« paradis perdu » oliver et anna.

Paradis perdu

× Annalyne & Oliver ×

« Ça fait parti de mon charme. » Un tantinet, c'est vrai, je veux bien lui accorder. Même si je dois avouer que je ne l'ai pas regardé comme un homme qui pourrait me plaire, j'ai déjà Clay, qui obsède la moindre de mes pensées, et me convient, à sa manière. Bien que je sois fiancée, il est le seul, l'unique, le premier. Mais je me jure de ne jamais lui répéter.
Alors le voilà en train de m'expliquer, de me dire à quel point, chez lui, il avait cette incapacité à respirer, il s'éveille avec véhémence lorsqu'il évoque les souvenirs de son enfance. C'est de toute ma candeur, tout ce que je peux lui donner en terme de douceur, que je lui dis finalement, qu'ici il n'est plus question de combat, que c'est terminé, qu'il en est loin de tout ça. Et voyant ses gestes qui se figent, je me demande si je n'ai pas dit une bêtise, une véritable connerie, me blâmer pour tenter d'être gentille avec autrui. Je ne suis pas douée pour le faire, alors pourquoi tenter. J'accuse donc en un de ses soupirs, ma stupidité. "Merci." J'en fronce directement les sourcils, non, non, on ne dit pas merci pour ça, et j'ai horreur de penser que tu pourrais me devoir quoi que ce soit. C'était juste une phrase prononcées comme ça, il n'y a pas de quoi en faire toute une énormité.

Il s'image en tant que vilain petit canard, alors j'en viens à lui rappeler la finalité du conte enfant, il déploie ses ailes, et prend cet envol tant espéré, vers une famille assurément prête à l'accepter. « Elle est loin d'être finie mon histoire » J'apprécie sa façon de penser, celle de se dire que tout peux encore évoluer. Encore et toujours mon inverse. « J'ai encore beaucoup de chapitres à écrire, on verra avec le temps si je me transforme. C'est déjà un changement entre Boston et Montréal. » Au moins, il a le mérite, d'être envers et contre tous, optimiste. En mon esprit, ses mots font rapidement un sens, puisque j'en viens à envisager les prochains chapitre – comme il dit – qu'il me reste à écrire. Ce mariage, ma société. Et foutre de côté cette infime volonté de vouloir partager cela avec un flic qui a su me charmer.
La recherche du bonheur étiole la conversation, et dans les heures avancées de la nuit, je ne suis pas certaine que cela fasse correctement son chemin dans nos esprits, surtout dans le mien. Je parle de ce fait, là, celui qui me dit que je ne le suis pas, heureuse. Qu'avant pourtant, c'était bel et bien le cas. C'est curieux comme les temps changent, sans qu'on ne le voit. « Il ne devrait y avoir qu'un croupier pour notre vie et ça devrait être nous-même. » Mais … Et l'argent ? Et le pouvoir ? Je ne peux pas me résigner à tout lâcher. S'il suffit de souffrir un brin afin d'y accéder, la vérité est que j'ai déjà fait mon choix. Donc je suppose que je reste ce croupier, celui qui a mal distribué. « Je n'avais pas toutes les cartes pour gagner ma partie, mais j'ai la chance d'avoir quelqu'un qui en a jouer une pour moi. Es-tu si isolée dans ton Golden Lie, Annalynne? » Son frère, j'imagine. Et pour ma part, je suis bien loin de pouvoir trouver au sein de ma famille, un allié. Je suis la pièce rapportée, l'adoptée. La fausse Malcolm qui va tout de même tout récupérer, tout rafler. Ca les fait – dans le fond, je le sais – enrager. Mais le pire dans tout ça ? C'est que j'aime ça, combien de fois je vais devoir le répéter ? Mon argent, ma puissance, y a rien qui pourrait me faire changer d'avis, même l'impression d'étouffer que j'ai eu ce soir en étant au bras de celui qui m'ait promis. « Ça paraît égocentrique comme commentaire, mais il n'y a pas quelqu'un qui peut t'aider à les brouiller un peu ces cartes? On a pas besoin de changer toute la main parfois... » Et prendre le risque de tout perdre ? Pour un caprice de gamine ? Un mariage, ce n'est qu'une signature, j'y survivrai. Et à la solitude, je saurai y pallier, la surmonter. Je me parerai de ce masque, je ferai semblant. Je le ferai si fort, que je finirai par y croire. Alors je finis ma tasse, en esquissant un semblant de sourire, sans plus vraiment le regarder, quand je m'entends lui dire. « Tu comprends pas. » Ce n'est pas un reproche, qu'on se le dise, c'est une constatation, pas un blâme, mais une impression. « Je suis la plus privilégiée des privilégiés. » Et si … « Et si je veux garder mon statut. » Ce que je me refuse à perdre. « Peu importe qui voudrait brouiller mes cartes. » Que ce soit moi, que ce soit Clay. J'acte la suite de mes pensées, j'en sors mon téléphone de mon sac, en regarde les appels manqués, les messages loupés. « Je dois toujours revenir dans la réalité. » En quelques clics, mes doigts pianotent et renseignent à mon chauffeur, ma position. Dans quelques minutes, fini la comédie, back to reality.

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Paradis perdu

× Annalyne & Oliver ×

Alors que la noirceur fait son avancée à l'extérieur et que le liquide dans nos tasses s'épuise, je me rends compte que cette rencontre fortuite calme énormément les pensées qui se bouscule dans mon esprit depuis plusieurs mois. Discuter avec Annalynne m'apaise. Nous partageons nos démons, se rejoignant dans nos zones d'ombres même si tout portait à croire que nous n'aurions rien pour nous entendre, vagues satellites de deux planètes distantes...

Je tente de comprendre un peu plus son histoire, lui explique la mienne. J'essaie de comparer, de trouver pour elle une porte de sortie, comme j'ai eu l'occasion d'en avoir une qui s'est présentée. Parfois, on ne s'en sort pas tout seul. Et elle me semble seule. Seule et isolé dans un mensonge doré, mais beaucoup trop éveillée pour se laisser attraper et pleinement en profiter. Un monde amer.

- Tu ne comprends pas.

En effet... la différence entre nos deux mondes refait surface, et je ne peux que constater qu'il m'est impossible de capter plus que quelques brides de son univers. Et c'est dommage. J'aimerais pouvoir faire quelque chose.

- Je suis la plus privilégiée des privilégiés. Et si je veux garder mon statut. Peu importe qui voudrait brouiller mes cartes.

Depuis le début de notre échange, je m'en suis rendu compte : elle fait ses choix et semble s'y tenir. Nous nous ressemblons, nous avons cette détermination commune même si nos chemins voguent dans des directions différentes. Je fais tout pour fuir afin de me reconstruire, elle s'enchaîne au strass et se laisse en partie détruire. J'espère juste qu'elle ne le regrettera pas.

- Je dois toujours revenir dans la réalité.

Alors qu'elle pianote sur son cellulaire, je comprends que la pause est terminée. Elle propose de me raccompagner et j'accepte son offre. Me levant, je ramasse mes béquilles et nous parcourons le café à l'inverse de notre entrée, les mêmes regards posés sur nous. La duchesse et le cracheur de feu. Ma comparaison m'arrache un sourire.

Le froid de l'extérieur achève d'étioler les restants d'ambiance de confidences de cette soirée invraisemblable. Le trajet en voiture se fait plus silencieusement, chacun dans ses pensées. Lorsque le véhicule pile devant chez mon frère, je m'extirpe du véhicule et avant de me soustraire complètement à sa vue, je me tourne une dernière fois vers Annalynne.

- J'étais sérieux pour mon numéro, appelles-moi quand tu veux. J'ai apprécié la soirée, lui souris-je. Prends soin de toi ...et tâche d'être heureuse, lui soufflais-je plus bas.

Un dernier geste, un aurevoir et je remonte l'allée. J'ose croire que ce n'est pas un adieu, mais seul le temps me le dira.

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