(Lux) New world.

La petite Lux semble au bord de la crise de larmes. Oh, pas ça, non. J'ai déjà une sainte horreur de devoir gérer mes propres amis en période de petit blues, alors les sanglots d'une inconnue... Je déglutis, sans lâcher prise, tandis qu'elle s'éloigne pour partir en quête de ce foutu scotch. "C'est rien, Lux, vraiment !..." J'insiste, mais elle se taille, me laissant seul et bête avec sa fenêtre déglinguée. Je soupire, récupérant le temps d'une minute mes airs bien plus agacés par delà le masque bienheureux qui étire continuellement les traits de mon visage. J'appuie un peu plus mon poids sur mes bras, penchant la tête pour regarder à travers les vitres. La neige recouvre Boston d'un joli manteau blanc. Je suis loin de chez moi, mes parents, mes soeurs. Je suis ésseulé, aussi. Malgré quelques vieilles connaissances d'Harvard avec qui j'aurai gardé contact, j'ai toute une vie sociale à refaire ici bas. Bien heureusement, je ne suis pas du genre timide. Heureusement, ouais.

Un cognement violent, sourd et brutal contre la vitre la fait vibrer, la pousse et me force à reculer, lâcher, trébucher sur le côté du lit, tomber, rouler jusque de l'autre côté et m'écraser contre le sol, comme un pantin démembré. Les yeux grands ouverts et le coeur pompant à fond une adrénaline trop soudaine, je me redresse en m'appuyant sur le matelas détrempé pour voir, à mon grand désarroi, un énorme pigeon déployer ses ailes et s'agiter dans la chambre en renversant tout ce qui aura encore survécu à la petite tornade. "Hey ! On a comme... un nouveau problème." Ma voix se brise lorsque le volatile tente sa chance contre l'armoire dos à moi, m'envoie ses plumes la gueule. Les bras au dessus de ma tête pour échapper à quelques coups de griffes maladroits, je me baisse à nouveau, me retrouve finalement à genoux à faire de grands gestes désespérés, cheveux en bataille et airs de fou furieux, pour chasser l'oiseau de mon putain de domicile. Un début bien énergique dans cette nouvelle ville.

Tu étais loin de te douter que la suite des événements serait encore plus va catastrophique que le coup de la neige dans la chambre de Nick...

T'étais partie dans ta chambre à la recherche du gros scotch sans vraiment savoir où chercher, perdue dans tes pensées, te demandant si Nick resterait ici ou bien si finalement il décidait de partir sans demander son reste. Puis sa voix te tira de tes pensées, il semblait avoir besoin d'aide lorsque tu entends qu'il a la voix brisée, et tu arrêtes toute recherche pour courir jusqu'à sa chambre. Et là tu le vois, en train de se protéger le visage, un pigeon s'était introduit dans sa chambre, tentant de trouver une sortie, probablement paniqué. Ton premier réflexe est de fermer la porte de la chambre derrière toi et ensuite de trouver une solution pour le virer d'ici. Y'a de la neige partout, alors même si ce n'est pas le bon moment tu te penche vers le sol et fabrique une boule de neige en catastrophe. Tu n'as qu'une seule cible, ce maudit volatile. "Va t'en sale bête ! " que tu cries, lançant ta première boule de neige vers lui. Et puis après tu décides de jouer au bouclier pour aider Nick à se redresser... C'est là où tu te mets à observer son visage, à le détailler et tu as cette impression de déjà vu à moins que ce ne soit qu'une impression... "Ça va ? Tu n'es pas blessé au moins ?" Vous êtes trop proches l'un de l'autre et pendant quelques secondes tu en oublies le volatile...

La brune revient, ferme la porte, ce qui doit probablement être la meilleure chose à faire en cet instant mais me rend cette désagréable sensation d'être enfermé. Dans le froid. Avec un pigeon affolé. Elle lui envoie une boule de neige, fait s'éloigner le volatile, mais que provisoirement. L'ambiance se fond doucement en une belle folie furieuse. Et je dois dire que cela m'amuse, finalement.

Lux se retrouve face à moi, genoux au sol comme les miens, fendant le temps en une véritable illumination. Je la connais. On se connaît. "Non, ça va." je souffle en me figeant sur ses grands yeux bleus. La bibliothèque, la prise d'otage. On s'était retrouvés pris au piège derrière l'un des rayons d'histoire de l'art. Je n'étais là que pour deux jours, et avais trouvé bon de passer feuilleter quelques ouvrages avant mon départ. Juste pour... passer le temps. Sans doute l'une des pires mésaventures de ma vie. Je l'avais vue, elle, l'avais aidée à se planquer dans un coin. Je m'étais même levé quand le preneur d'otage est arrivé vers nous, préférant attirer l'attention sur moi plutôt que sur les étudiants. Une balle dans le pied ; l'autre s'est évanouie. Le reste est allé trop vite, puisque tout ça a finalement trouvé sa résolution à peine quelques minutes plus tard avec l'arrivée de la police, des secours...

Bref. Mon coeur s'emballe de ces bribes de souvenirs trop agités. Mais je relève les yeux brusquement, apercevant le piaf revenir à la charge. Ses pattes s'emmêlent dans les cheveux de la belle et je tente de le saisir en profitant de cette espèce d'immobilisation pour rabattre ses ailes. Je grimace légèrement, bien conscient de tous les germes que je suis en train de tripoter sur ce plumage, tombant du même élan sur elle, sans lâcher la volaille et la détachant peu à peu de la chevelure brune en bataille. "Putain de..."

Pendant quelques secondes t'es bloquée sur son regard, tu as vraiment cette impression de le connaître et pourtant tu n'arrives pas à te souvenir de lui. Tant pis, de toute façon peut-être qu'avec le temps ça te reviendra, mais là tu es perdue dans ses beaux yeux marrons, vérifiant par la même occasion si le piaf ne lui a pas griffé son visage. T'as envie de rigoler, parce que malgré ce que l'on pourrait croire c'est tout de même une situation assez comique, mais au lieu de ça, tu sens l'oiseau revenir à la charge, dans tes cheveux cette fois-ci. Le reste va beaucoup trop vite pour toi, tu vois Nick attraper l'oiseau, et tu sens ton corps tomber en arrière, le sol est froid à cause de la neige, et cette sale bête qui a ses pattes dans tes cheveux. Heureusement qu'il n'y a personne d'autre dans cette pièce, bonjour la honte.

" Qu'est ce qui s'est passé ? " tu as ce petit sourire nerveux aux lèvres, tu lèves tes bras pour aider Nick à maintenir le volatile, mais te retrouver dans cette situation ça a quand même de quoi te troubler. "Nick, relève toi, tu m'écrase la poitrine..." et tu peux pas t'empêcher de rougir bêtement...

"Ah ouais... Bah je fais comme je peux, hein !" Ouh, ça me titille les nerfs. Peut-être est-ce de sentir l'oiseau me griffer les mains et résister en essayant de déployer ses ailes entre mes doigts. La position est inconfortable pour moi aussi, quoi que j'aurais pu rêver de pire. Déjà, avec l'aide de Lux, je me redresse sur mes genoux avec le pigeon lové dans les mains. "Sale bête..."

Je serre, me relève enfin complètement, les fringues débraillées et trempées par la neige. J'approche rapidement de la fenêtre, balance le piaf qui s'envole aussitôt comme un bienheureux, rabats brusquement les vitres et m'adosse à celles-ci pour les tenir en place. Mes épaules se soulèvent en un long soupire de fatigue nerveuse. Et mon regard tombe sur elle, encore.

"Pas d'autre surprise, hein ?" Je grimace doucement, sans vouloir la vexer de ces débuts catastrophiques. Un léger sourire anime cela dit mes lèvres d'un peu plus de chaleur. "J'ai eu ma dose pour le moment, 'faut que je m'en remette."

Pour le coup tu te sens vraiment stupide, tu aurais pu faire attention, tu aurais pu éviter tout ça si seulement tu n'avais pas décidé d'aller prendre une douche quelques minutes avant qu'il n'arrive. Tu sens le rouge te monter aux joues, t'aimerais pouvoir mettre ta tête dans un trou comme le font les autruches, ça te donnera l'impression d'être cachée, qu'il ne peut pas te voir. Il se redresse, tu le regardes balancer le piaf en dehors de la chambre, qui est dans un sale état et tout ça c'est de ta faute. Tu restes allongée quelques secondes et tu poses tes mains sur tes yeux, encore honteuse. Tu soupires et tu te redresses finalement, croisant son regard. Il a un regard tellement...perturbant.

"Nick...je suis désolée vraiment... Je te laisse ma chambre pour cette nuit si tu veux, j'irais me prendre une chambre à l'hôtel du coin..."

Tu regardes dans sa direction puis t'as encore le scotch dans ta main, quelques griffures dûes aux pattes de cet oiseau de malheur. " Y'a ta bière qui t'attends dans le salon, ne la fait pas attendre, je m'occupe de réparer la fenêtre..."

"Ne sois pas ridicule." Je la coupe presque, haussant un sourcil, préférant mettre un terme aussi vite que possible à ses débordements d'excuses trop sincères. Elle se ficherait sincèrement à la porte pour qu'un inconnu dorme dans son lit ? Cette fille est naïve. Naïve mais tout sauf égoïste. J'en suis déjà à peu près persuadé.

"On va trouver une solution. J'ai passé la semaine à l'hôtel, ça n'est pas une nuit de plus qui me tuerait." Un léger sourire ; je lui parle doucement, malgré le froid qui m'agresse la nuque par la fente de la fenêtre, tente de me montrer aussi calme que possible. Qu'elle ne fonde pas en sanglots devant moi. "Allez, rafistole moi tout ce bordel." Je relève le menton en un geste encourageant ; qu'on en finisse enfin. Et je me décale, maintiens la menuiserie tandis qu'elle s'attellerait à la scotcher. On trouverait peut-être un moyen de profiter de la neige, ensuite.

Tu as toujours eu trop tendance à être gentille, trop sincère et parfois un peu trop naïve, et avant d'arriver à Harvard, tu te laissais trop marcher sur les pieds aussi. Alors face à une personne que tu viens de rencontrer, ce côté de ta personnalité refaisait surface sans que tu en aies vraiment envie. Mais au moins Nick n'était pas un sale con profiteur et c'était ça qui te plaisait chez lui, enfin pour le moment puisque tu ne le connaissais pas encore très bien. Tu te rapprochais de la fenêtre et au bout de quelques longues minutes la fenêtre était plutôt bien réparée et il ne manquait plus qu'à faire sécher la pièce et virer le reste de neige qu'il y avait. T'étais bonne pour reprendre une deuxième douche avec tout ça et tu n'avais plus trop envie de sortir ce soir.

"Bon, j'appellerais un ami pour qu'il m'aide à mieux réparer cette maudite fenêtre, je vais pas t'obliger à retourner à l'hôtel ce soir, alors si tu veux on peut partager mon lit, mais j'te préviens c'est en rien du rentre dedans on est d'accord ?"

Je peux enfin lever les mains de cette satanée fenêtre. Et je souffle : une bonne chose de faite. J'avais bien peur de ne rien trouver à dire à ma nouvelle colocataire et nager dans l'embarras absolu. Mais l'on aurait eu de quoi s'occuper. Le regard penché sur elle, je me frotte les mains pour les réchauffer.

"Je suis de toutes façons trop épuisé pour voir un double sens où que ce soit, tu n'as rien à craindre." Je me pince les lèvres, et poursuis "Mais sérieusement, on se les caille, viens." Je pose une main sur son épaule et la pousse doucement devant moi pour initier la marche ; on passe la porte, que je prends soin de bien refermer derrière moi. Quelques frissons me parcourent encore les bras et la nuque ; le chauffage fait renaître mes sens dans mes extrémités.

"Tu es anglaise, non ?" Je me permets de lui demander en ôtant ma main, avançant jusqu'à retrouver la bière que j'avais posée, plus tôt. Je devrais probablement lui dire de ce dont je me souviens. Ou pas. Ca serait peut-être remuer le couteau dans la plaie pour rien. Autant simplement faire connaissance, et l'on verrait tout ça plus tard.

Vous quittez enfin la chambre, enfin loin du froid glacial qu'il faisait dans la chambre, alors le temps que tu te réchauffés bien tu décides de te prendre une bière dans le living-room, pépère. Puis Nick te demande si tu es anglaise, ça doit s'entendre à ta façon de parler, et puis tu n'as jamais vraiment cherché à le cacher de toute façon. " En plein dans le mille, et d'ailleurs si je me fie à mon instinct toi aussi non ?"

T'es plutôt contente de toi, tomber sur un coloc anglais, tu pouvais pas rêver mieux, et puis à la fin de l'après-midi vous avez eu le temps de discuter, oubliant la neige qui fondait sûrement le temps que vous étiez en train de papoter. Tu n'avais pas oublié que des amis à toi t'attendaient dans un bar en bas de l'appart, et tu avais proposé à Nick de venir avec toi, histoire de ne pas le laisser seul.

Et la soirée fut longue, très longue, une chance que c'était encore les vacances et que la rentrée n'était pas pour tout de suite... Tu ne tiens pas l'alcool, oh ça non.