In god's hands ☛ Indiana&Ethan

J’en avais eu la confirmation de vive voix, Ethan et sa copine garderaient l’enfant. C’était de loin l’une des épreuves les plus éprouvantes dans la vie de deux étudiants, et je comprenais parfaitement ses craintes et ses appréhensions. Être parents, si tôt, allait probablement corrompre l’avenir imaginaire qu’ils s’étaient fixés quelques années auparavant. Plus laborieux sans doute, mais ça ne les empêcherait pas de réussir, loin de là. Il était vraiment inquiet, que cette expérience ne soit trop complexe à surmonter. Il n’avait pas tort, mais il ne devrait pas baisser les bras. Je ne sais pas comment j’aurais réagi dans leur situation. Si j’étais tombée enceinte à dix-huit ans, ou même aujourd’hui, quelles auraient été mes réactions. Je n’aurais sûrement pas aussi bien accepté ce qu’il m’arrivait. En repensant à ce qui aurait été différent dans ma vie, si ce genre d’évènement m’était tombé dessus, je continuais de caresser amicalement ses cheveux.
Alors que nous nous rapprochions, dans la confidence, il m’avoua être ravi de notre rencontre. J’en étais tout aussi enchantée. Je n’avais jamais douté que c’était un jeune homme sympathique, mais j’avais été d’autant plus impressionnée par son courage. A cet instant, ma mise était radieuse, et le plaisir réciproque de notre entrevue se lisait sur mon visage. Alors, quand il me demandait de garder contact, je ne pouvais qu’accepter. « C’est promis, tu peux compter sur moi. Seul, ce sera probablement difficile, mais je t’assure que tu as des personnes autour de toi qui seront prêtes à t’épauler. Et J’en fais partie. »
Je brisais notre étreinte pour fouiller à nouveau dans mon sac. Cette fois-ci, j’en sortais un bout de papier déchiré d’un carnet, et un stylo pour y inscrire quelques chiffres. Je lui tendais le dit-papier. « Tiens, mon numéro, pour que tu puisses me contacter en cas de besoin. Tu seras un père formidable, j’en suis certaine. » Je pointais du doigt le ciel au-dessus de nous. « C’est le moment de lui prouver qu’il peut être fier de toi, parce que tu vas te battre. »

Son merci, aussi inaudible qu’il soit, avait été pour moi un soulagement. De savoir que j’avais réussi à lui remonter le moral était ma récompense. Son sourire était enfin réapparu, après ce moment de relâche. Ses larmes n’étaient plus qu’humidité sur ses joues, et il avait décidé de se battre jusqu’au bout. C’était la meilleure des décisions. Pour lui, Solweig, et leur futur enfant. Il rangeait le papier dans sa poche pour s’assurer de ne pas le perdre et me promettait de donner suite à cette entrevue. Nos chemins s’étaient croisés, et il était désormais indéniable que nous nous recroiserions dans un futur proche.
Mais pour le moment, il me proposait de nous dégourdir les jambes. C’était une excellente idée puisque je commençais à ressentir un besoin de bouger dans tous les sens. La tranquillité de l’arbre, bien qu’agréable, manquait d’agitation et nous ne devions nous morfondre dans l’ombre des feuilles. L’ambiance austère de l’église nous avait permis de nous retrouver, mais il était temps de redécouvrir la lumière du soleil, hors du tamis du feuillage. Je répondis positivement d’un hochement de tête et Ethan fit le premier pas en se levant. Il me tendit la main pour que je le suive et je m’exécutais. J’attrapais sa main, une poigne forte, mais douce, comme son caractère et il m’aida à me soulever. Une fois sur pieds, j’époussetais ma jupe pour retirer l’herbe qui s’y était collée. Je murmurais à mon tour un merci tout en attrapant mon sac, pour le glisser sur mon épaule. Enfin prête, je révélais mon visage vers lui pour lui adresser un sourire. « C’était vraiment agréable, de pouvoir se rencontrer comme ça. » Nous nous mettions en route, d’un pas lent et serein, pour se rapprocher des chalets en passant dans le village. Les bâtiments semblaient d’un autre temps, les habitations étaient bien différents des buildings américains, pierres et portes en bois. Je le regardais marcher à mes côtés. « C’est rare, de nos jours, les jeunes qui se rendent encore à l’église. Ca me fait plaisir que nous ayons ça en commun.

Ethan était vraiment une personne attentionnée. Sa proposition de me raccompagner m’enchantait, puisqu’elle nous permettrait de discuter, et d’apprendre à nous connaitre en profondeur, et nous étions bien partis. Mon visage se réchauffait, par le soleil qui nous cognait, par l’attention qu’il me portait, l’ambiance était agréable. « Je serais ravie de continuer notre rencontre, et puis, si c’est en si bonne compagnie, je ne peux qu’accepter ! » J’étais réellement enjouée par notre amitié naissante. Malgré les révélations accaparantes qu’il avait pu m’avouer, j’avais l’impression de retomber en enfance, là où les amitiés étaient si faciles à lier. Et cette sensation s’avivait lorsque nous arrivions à proximité d’un square de gamins. Je n’avais pas eu l’occasion d’avaler quoi que ce soit depuis mon réveil, et je commençais fortement à ressentir un manque au creux de mon estomac. Il s’arrêta net pour me fixer, les yeux ronds, brillants comme ceux d’un gosse devant son premier cadeau de Noël. Et comme s’il lisait dans mes pensées, il pointait du doigt le stand qui surplombait l’étendue d’herbe.
Je laissais un rire s’échapper de ma gorge face à sa demande, bien qu’à quelques secondes près, c’eut été la mienne. « J’allais justement te proposer de manger un bout. L’air frais, ça creuse ! » Je repensais immédiatement à mon enfance. A tous ces détours par le parc près de chez moi avant de rentrer de l’école, tout ça juste pour m’acheter une glace. Eté comme hiver, j’étais capable d’affronter la pluie glaciale pour ma sucrerie. Nous nous approchions de la serveuse en tablier, qui sur un ton accueillant, nous proposer sa marchandise. « Deux, s’il vous plait ! » Elle s’attelait à sa tâche avec précision, et moi, j’étais fascinée. Autour du bâtonnet se formait une couche de nuage, rose pastel, et parfois les morceaux virevoltaient autour d’elle. C’était une danse qu’elle seule savait manier. En attendant qu’elle finisse son tour de magie sucré, je reportais mon attention sur Ethan. « Vous êtes ensemble depuis combien de temps ? » C’était sorti tout seul, comme si ça me brulait la langue. Ma curiosité avait été attisée par le jeune homme, mais j’imaginais qu’il pouvait être dérangé par trop de questions. « Enfin, ne te sens pas obligé de répondre, c’est peut-être indiscret. »

Je le remerciais de sa gentillesse alors qu’il m’offrait une barbapapa. La jeune serveuse terminait son travail et nous tendait les sucreries. Nous entamions notre chemin au travers du parc alors qu’il répondait à ma question. Seulement deux mois, et les problèmes commençaient à leur tomber dessus. Mais j’avais confiance en Ethan sur ce point, il serait capable de s’en sortir mieux que n’importe qui d’autre.
Habituellement, je détestais répondre aux questions personnelles. Je me débrouillais, à chaque fois, pour changer de sujet, terminer la conversation et m’éviter d’étaler ma vie intime en public. Mais à plusieurs reprises dans cette journée, Ethan s’était ouvert à moi librement, et je lui devais une réponse. Pour être à égalité. En abordant ce sujet, je savais pertinemment qu’il poserait la même en retour, et c’est ce qu’il fit. Un amour qui m’aurait marqué. J’eus une hésitation. Non pas sur la personne qui m’avait marqué, mais sur la façon de l’aborder. J’avalais un filet de sucre rose avant de me lancer. « Actuellement, je n’ai personne. » J’émettais une courte pause, le temps d’attraper une nouvelle bouche. « Mais j’ai vécu une relation intense avec la même personne pendant trois années. » Sans vouloir l’admettre, ces souvenirs restaient douloureux. Une partie de ma vie, résumée en quelques mots conjugués au passé. Je laissais apparaitre sur mon visage un sourire amer. « Et puis nous y avons mis un terme il y a un an. »