C'était vraiment bizarre d'avoir Thomas en face de lui. Il n'avait pas vraiment changé et ça en rajoutait à l'impression que le temps avait filé à vitesse grand V depuis ses dix-sept ans. Ziggy observait Thomas d'un air intéressé. Parce que de nombreux souvenirs se rappelaient à lui. Des souvenirs brûlants, un peu fous. Ils en avaient fait des choses tous les deux. Des choses qui auraient fait rougir les nonnes. Et ils avaient aimé ça. Ziggy mentirait s'il disait qu'il n'avait pas apprécié tous les moments passés ensemble. "Médecine... Tu feras un merveilleux médecin." C'était pas du compliment bateau. C'était pas le genre de Zig, de toutes façons. Ziggy le pensait vraiment, il imaginait parfaitement Thomas en médecin. "A croire que je suis prévisible... En effet, je bosse à droite et à gauche. J'me démerde, comme toujours." Ils passèrent enfin commande et Ziggy demanda un grand café crème accompagné d'un croissant. Lui qui avait l'habitude du McDo post-cuite, ça le changeait un peu. "Alors je dois t'appeler Thomas, maintenant." C'était pas vraiment une question. C'était plus une réflexion pour lui même. Mais bien sûr, cette réflexion amenait à de nombreuses interrogations : pourquoi avait-il changé de nom et quand ? Bref, le cerveau de Ziggy fonctionnait à plein régime et il sentait la migraine le submerger. Touchant sa joue douloureuse, il rajouta : "Putain, je dois pas être beau à voir."
Je ne savais pas comment réagir face à Ziggy, il ne fallait pas que je rougisse à ses paroles, ça serait une grave erreur de ma part. Je le regardais en clignant plusieurs fois des yeux avant d’afficher un léger sourire au coin. « Un compliment de Monsieur Carstairs ? » dis-je en haussant les épaules. Je le connaissais assez pour savoir qu’il n’avait pas changé et qu’il bossait toujours pour gagner de l’argent sans vouloir faire d’étude. « T’as toujours été comme cela, je ne vois pas pourquoi cela aurait changé aujourd’hui. » dis-je en haussant les épaules. Je finis par commander un grand café latté avec un chausson aux pommes. Je repose mon regard sur lui quand il me dit qu’il devait maintenant m’appeler Thomas. « Oui, beaucoup de chose a changé dans ma vie. » dis-je en haussant les épaules. Je regarde sa joue qui semblait le faire souffrir, suite à ses paroles. Je finis par appeler la serveuse et demander une serviette avec des glaçons dedans, cela évitera que cela n’enfle trop. « Avec ça, tu seras moins horrible… Enfin, ça n’empirera pas du coup. » dis-je en haussant les épaules. J’étais trop gentil, et trop faible face à lui.
"Un compliment de Monsieur Carstairs ?" c'était drôle de voir comme Ziggy avait le mauvais rôle. Comme s'il était incapable du moindre compliment. Alors que franchement, Zig, c'était le mec qui disait tout haut ce qu'il pensait. Enfin... sauf quand ça entrait dans le jeu des sentiments. Tant que ça restait banal, il était capable des plus beaux compliments. Quand ça devenait plus personnel, il se fermait comme une huître. "Comme si c'était le premier que je te faisais..." Zig leva les yeux au ciel. Il savait qu'il avait laissé un goût amer à Thomas. Mais peut-être pas au point d'être étonné au moindre compliment. En même temps, Ziggy avait été un vrai connard à l'époque. "Toi, tu as changé, apparemment. Alors j'aurais pu changer aussi. Qui sait, un jour je finirais peut-être par trouver un boulot stable et me poser. Enfin c'est pas pour tout de suite." Ziggy croqua un bout de son croissant, grimaçant à cause de la douleur qu'il ressentait dans sa pommette. Thomas demanda une serviette avec des glaçons et la lui tendit. "Et voilà que j'ai mon médecin personnel..." Ziggy ricana légèrement puis appliqua la serviette sur sa joue. "Et qu'est-ce qui a changé au point de ne plus vouloir porter ton ancien prénom ?" Revenons aux choses sérieuses.
Je m’étonnais toujours, surtout que j’ai surtout retenu les dernières paroles qui m’a sorti et c’était loin d’être des compliments. Alors je pense avoir le droit de ne pas trop croire à son compliment. « Je me souviens plutôt des dernières paroles que tu m’as dit. » dis-je en m’occupant de mon café. Je pris une gorgée, grimaçant à cause du fait qu’il était trop chaud mais c’était cool quand même. Je n’ai jamais imaginé que Ziggy puisse changer, je le voyais plutôt changer quand il se décidera à être sérieux en amour et être stable. Là, il arrivera sûrement à réussir à changer. « T’as jamais voulu te poser vraiment, alors je ne pense pas que cela changerait maintenant. » dis-je en haussant les épaules. Ma bonté me perdra, je demande une serviette avec des glaçons avant de la lui tendre pour sa joue et éviter les dégâts. « C’est pas vraiment de la médecine et je me spécialise dans le côté pédiatrie, à moins que tu sois un enfant. » dis-je en haussant les épaules. Il était un enfant c’est sûr. Je soupire quand il cherche à en savoir plus sur mon changement de prénom, il ne savait pas encore que j’avais changé de nom de famille également. « C’est compliqué, mais Thomas est mon deuxième prénom. Ça me permet d’avancer dans une nouvelle vie en laissant Tout mon passé derrière moi. » dis-je en plongeant mon regard dans le sien. Laisser mon overdose, mon côté délinquant, ma famille adoptive, Arabella et lui derrière moi.
Lorsque Thomas parla des dernières paroles que Ziggy a prononcées, le jeune écossais haussa les épaules. C'était loin tout ça. Pourtant, malgré l'air détaché qu'il prenait, Zig s'en souvenait comme si c'était hier. Il se rappelait de chaque mot prononcé et du visage de Thomas se décomposant au fur et à mesure de leur discussion. Si on peut appeler ça une discussion, bien sûr. Ça avait plutôt été un monologue de Ziggy. Car dans le fond, Zig avait eu peur que Thomas ne dise quelque chose qui aurait pu le faire changer d'avis. "J'avais dix-sept ans." balança Zig comme excuse. Mais c'était une excuse pourrie et il en avait totalement conscience. Il aurait pu simplement s'excuser pour de vrai. Il en était encore tout bonnement incapable. Revoir Thomas aujourd'hui le ramenait à ses vieux démons. "Pédiatrie ? Niveau âge mental, je peux faire partie de tes patients." Thomas n'allait pas le contredire là-dessus. Il se mit à parler de son nouveau nom. Comme si le fait de changer de nom pouvait lui faire oublier tout son passé. "J'imagine que je fais partie de la catégorie "à oublier"." Ziggy savait qu'il se dirigeait vers une discussion qu'il ne maîtriserait bientôt plus. La poche de glace sur sa joue l'anesthésiait un peu et ça lui faisait énormément de bien. Ca lui remettait un peu les idées en place. Et il savait qu'évoquer leur relation passée allait être difficile. Mais s'il s'interdisait des sentiments, Zig n'était pas sans coeur.
Les paroles pouvaient faire beaucoup plus de mal que des coups, j’en avais eu conscience ce soir-là. Il avait beau me donné comme excuse qu’il était jeune à l’époque, cela ne changeait aucunement ce qu’il avait tout de même dit. « Aujourd’hui, tu les dirais encore… Ne prend pas l’âge comme une excuse. » dis-je en soupirant. Il fallait toujours qu’il trouve un moyen de passer outre le fait qu’il avait fait une connerie. Je me doutais qu’il ne s’en voulait pas, qu’il s’en foutait clairement de m’avoir blessé d’ailleurs. Je lui explique finalement que j’étais en pédiatrie mais il n’avait pas tort. Il convenait clairement à mon type de patient habituel. « Tu n’as pas tort, même un gosse aurait une mentalité plus élaboré que toi. » dis-je avec un sourire au coin. Je commence à manger mon chausson aux pommes doucement. Il finit par s’intéresser par mon changement de prénom, je ne pus m’empêcher de lui dire que ça me permettait de passer à autre chose et d’oublier d’une certaine manière. « Oui, tu en fais partie en effet… Même si je t’ai aimé, ça n’empêche en rien qu’il est mieux pour moi de t’oublier. » dis-je en ne le regardant pas. Je buvais mon café tranquillement, je ne lui ai jamais caché mes sentiments, enfin je lui disais rarement mais je le montrais tout de même contrairement à lui.
Ziggy savait que ses paroles étaient rarement tendres. Il était du genre à lancer les vérités avec virulence. Et quand il avait servi ses mensonges à Thomas, il s'était détesté à la seconde où il les avait prononcés. Non, il ne s'en foutait pas de l'avoir blessé et non, il ne s'était jamais foutu de lui. Mais Ziggy était bien trop fier pour avouer tout ça. A l'époque, Thomas avait envoyé tournoyer toutes les certitudes de Ziggy. Ses convictions sur l'amour, sur la vie, sur ses valeurs. Et Ziggy n'avait pas été prêt pour l'ouragan. Il n'était sans doute toujours pas prêt à vivre une telle chose. S'il ne montrait rien, cette entrevue avec Thomas le rendait fébrile. "Tu veux que je dise quoi ? Que je suis désolé ?" Le ton de Ziggy montait un peu, ce qui manifestait un léger malaise. "Ca changerait quoi, franchement ?" Lorsqu'il évoqua ton âge mental, sa réflexion te fit sourire. Il n'avait que trop raison. Ziggy n'était qu'un gosse. Un sale gosse même. Du haut de ses vingt-trois ans, il avait la maturité d'un poulpe. Les dernières paroles de Thomas le perturbèrent un peu plus. Jamais Thomas n'avait caché ses sentiments. Contrairement à Zig. "S'il est préférable de m'oublier, qu'est-ce que tu fais ici en ce moment ?" C'était la question piège. Et le regard de défi de Ziggy en témoignait.
Comme d’habitude, il fallait qu’il monte le ton quand quelque chose ne lui plaisait pas. Il n’avait clairement pas changé et j’avais l’impression de faire face au Ziggy que j’ai laissé il y a maintenant 4 ans. Je soupirais doucement avant de détourner le regard, je m’en foutais clairement de ces excuses mais cela aurait pu me plaire en effet. « Tu ne t’excuses jamais alors ouais, j’imagine que j’aurais aimé entendre cela… Mais si finalement, cela ne changerait rien à ce qui s’est passé. » Mais cela pouvait tout de même toucher le futur, mais j’imagine que ça aussi, il en a rien à foutre. Je lui avais fait comprendre que j’avais changé pour oublier, pour l’oublier lui par la même occasion, malgré les sentiments forts que j’avais eus envers lui. Sa question ne me fit pas sillé, je m’y attendais, il cherchait toujours à déstabilisé pour avoir ce qu’il veut. « Tu m’as invité, et au final, j’étais curieux de savoir comment tu étais… T’es toujours le même, c’est bien regrettable. » dis-je en haussant les épaules. Je voulais aussi lui montrer que cela ne me touchait pas, même si je mentais clairement, et que mon regard était toujours attiré par lui… Comme toujours.
Si un sourire naissait sur les lèvres de Ziggy, il ne s'amusait pourtant pas le moins du monde. Cette situation le déstabilisait et il détestait ne plus tenir les rennes. Il avait l'impression de se laisser bouffer. Il avait comme une boule au creux de la gorge, quelque chose qu'il n'avait pas ressenti depuis des années maintenant. Et contrairement à lui, Thomas était incapable de cacher que leur entrevue le perturbait. Zig laissa retomber la serviette et son bras sur la table. Son autre main vint se poser dans sa propre nuque signe qu'il était mal à l'aise. Effectivement, il ne s'excusait jamais. Les excuses avaient quelque chose de désagréables pour son ego. Rares étaient les personnes pour lesquelles il s'était excusé. Les dernières paroles s'écrasèrent contre sa poitrine. Ziggy savait ce que Thomas cherchait à faire. Lui rendre la monnaie de sa pièce. Il ne pouvait pas lui en vouloir. C'était même normal. Simplement humain. "Regrettable ?" Une certaine animosité régnait dans la voix de Ziggy. Lui qui se foutait de ce que les gens pensaient de lui était quelque peu vexé par les paroles de son ancien petit ami. "Ça ne te déplaisait pas à l'époque..." Ziggy planta son regard noisette dans ceux de Thomas. La tension était palpable. "Mais vas-y Trung... Balance les pires horreurs que tu penses de moi. Je te dois bien ça." Un brin résigné, Zig venait clairement de faire exprès de l'appeler Trung. De toutes façons, il n'avait aucune envie de l'appeler par son autre nom. Il ne connaissait pas ce Thomas.
Je n’étais pas d’un naturel méchant, mais je sais qu’être gentil m’a valu beaucoup de merde dans ma vie. Sortir ce genre de parole ne me faisait pas du bien pour autant, j’aimais être gentil mais il y en avait marre qu’on me prenne pour du con. Je continuais de dire des mots blessants parce qu’il essayait de me déstabilisé et je n’acceptais pas que cela marche. J’étais tombé sous le charme de son côté regrettable mais on avait plus dix-sept ans, il serait temps qu’il grandisse comme tout le monde et surtout qu’il évolue. « En effet, j’étais sous le charme de ton côté mauvais garçon mais comme tu dis… On n’avait dix-sept ans, maintenant on a passé l’âge d’être comme cela. » Même si je dois avouer que je suis tout autant attiré par lui à cause de son côté mauvais garçon. Ce mec m’énervait à toujours avoir cette influence sur moi. Je continuais de manger mon chausson aux pommes en faisant comme si je m’en foutais de tout ce qu’on se disait alors que pas du tout. « Je te considère comme le pire des connards sur cette terre, j’étais amoureux de toi, t’as été mon premier amour et tu m’as jeté comme une pauvre merde. T’es même pas venu me voir quand j’étais à l’hôpital à cause de mon overdose ! Oui, je me suis renseigné, pour moi … Tu n’as été que le parasite de ma vie d’avant. » Mensonge, je n’ai jamais été aussi bien que quand j’étais avec lui. Je me sentais tellement mal à Edimbourg qu’il a réussi à embellir ma vie là-haut… Juste avec sa présence et tout ce qu’on faisait ensemble.