Oh hello delicious sunshine ✖ Méline

« On va dire ça. » On avait déjà assez épilogué sur le sujet, ces disputes à de nombreuses reprises avaient terminé par briser un des couples les plus allumés de New York. À l'heure actuelle, de l’eau avait sûrement dû couler sous les ponts et visiblement les discours ne s’étaient pas améliorés, chacun restait campé sur ses positions. « Tu oublies que l’une de mes nombreuses qualités est de savoir lorsque tu mens, ce qui, je te l’accorde, n’est pas le cas de tout le monde. » Comment oublier ce que nous avions vécu ? Notre couple était si destructeur, pour chacun d’entre nous certes, mais également pour le monde qui nous entourait. Nous aimions le pouvoir, la soumission de tous les êtres autour de nous, ensemble nous aurions pu être le roi et la reine mais le destin, si on peut l’appeler ainsi, le coup du sort, en avait voulu autrement. Mais bien que je n’aimais pas croire à toutes ces conneries de liseuses de cartes, me retrouver dans ce bar en sa compagnie ne me laissait pas indifférent car sur toutes les personnes qui arpentaient ses rues bondées, il fallait que j’entre ici et tombe sur elle, à ce moment précis. Aussi étrange qu’envoutant.

J'avais toujours endossé le rôle de la fille qui se fichait de tout et particulièrement des autres. Ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Alors oui, je préférais lui faire croire que je ne lui portais aucun intérêt plutôt qu'avouer qu'il y avait toujours des vestiges de notre relation ancré à moi. « On va dire ça. » Ouais. Autant ne pas poursuivre sur ce sujet puisque de toute évidence, l'accord était loin d'arriver. J'avais mes tords, il avait les siens mais par fierté, personne n'avouerait rien. Schéma typique de la relation destructrice qu'on avait pu avoir. « Tu oublies que l’une de mes nombreuses qualités est de savoir lorsque tu mens, ce qui, je te l’accorde, n’est pas le cas de tout le monde. » Fronce les sourcils, pousse un soupir. Ouais, j'avais tendance à oublier qu'il était la personne qui me connaissait le mieux. Qu'il était capable de lire en moi comme dans un livre ouvert et que par conséquent, il n'était pas dupe de mes mensonges à deux balles. Nouveau soupir. Qu'est ce que tu veux Loukas ? Finir la nuit dans une chambre de luxe en souvenir de notre passé ? T'envoyer en l'air pendant des heures et goûter à notre sauvagerie d'autrefois ? Ce n'était que des mauvaises idées. Quelque chose qui nous pousserait dans la torture qu'on savait si bien s'infliger.

Qu’est-ce que je pouvais ressentir à cet instant ? Je l’ignorais, vraiment. Pourquoi ? Tout simplement parce que en temps normal je n’étais pas le genre de type à avoir des sentiments, à se laisser bercer par une certaine nostalgie d’une histoire passée. Pourtant en me trouvant là, juste à côté de Méline et des vestiges de notre passé, j’ignorais vraiment ce que je voulais faire, ce que je désirais. Effleurer de mes doigts son corps qui serait nu sous des draps de satin d’une chambre d’hôtel luxueuse ? Probablement, je ne cracherais pas sur un moment pareil, quitte à ce que celui-ci nous torture alors que nous garderions le silence car nous sommes plus forts que tout ça non ? « Rien et toi, qu'est-ce que tu veux ? » Je plantais mon regard dans le sien, restant un moment silencieux. Je voulais à la fois tout et rien. Je ne voulais pas rester planté là, non je voulais l’enlacer de mes bras pour qu’elle me repousse, qu’on s’engueule et qu’elle finisse par me griffer le dos dans nos ébats houleux. Et en même temps… je voulais savoir ce qui s’était passé durant toutes ces années, ce qu’elle était devenue, avait-elle eu des problèmes ? Avait-elle définitivement tourné la page ? Des questions qui me brûlaient les lèvres mais qui me permettaient de m’interroger également sur mes souvenirs et mon ressenti envers elle.

Les amants maudits nous iraient à merveille comme petit surnoms. Trop fourbe et sauvage pour faire marcher quoi que ce soit mais bien trop passionnés pour faire une croix sur l'autre. Alors c'était ça ? Même après tout ces années, on était incapable de se tourner le dos et de partir chacun de nos côtés. J'étais pas bête, il ne l'était pas non. Et j'voyais dans ses yeux l'envie dévorante, tout comme il pouvait sûrement voir dans les miens l'euphorie à l'idée de le posséder à nouveau même pour quelques heures. Etais-ce raisonnable ? Drôle de question pour quelqu'un qui ne l'avait jamais été. « Rien et toi, qu'est-ce que tu veux ? » Le silence, rien de plus. Je le regardais sans un mot tentant de sonder chacune des ses micros expressions. Loukas, ce premier amour aussi destructeur que ravageur. Celui qui m'avait rendu dingue tant de fois, qui m'avait fait aimer la destruction de nos ébats me rendant addict à la sensation comme une pauvre junkie. Rien. Ou toi. Pour ce soir. Et les soirées d'après. Mais c'était de ma fierté dont on parlait. Les mots ne sortiraient pas sauf s'il était capable de les interpréter. Je devrais rentrer. Ou alors tu me retiens et on verra bien demain.

Rien. La même réponse qui comblait le silence de ce bar. Rien, qu’est-ce que ça voulait dire ? Je n’en savais foutrement rien. À quoi ressemblaient nos retrouvailles ? Eh bien ça aussi je l’ignorais. Je voyais en elle cette étincelle qui semblait cependant un peu plus éteinte qu’auparavant, elle avait dû en bouffer, le destin n’avait pas dû être tendu avec elle. Cependant, cette étincelle m’attirait toujours après toutes ces années et j’avais envie d’avoir un moment privilégié avec elle. Des ébats charnels ? Peut-être bien mais pour une fois, je désirais également autre chose, en apprendre plus sur ce qu’elle avait pu vivre en sortant de ma vie, apprendre tout simplement ce que j’avais manqué, histoire de me torturer un peu plus de nous avoir abandonnés. « Je te raccompagne. » J’attrapais le verre que le serveur venait de me tendre et je le buvais cul sec, n’en laissant pas une goutte. Je me levais d’un bond et attendais qu’elle daigne se lever à son tour. « Je te raccompagne, tout simplement, je ne veux pas que tu rentres seule. » Je plantais mon regard dans le sien, il n’y avait rien d’innocent dans nos échanges, mes paroles étaient peut-être là pour nous rassurer tous les deux, se dire que le feu entre nous ne brûlait plus, que notre histoire était consumée alors que nos têtes, nos cœurs et nos regards flambaient en nous montrant vulgairement le contraire.

Et s'il me retenait réellement ? Ce serait quoi la suite ? Parce que j'étais pas certaine que ça soit la meilleure idée au monde. On étaient doués pour se déchirer, pas spécialement pour le reste. Mais y avait aussi cette passion entre nous. Celle qui nous prenait aux tripes et à laquelle on étaient incapable de résister. Et si on rallumait cette flamme ? Si un seul faux pas de mon côté ou du sien venait ranimer les cendres de notre passé ? Y avait tellement de question dans ma tête. Tellement et si peu de réponse. « Je te raccompagne. » Mes prunelles noisette s'posaient sur lui et quand il finissait son verre, je daignais quitter le tabouret que j'avais adopté plus tôt dans la soirée. « Je te raccompagne, tout simplement, je ne veux pas que tu rentres seule. » Raconte tes cracks à d'autre. Je le vois dans ton regard que tu veux tellement plus. Est ce que tu le vois dans le mien ? Pourtant, j'empruntais la sortie refermant les boutons de ma veste pour affronter la température peu élévé de l'extérieur. Les beaux jours tardaient à venir. Tu me raccompagnes sur le pas de la porte. Un rire sortait de ma bouche alors que je le regardais à nouveau. Oh non, bien sûr qu'il voudrait entrer. Et aussi faible que j'étais je le laisserais me guider à l'intérieur sombrant probablement sous ses baisers.

Qu’est-ce qu’elle était en train de s’imaginer ? Que j’allais la raccompagner, attendre sur le pas de la porte qu’elle ouvre et que j’allais violemment poser mes lèvres contre les siennes, ouvrant son chez soi en la poussant à l’intérieur, claquant la porte derrière moi tout en commençant à la déshabiller ? Peut-être bien, c’est ce que j’aurais fait il fut un temps, quoique… je n’aurais même pas attendu d’être devant sa porte en fin de compte. « Très bien, j’en profiterais pour faire connaissance avec ta porte, il ne me semble pas la connaître… » J’ouvrais justement la porte qui nous séparait de la rue et la laissais passer avec un large sourire aux lèvres. Je la suivais alors tout en rabattant le col de ma veste mal mis sur mon cou. Je tendais alors mon bras à Méline pour qu’elle s’y accroche, ou non étant donné son caractère de cochon à certains moments. Quoi qu’il en soit j’enfournais mes mains au chaud, dans mes poches et me mettais à marcher en direction de son lieu de résidence. C’est dingue comme tout ceci pouvait me faire penser à notre passé en commun, le fait que nous déambulions dans les rues de New York, à se charrier, à faire comme si on était les rois du monde, ce que nous étions un peu, il faut l’avouer, à se narguer, à se foutre des gens nous entourant. Tout ceci était bien loin désormais, mais je devais avouer qu’une pointe de nostalgie essayait de s’insinuer dans mon crâne.

L'attraction était malsain, de mon côté du moins. Et comme à chaque fois, j'avais la désagréable impression de pouvoir me brûler au moindre pas. Parce qu'avec Loukas, tout avait toujours été dangereux. De nos ébats mouvementés à nos conversations passionnés. Peut être étais-ce pour ça qu'après tout ce temps, l'alchimie semblait encore présente. Il était plutôt difficile d'oublier les guerres qu'on avait pu se livrer entre quelques mots d'amour pour ponctuer le tout. Oh quelle était belle la mélancolie que je pouvais ressentir à ce moment précis. « Très bien, j’en profiterais pour faire connaissance avec ta porte, il ne me semble pas la connaître… » Un mince sourire étirait mes lèvres et après un court instant d'hésitation je glissais mon bras au sien commençant la marche silencieuse au beau milieu de la nuit. Et puis maintenant ? Ma main libre venait s'engouffrer dans le sac que je tenais jusqu'à ce que retentisse le cliquetis de mes clefs. L'abri n'était plus bien loin et une fois arrivé devant la façade de l'immeuble je me défaisais de l'emprise de cet amant qui avait bien trop compté. Tu veux entrer ? Simple question qui pourrait pourtant donner tout un tas d'issus pour le reste de la nuit. Ne restait plus qu'à savoir la suite qu'on voudrait donner. Simplicité d'un au revoir sur le pas d'une porte gisant dans le pénombre ou au contraire, ébats violents nous caractérisant peut être un peu trop. J'savais pas, j'savais plus. Avec lui, c'était toujours de l'inédit.

C’était étrange, quand elle n’avait rien à dire, et moi non plus. Elle était pipelette et moi j’étais toujours là pour écouter, ou du moins pour faire semblant car oui, des fois, je l’avoue, mon cerveau se déconnectait tout seul. Combien de fois on avait pu s’engueuler à ce sujet ? Un sujet parmi tant d’autres il faut dire. Entre nous c’était drôle, passionné, corrosif, il y avait quelque chose qui nous bouffait de l’intérieur. Je l’avais aimé, c’était peut-être la seule fille à qui j’avais confié mon cœur en y repensant et elle l’avait piétiné du haut de ses Louboutins. Oh je ne pouvais pas lui en vouloir, le sien, je l’avais tenu entre mes mains et je l’avais écrasé également. C’était ça, moi et elle, elle et moi, ensemble, c’était quelque chose d’absolument destructeur mais tellement impressionnant. Je regardais d’abord le sol, me coupant de toute réalité alors que mes pas continuaient vers la direction donnée par Méline. Un cliquetis de clé et je relevais la tête, la laissant se détacher et emporter avec elle ma vague de souvenir. Comme convenu, je ne tentais rien, je me contentais d’enfouir mes mains dans mes poches et de me caler contre le mur tout en posant mon regard sur elle. « Ça n’oblige à rien. » Sous-entendu, je ne l'obligeais pas et ce n'est pas parce que j'allais monter qu'il se passerait quelque chose. Est-ce qu’elle voulait vraiment que je monte ? Qu’on ressasse une nouvelle fois le passé quitte à s’en mordre les doigts ? Pire, quitte à se faire consumer par ce feu terrible qui nous envoutait depuis tant d’années…

J'avais pourtant tout le temps détester ne pas être maître de la situation. J'avais cette soif de contrôle dans chaque situation mais avec lui, je ne maîtrisais jamais rien. C'était peut être pour ça aussi que j'avais fini par tomber dans ses bras encore et encore malgré les douleurs, les peines et le coup bas. Parce qu'il représentait tout ce que je détestais et j'en étais tombé complètement folle. Retomber sur lui ça faisait remonter des tas de souvenirs. Les bons, comme les mauvais. Au final, y avait plus de mauvais qu'autre chose, beaucoup trop de déchirement, de peine et de cris mais c'était tout. Cette lutte constante l'un contre l'autre qui nous faisait tant vibrer au final. C'était notre histoire et même avec le temps, je n'arrivais toujours pas à regretter. Probablement que si c'était à refaire, je m'enfoncerais dans notre auto destruction si singulière des milliers de fois. Parce que j'étais comme ça, addict à ce qu'il avait pu me donner par le passé. « Ça n’oblige à rien. » Hausse les épaules d'un air entendu. Bien sûr que ça n'oblige à rien. Mais on s'connait toi et moi et on ne partagera pas une tasse de thé dans le plus parfait des contrôles. Ca finira par déraper. Aujourd'hui, demain.. Ce n'était qu'une question de temps après tout, c'était comme ça qu'on fonctionnait. C'est comme tu veux. Tu viens, tu viens pas. T'as le choix, le reste s'écrira plus tard.