Quand la réalité dépasse la fiction
« Bien sûr Mira, tu es une très belle femme » rétorqua un Bonaventure tout sourire. A quoi bon lui mentir ou faire comme si la vérité n’était pas si criante ?! Sa consœur Quincy était réellement belle et devait très certainement faire tourner la tête aux hommes qu’elle rencontrait sur son passage.
« Cela signifie que tu me trouves bel homme ? » la taquina-t-il peu après en reprenant ses mots. Une petite taquinerie qu’il accompagna d’un léger clin d’œil pour lui faire comprendre qu’il ne s’agissait là que pure rhétorique et non d’une réelle question. Le jeune homme se savait doté d’un physique agréable, il n’allait pas se mentir ou jouer les modestes mais il n’en jouait pas non plus. A vrai dire, depuis les attentats et sa période en fauteuil roulant, il avait plutôt eu le don de se sentir aussi désirable qu’une bouse de vache peut l’être pour une personne normalement constituée. On aurait pu croire que marcher avec une canne lui permettrait de changer d’opinion mais ce n’était pas le cas, d’où le fait qu’il manquait cruellement d’assurance avec les femmes en matière de séduction. Il ne savait pas séduire et à présent, cela lui était interdit. Bonaventure ne se voyait pas courir les bars à la recherche d’une femme uniquement pour coucher. Ce n’était pas son genre -bon, il n’était pas un moine non plus. Le problème, c’est que toute relation lui était interdite également à cause de ce fichu mariage blanc. Le Quincy était bien trop respectueux pour forcer une femme à supporter une liaison cachée sans réel avenir que celui de rester sa maitresse. Il y avait mieux comme idylle n’est-ce pas ?!
Au moins le théâtre lui permettrait de se changer les idées, d’être dans la peau d’un autre le temps d’une répétition avec la belle Mira. Elle jouait sa Juliette, il était son Roméo mais il manquait quelque chose, comme si tous les deux se retenaient. La passion des amants maudits semblait ne pas vouloir être amie avec eux. Simuler la passion n’était pas chose aisée pour le Quincy pourtant, il la connaissait, il savait se laisser aller mais quand il était en couple, pas sur scène devant des spectateurs. Pourtant, Bonaventure ne supportait pas l’échec ni la demi-mesure, il voulait donner le meilleur de sa personne alors quoi faire ? Pourrait-il réellement se glisser complétement dans la peau de son personnage et oublier toute pudeur et retenue ?!
Finalement Mira décida de jeter le texte aux oubliettes et d’improviser. C’était sûrement la meilleure chose à faire pour se libérer, se laisser aller.
« Vraiment ? Je risque de te mettre au défi car je ne crois que ce que je vois » répondit-il avec un léger sourire, ce même sourire qui lui conférait un petit air de canaille. Elle s’approcha de lui et il la laissa faire, attendant de voir ce qu’elle souhaitait faire jusqu’à l’attirer complétement à lui.
« Mais avons-nous vraiment le choix ? Nous ne pouvons pas nous aimer librement, ils ne l’accepteront jamais et je ne supporterai pas qu’il t’arrive quelque chose… Tout comme je ne pourrais accepter qu’un autre homme puisse te toucher, t’enlacer, t’embrasser » lui donna-t-il la réplique, son regard ancré dans le sien. Il n’y avait pas que leurs lèvres qui s’exprimaient mais bel et bien leurs corps, leurs mains. Les caresses de Mira sur son visage lui arrachèrent des frissons le long de sa colonne vertébrale. Bonaventure peinait à réagir, subjugué par le jeu d’actrice de sa partenaire de scène à moins que cela soit le Roméo en lui qui ressentait ses émotions, ses sensations.
« Je prendrai tous les risques de la terre pour t’embrasser » murmura-t-il avant de lâcher sa canne pour pouvoir venir caresser son visage du bout des doigts. Elle l’avait appelé Bona mais son cerveau refusait d’analyser ce lapsus.
« Je ne cesserai jamais de prendre ce risque » ajouta-t-il avant de tout simplement réduire la distance les séparant pour l’embrasser avec une infinie tendresse comme s’il goûtait au fruit défendu avec dévotion et admiration. D’abord, ce ne fut qu’un effleurement des lèvres comme pour en demander l’autorisation.
« Mira.. » souffla-t-il presque d’une voix inaudible avant de l’embrasser à nouveau dans un baiser cette fois-ci passionné, sa main venant se poser au creux de ses reins pour la garder tout contre lui tandis que l’autre restait sur sa nuque, la faisant doucement ployer en arrière pour approfondir leur baiser.