Come on feel the noize : Moana

 

Bientôt la consécration, plus que quelques jours avant la validation et l’intégration officielle et définitive de Noah à l’Eliot. Aussi, ces derniers temps avait-il pris l’habitude de trainer dans l’Eliot House chaque fois qu’il avait du temps de libre, histoire de s’habituer doucement et surement à son nouvel environnement. Il hésitait encore un peu entre le fait de rester vivre à l’hôtel, sa suite était plutôt sympa et tout y était à portée de main, et le fait de plonger à pieds joints et entièrement dans sa vie étudiante. La balance commençait à pencher pour la seconde option. Après tout, c’était ça aussi l’université, tisser des liens forts, bons ou mauvais, qui seraient amenés à perdurer. Et surtout, il serait difficile pour lui de satisfaire sa curiosité et d’emmerder son monde depuis sa chambre d’hôtel, valait mieux être au milieu de tout.

Quoiqu’il en soit, il était 19h, quelques étudiants faisaient des allés retours dans les pièces. Noah s’était installé avec un plateau de sushis dans le canapé de la salle commune. Son père l’avait appelé pour lui signaler qu’il ferait un discours sur la chaine nationale hollandaise à 19h15 et que Noah n’avait plutôt pas intérêt de le rater s’il ne voulait pas que son père « vienne jusqu’à Boston lui en coller une » selon ses mots. Alors le voilà, baguette en main, devant la télévision, aussi intéressé que s’il s’était agit d’un défilé de couches culottes pour troisième âge.


 

 

Le jeune homme concentré sur son dîner se fait tout à coup interpeller par une présence qui vient s'installer à côté de lui. Il ne tourne pas la tête tant il se fiche pas mal de qui ça peut être lorsqu'il sent que cette personne se penche sur son plateau. Un sushi en bouche qu'il commençait à peine à macher, il tourne le visage lentement jusqu'à faire face à Moana. Moana, Moana, s'il est le chien, elle est le chat. Un regard sévère fuse de ses yeux, du genre "Joey pas partager son mangé", tandis que l'air de rien et de toute son insolence Moana continue comme si de rien n'était. Elle finit par lui demander ce qu'il regardait, et comme présentemment il la regarde elle, Noah lui répond d'un air dédaigneux après avoir déglutis : "La fille la mieux éduquée au monde", le ton sarcastique. Il baisse les yeux sur les baguettes de la jeune fille qui poursuit ses provocations en l'ignorant complètement et finit par déposer ses couverts, s'essuyer la bouche et lui dire faussement agacé : "Je t'en prie, régale toi, c'est pas comme si j'avais faim". Il se lève avant d'aller dans le mini bar qu'il avait découvert avec Tate et de servir deux verres de whisky. Il revient s'installer à côté de la jeune fille, lui pose son verre à côté de ses sushis désormais : "Tiens, princesse", avant de s'asseoir et d'augmenter le volume de la télé. Son père commençait son discours, il devait se concentrer. Puis, maintenant qu'elle avait à boire et à manger, Moana n'allait pas trop le faire chier pour le moment.


 

 

Soit Moana était trèèèès naïve, soit elle ne comprenait vraiment rien au second degré, mais quelque soit l’impulsion de son « han merci », Noah ne put s’empêcher de secouer la tête partagé entre amusement et dépit. Elle étai mignonne Moana, une vraie fille à papa pour qui la vie n’était qu’un jeu et qui ne s’intéressait pas à grand-chose en dehors d’elle-même. Du moins, c’était ainsi qu’il la connaissait depuis peu. Quand il revint s’asseoir avec les deux verres de whisky, il vit Moana gênée par la remarque que le jeune homme avait fait plus tôt sur le fait qu’il avait faim, et surtout amusé par son surnom. Ça lui allait bien « princesse » et Noah finit par dire en souriant comme pour la rassurer : « Non mais je te taquine, mange. Au pire si j’ai vraiment faim, c’est toi que je plongerais dans ma sauce soja ». Il se réinstalla bien appuyé contre le dossier, une jambe relevée sur son genoux, le regard fixé sur l’écran de télévision et toute son attention portée sur le discours de son père, tant est si bien qu’il en oubliait la présence de la jeune fille. Il sirotait doucement son verre de whisky et remarquant qu’elle ne partait pas, Noah finit par rompre le silence, baisser un peu le son de la télé, et lui dire en désignant l’écran du doigt : « Ce mec est un gros abrutit ». Il tourna le visage vers la jeune fille en souriant comme pour se moquer de lui-même : « Tel père tel fils ». Ainsi lui faisait-il comprendre qu’il s’agissait de son paternel, et par la même également, qu’il n’avait pas forcément envie qu’elle parte : « Qu’est ce que tu fais ici à cette heure-ci toi ? »


 

 

Le néerlandais, soit on le comprenait, soit on le comprenait pas. Et, en observant Moana du coin de l’œil, Noah, amusé, se rendait bien compte du fait qu’elle fut complètement perdue. Elle avait quelque chose d’à la fois ingénue et espiègle, un caractère assez intéressant qui poussait presque instinctivement les deux jeunes gens l’un vers l’autre. Deux jeunes diablotins en puissance prêt à tout pour s’amuser et faire cent coups sans aucunes réprimandes. Lorsque Noah finit par baisser le son de la télé et tourner le visage vers Moana pour lui dire qu’il s’agissait de son père, celle-ci lui tapota le bras en lui disant qu’il n’était pas abruti : « Si tu le dis ». Il haussa les épaules en faisant une petite moue d’enfant avant d’ajouter un sourire narquois au coin des lèvres : « De toute façon je préfère être bête et méchant c’est beaucoup plus amusant ». Il se tourna de nouveau vers la télé avant de l’éteindre complètement. C’en était assez, et de toute manière, il avait compris l’essentiel du propos. Après avoir demandé à Moana ce qu’elle faisait ici, Noah se releva pour aller récupérer la bouteille de whisky et la ramener à leur table tandis qu’elle parlait : « Je devais regarder ce truc et j’avais pas vraiment envie de rentrer chez moi non plus. Je m’installe ici dans quelques jours je commence à prendre mes marques ». Il sert un nouveau verre à Moana même si elle n’avait pas encore finit – tant pis, quand on buvait du whisky avec Noah, il fallait savoir allier adresse et vitesse : « Bon, concrètement on est deux personnes plutôt sympas qu’ont pas envie de rentrer chez elles ce soir. Qu’est ce que tu dirais de jouer à un jeu ? ». Leur relation se basait sur de la défiance mutuelle et une envie pressante de défier les règles, alors autant s’y mettre derechef.


 

Tandis qu’ils conversaient, Noah continuait discrètement et du coin de l’œil d’observer les mimiques et la gestuelle de la jeune fille. Au-delà des mots qui surgissaient de ses lèvres avec une spontanéité assez déconcertante, Noah aimait à se concentrer sur l’aura de la jeune fille, son mouvement, sa façon d’être. Le jeune Eliot était profondément convaincu du fait qu’on apprenait mieux à connaitre une personne en écoutant ses silences, sa présence, sa façon de se comporter. Et ce qu’il se dégageait de Moana était assez agréable : espièglerie, mais aussi une certaine forme d’élan enfantin, comme si rien n’avait d’importance à part elle-même. Et puis, elle était vraiment jolie, son regard attachant, même s’il ne trahissait au demeurant aucun sérieux véritable, était d’un bleu profond: « Oui, d’autant plus que j’ai l’habitude de vivre seul. Mais c’est pour cela que je viens de temps en temps, de plus en plus souvent, pour m’habituer doucement à cette nouvelle vie. Ce serait dommage de rester dans mon coin, l’avantage de faire partie d’une maison c’est justement le fait d’apprendre et d’apprécier vivre en communauté. On verra bien comment ça se passe, au pire, je reprendrais une suite à l’hôtel. Tu vis seule toi ? ». Après avoir resservit les deux verres, Noah se réinstalla confortablement dans le canapé avant de boire deux petites gorgées de whisky. Il était ravi de voir que Moana s’exécutait sitôt qu’il eut finit de remplir son verre. Encore plus lorsqu’elle acceptait de jouer. Noah ne savait pas exactement ce qu’il allait proposer, on allait bien voir comment ça se déroule, mais il serait dommage de ne pas s’amuser un peu ensemble, qu’importent les modalités : « Un traditionnel cap ou pas cap ? Avec une règle arrangée. C’est-à-dire, qu’on n’attend pas de réaliser un défi pour en proposer un à son tour. On se donne chacun un défis en même temps, et celui qui le réalise le moins vite doit boire disons … », Noah soulève la bouteille de whisky pour en évaluer le contenue : « Un verre à moitié plein, cul sec ». Il repose la bouteille et se tourne vers Moana, un peu plus proche cette fois : « Par exemple, je voudrais que tu me rapporte trois petites culottes d’Eliot. Certaines ne sont pas dans leur chambre, ce sera facile. Mais je t’accorde plus de point si tu m’en rapporte une de la présidente. Et tu me demande ce que tu veux en retour. »