprendre les choses en main pour ne pas se démonter. « C’est elle qui m’a retrouvée je te signale !! » -« Quoi ?! Comment ça c’est ELLE qui t’a contacté ?! » - « … »
En fond sonore, Lily percevait une sorte de brouhaha qui ressemblait de loin à une dispute conjugale. Mais les deux voix étaient encore trop lointaines pour qu’elle puisse définir qui était qui. Entre ses paupières, la lumière fébrile lui parut agressive. Elle cligna des yeux, prenant peu à peu conscience qu’elle avait quelque chose dans la bouche. Elle sentait une sorte de tube, collé à ses lèvres, qui descendait le son de son œsophage et qui semblait lui permettre de respirer. Incapable de parler donc, elle ne pouvait émettre que des sortes de bruits étouffés. Rien de tel pour une communication efficace. Quoiqu’il en soit, en prenant peu à peu conscience de son propre état, un élan de panique s’était emparé de ses sens, faisant s’envoler le moniteur à ses côtés qui mesurait son rythme cardiaque. Dans l’inconscience, sa main perfusée s’était refermée autour d’un avant-bras qui pendouillait à ses côtés. A qui était-il en revanche, impossible de le dire. « Lily ?! » s’était alors exclamé son père en se retournant brusquement, se précipitant vers le lit pour lui prendre la main entre les deux siennes. Avec ses pouces, nerveusement, il dessinait des ronds sur ses paumes, comme s’il tentait de maîtriser ses propres tremblements pour paraître le plus détendu possible. Chose impossible compte tenu des circonstances. « Ça va aller ma puce … Je te le promets … » répétait-il en portant de temps à autre sa main glacée à ses lèvres. A croire qu’il avait du mal à se maîtriser. Il s’était pourtant préparé à ce moment, de nombreuses fois. Mais entre la réalité et l’expectation, il y avait toujours un monde.
« Je vois que vous êtes tous là. Bonjour. Je suis le docteur Stevenson. » Arrivé d’on ne sait où, un médecin en blouse blanche, visiblement plus spécialisé que celui auquel ils avaient eu affaire plus tôt dans la soirée. « C’est moi qui vais m’occuper de votre fille pendant son séjour ici. Nous avons contacté son médecin référent à Boston, mais malheureusement il n’a pu se déplacer. Mais il m’a bien expliqué son cas, ses antécédents, et sa pathologie, et je ferais en sorte que tout aille bien pour elle. » Les présentations solennelles faites, le père avait l’air d’un scepticisme absolu. « J’aimerais vous parler s’il vous plaît, dans mon bureau. La famille uniquement. » Précisa-t-il alors que son regard bifurquait sur Lawrence, et qu’il emboîtait le pas aux deux « parents » pour aller dans son bureau.
@Lawrence H. Austen© ACIDBRAIN
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