« Oui je sais. » soupirai-je comme si je la grondais du regard alors qu’au fond, même si elle me tirait la manche, je ne pourrais lui en vouloir, la considérant depuis toujours comme une petite fille sur laquelle je devais constamment veiller et protéger. « Non, non tu exagères, poussin. » Pas pour le restant de ta vie, quand même pas. « La trentaine me parait une bonne année pour envisager d’embrasser un garçon sur la joue. Ensuite, on attendra encore dix ans pour le baiser sur les lèvres. » répondis-je très sérieusement, bien que je plaisantais. Je savais qu’elle n’était plus une enfant, même si mon cœur se brisait à chaque fois que j’y repensais, et que ses hormones et l’âge finiraient tôt ou tard par écraser mes envies de la materner le plus longtemps possible. Il n’empêche que je n’autoriserai aucun homme à lui causer du tort, qui qu’il soit, et quoiqu’il cherche à faire pour se rattraper. Une faute, et c’était la punition assurée. « Tu es en train de me traiter d’idiot ou je me trompe ? » la grondai-je en plissant les yeux, l’air suspicieux. Non parce que, non je ne changerai pas d’avis. Mais je n’en étais pas moins un homme très intelligent pour autant. « Tu oserais refuser une danse à ton grand frère ? » la taquinai-je, faisant mine d'être outré en passant un bras autour de ses épaules, protecteur. Ce jeu de cils qu’elle avait l’habitude d’interpréter pour me faire chavirer le cœur avait le don de me rendre pantois. « Très bien, un petit indice alors. C’est une femme. Et elle porte une robe. » Comme la majorité des femmes ce soir. En gros, tu ne saurais rien de plus venant de moi petite sœur. Hélas, ma bonne humeur venait étrangement de fondre comme neige au soleil en entendant la voix de…Félix le chat. Lâchant un petit soupir agacé, je me retourne à mon tour pour lui faire face, le détaillant de haut en bas comme un lion qui se pourlècherait les babines face à la gazelle qu’il s’apprête à dévorer vivante. « Oui, nous sommes… » Je n’ai même pas eu le temps de terminer ma phrase qu’Apollinna m’avait déjà interrompue pour accepter sa proposition. Sans relever le fait que j’étais effectivement son grand frère plutôt qu’un simple ami, songeant à la satisfaction de pouvoir le corriger sans qu’il en comprenne les raisons originelles au besoin, je les observe s’éloigner en direction de la piste de danse, avant de les rattraper, posant ma main sur l’épaule de Félix sans même un regard pour ma sœur. Je savais qu’elle n’approuverait pas. « Félix, c’est ça ? » Un sourire faux prend place sur mes joues, mais bizarrement, le jeune homme pouvait voir mon regard se durcir tandis que je l’observais, patient et serein. « J’ai été. Vraiment. Ravi. De faire ta connaissance. » articulai-je en pesant chaque mot avec gravité et sérieux malgré mon sourire. Comme une lame de rasoir qui effleurait une plaie saignante sans pour autant la dépecer. « Nous nous reverrons sûrement. » ajoutai-je d’une voix plus basse qu’à l’accoutumée tandis que mon sourire disparaissait pour laisser placer à une froideur peu commune avant que je ne me tourne vers Apolinna pour lui murmurer à l’oreille, après un baiser sur sa tempe. « Amuse-toi bien ma chérie. On se verra plus tard. » Je disparais ensuite, non sans un dernier regard sur le jeune couple.