Tout était exacerbé, les sens, les ressentis, le frisson glacé qui parcourait le dos du jeune homme, la goute de sueur bouillante qui perlait sur son nez. Le monde entier avait cessé d’exister, plus rien n’existait en dehors de coups de rein qu’il infligeait à Echo avec une brutalité délicate. Cette soirée portait la marque de leur amour. Le calme apparent dont ils avaient fait preuve au départ s’était vite dissipé en un brouillard de colère écarlate jusqu’à s’enfoncer dans la nuit noire et lascive. Le jeune homme ne se contrôlait plus quand il était face à Echo, cette jeune fille incompréhensible qui le rendait fou à s’en arracher la tête. La rage qui l’avait animé quelques minutes auparavant se transformait, par une manigance subtile de l’âme, en violence d’amour, férocité, coït bestial. Il tenait Echo dans ses bras, allongé sur elle, avec cette appréhension morbide qu’une chose nouvelle vienne les interrompre. Ils se connaissaient depuis des mois maintenant et jamais il n’avait pu consommer leur fusion. Par peur d’abord, par réticence peut-être ensuite, par dépit enfin, lorsque sous le tunnel une bande de jeune les avait surpris contre le mur. Il mordait le cou d’Echo sans se rendre compte de la violence qui animait son geste, elle en ressortirait avec des marques c’est certain. Et il y avait nonobstant un plaisir malsain à se dire qu’il l’avait marqué. Leurs deux corps étaient comme aimantés, aspirés par un vide immanent, un trou noir dans lequel l’univers tout entier était appelé à disparaitre. Il ne se sentait pas rassasier, toujours plus loin, toujours plus fort, il priait pour que ça dure encore et encore tant il ne s’était jamais senti aussi complet, aussi finit. Comme s’il ne manquait plus rien à ce qu’il était, comme si à travers cet acte il réalisait à quel point ils étaient faits l’un pour l’autre.La brutalité de ses gestes faisait tambouriner la tête du lit contre le mur, il ne prêtait ni attention au poster qui venait de se décoller et tomber sur les coussins, ni aux ongles d’Echo enfoncés loin dans sa chaire. Par un mouvement rapide du buste, il pivota, se retrouvant sur le dos, Echo sur lui. Il ne pu qu’être admiratif face à ce corps qu’il trouvait si parfait, qu’il n’osait presque pas toucher tant il sentait la tension abrupte qui s’en dégageait. Assis, Echo toujours à califourchon sur lui, il l’encerclait de ses bras comme pour lui dire « maintenant tu ne me quitte pas, plus jamais ». Il embrassait ce qu’il pouvait embrasser de ses lèvres, de ses joues, de ses clavicules, de ses épaules. Leurs baisers étaient sans arrêt rompus par des soupirs intenables qu’il eut bien du mal à retenir lorsque la fin approchait. Une fin différente de celles qu’il avait connu. Elle ressemblait à un suicide – comme s’il savait que cette béatitude, cette complémentarité parfaite, allait laisser place à de nouveaux épisodes de guerre une fois qu’il romprait leur fusion, une fois qu’ils retourneraient à une vie normale. Et à cause de cela, il se retenait, avec cette pression paradoxale d’éros : l’envie de finir, l’envie que jamais ça ne s’arrête. Sentant la rythmique saccadée de la poitrine d’Echo contre son torse, il accentua ses gestes et accompagna la jeune fille, de toute son âme, au paroxysme de son plaisir. Le silence tiraillé par des soupirs débraillés regagnait la chambre. Noah sentit comme un acouphène assourdissant dans son oreille, le dur retour à la réalité. Il gardait Echo dans ses bras et restait en elle, quelques secondes encore, la tête plongée dans le cou de la jeune fille. Et, paralysé par l’effort qu’il venait de fournir, comme si son corps reprenait conscience de lui-même, il se laissa tomber sur le dos, Echo allongée alors sur lui. Il attendit quelques secondes de reprendre ses esprits, et ne dit rien, contemplant avec une douceur triste, une béatitude amère, l’exploit qu’il venait d’accomplir : se dire qu’ils s’aimaient avec leur corps. Après quelques secondes, il remua sa main dans le lit jusqu’à trouver ce qu’il cherchait, un paquet de cigarette dans lequel se trouvait un briquet. Il mit la clope à sa bouche et l’alluma, avant d’en poser une entre les mains d’Echo. Le paquet vide désormais leur servirait de cendrier, il n’avait pas besoin de se lever, il était incapable de se lever. Noah fixait le plafond soufflant des ronds de fumée en l’air appréciant la petite mort, et finit par se dire à lui-même : « voilà, on a enfin finit par mourir, même quelques fractions de seconde, ensemble ».