(seth) do you need to talk ?

Parler de ma sœur jumelle me faisait penser à la vie que nous avions auparavant. Me fait penser à notre enfance hors du commun, les nombreuses journées que nous passions sur le tournage d’un film ou de notre sitcom, tant avait changé depuis cette époque. Tellement de choses. Bien que je ne changerais mon enfance pour rien au monde, ni celle que j’étais devenue, il m’arrivait de penser que ma vie aurait été bien différente, et peut-être même en mieux, si je n’avais pas été une actrice. Mais sans ça, je n’aurais pas les moyens d’être à Harvard, je n’aurais jamais revu Palmyr, je n’aurais jamais rencontré toutes les personnes que j’étais heureuse de rencontrer : comme Seth… Principalement Seth. « Honteux ? Sûrement pas. La plupart des gens se préoccupent trois fois trop de ce que les gens pensent, au moins tu n’en fais pas partie. » Je comprenais son engouement après tout, la pizza était délicieuse. Je reprenais ma part de pizza et continuais de la manger en regardant Seth du coin de l’œil. Je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir un sourire aux lèvres. Il était mignon quand il était gêné et je voyais bien qu’il l’était. J’étais si intimidante ? « Avant que je ne sois une membre à part de la Quincy House, j’habitais dans Boston, mais dernièrement j’ai emménagé dans une chambre dans l’université avec deux autres Quincy. C’est assez sympa. » J’avançais presque en même temps que lui et m’accoudait sur la table, la tête poser sur la paume de ma main droite et les yeux plongés dans les siens. J’aurais voulu que cet instant ne se termine jamais. « Et toi, campus ou ville ? Tu vis avec quelqu’un ? Une petite-amie…? » J’étais curieuse, curieuse et pas très subtile. Je n’arrivais même plus à le regarder dans les yeux et me concentrait sur la seconde part de pizza que je venais de prendre.

Je ne sais plus trop où me mettre. En tout cas, cette chaise me paraît insuffisante. Je me sens trop bien pour que ce soit vrai. J'hésite à me pincer et mettre fin à ce rêve. Non, je préfère jouer à l'égoiste et prolonger cet instant. Lorsque cela deviendra trop inquiétant, je passerais à l'action. Notre repas va de confidence en confidence et j'apprécie. C'est très léger et ça ne fait pas de mal. J'apprend ainsi que la splendide rousse qui partage une pizza avec moi est une Quincy. Un choix de confrérie qui me rassure par rapport à la représentation que j'ai construite d'elle. Je suis plutôt rassuré.  Je souris et reprend une part que je fixe et analyse en détail. Mes prunelles arrêtent l'observation minutieuse lorsque Claarys me renvoie ma question. Je me sens pris de court et bafouille quelques instants avant de répondre. " Ah eum, je vis près du campus avec ma plus jeune soeur, à vrai dire, elle est souvent à la lowell house, je suis plus souvent seul qu'autre chose." j'expire tout l'air que j'avais emmagasiné dans mes poumons sous forme de soupir. Je dois avoir l'air si ennuyant. Je dois rajouter quelque chose qui ferait de moi un être moins banal. " Enfin, j'ai une chienne, Isis, c'est un bouledogue français bleu, je l'ai adopté il y a trois ans " ce détail de ma vie est-il encore plus dérangeant ? Je devrais arrêter de parler. Je me ridiculise. Mais Isis c'est vraiment mon bébé, s'il lui arrive quoique ce soit, je suis en dépression. " Je dois t'avouer quelque chose Claarys, si j'ai l'air si con, c'est que tu m'impressionnes et que ... " la suite ne sort pas, elle reste en suspend. Je n'y arrive pas, il faut vraiment qu'elle me bouscule si elle tient à avoir la déclaration finale. Et merde, j'ai chaud, trop chaud. C'est peut être toute la sauce piquante que j'ai renversé au même endroit. Je vais vomir. Je panique. J'ai l'habitude de manger épicé, c'est juste que je suis nerveux comme jamais. Je ne contrôle plus rien. Mes jambes se lèvent, je dépose quelques billets à l'entrée et je m'enfuis. Oui, je m'enfuis comme un pauvre et sombre con. Claarys ne voudra plus jamais me revoir. Tout ça parce que j'ai piqué une crise d'angoisse en public.

J’hochais la tête en entendant qu’il vivait avec sa sœur. Je l’enviais un peu, je donnerais n’importe quoi pour vivre avec la mienne, mais bon, elle avait fait son choix et je devais éviter de la regretter, et penser à toutes les bonnes choses qu’elle vivait de l’autre côté de l’océan. J’aurais aimé avoir une autre sœur, ou un frère. J’aurais aimé avoir une plus grande famille, mais non. Je suis la seule Johansson et je détestais ça. Ca devait être tellement réjouissant de faire partie d’une fratrie, mais je m’estimais déjà heureuse d’avoir grandie avec une sœur jumelle. J’adore les chiens, et lorsque j’ai entendu qu’il avait un chien, l’affection que j’avais pour lui avait tout de suite augmenté et un grand sourire c’était affiché sur mon visage. « J’ai un chien moi aussi, Berlioz ! Quand ma sœur est partie, il a été mon roc. C’est un peu niais à dire, mais c’est vrai. » Avoir Berlioz c’est comme avoir un enfant, je l’aime comme j’imagine aimé mon futur enfant. Puis, une déclaration sortie de la bouche de Seth qui attirait mon attention. J’étais intrigué. Je l’impressionnais, moi ? Pourquoi ? Je voulais en savoir plus, qu’il m’en dise plus. J’insistais du regard, peut-être trop. « Et que quoi ? » J’avais peur de le brusquer avec mes paroles, mais j’étais suspendu à ces lèvres, attendant la suite de sa phrase, mais rien ne venais. Il semblait aussi confus que moi, si ce n’est plus et je le voyais se lever et partir sans que je n’ai le temps de réagir. Je regarde autour de moi, notre serveuse me regardait et venait me demander si tout allait bien et honnêtement, je n’en savais rien. Tout allait bien jusqu’à maintenant. Je demandais l’addition, et on me disait rapidement que Seth l’avait payé en sortant, alors je remerciais la serveuse et sortait sans demander mon reste. Je regardais autour de moi, Seth ne pouvait pas sortir comme ça, sans explication. J’étais inquiète, mais surtout insatisfaite. Je n’ai pas entendu ce que je voulais entendre. Je ne savais pas précisément ce qu’il voulait me dire et c’était frustrant. Je sortais mon téléphone et cherchais son nom dans mes contacts. Seth Eastwood. J’hésitais pendant une demi-seconde, mais me décidais à l’appeler. Quelques secondes plus tard, j’entendais une sonnerie familière non loin de moi. C’était son téléphone, je le savais et j’essayais difficilement de suivre le son jusqu’à sa source.