░ feeling misunderstood (zorikha)

Ortikha ne fait rien pour m’aider. Si je n’arrive pas à l’oublier, elle fait la girouette. Elle a l’air complètement perdue, tout autant que moi, et si la raison la pousse à rester sur la défensive, moi j’aimerais presque lâcher prise pour ne pas à avoir à réfléchir. Au fond, je ne devrais même pas chercher à comprendre. Mais je le fais quand même. Il semble que ma tête ne raisonne plus, et que j’ai bien plus besoin d’Ortikha que ce que je le pense. Ma routine me convient, mais elle pourrait m’apporter tout autre chose, et pas parce qu’il s’agit de la plus belle connerie de ma vie. Non c’est autre chose. Elle sait que c’est moi qui suis en mauvaise posture, mais elle est convaincue également d’avoir le mauvais rôle. Pourtant, personne ne pourrait lui reprocher quoi que ce soit, elle est libre comme l’air, elle fait ce qu’elle souhaite. Mais elle ne semble pas vouloir décider seule. « Justement. Je voudrais pas lui faire du mal pour rien. » Parce que je suis convaincu qu’il se passera quelque chose entre nous, que je le veuille ou non. Je ressens trop de choses pour elle pour que cette histoire s’oublie. Elle me contredit encore, elle parle avec raison et essaye de me convaincre de faire de même. Pourtant, c’est moi qui devrais avoir cette maturité et ce genre de discours. Interloqué, je la regarde d’un air sérieux : « C’est vraiment ce que tu veux ? » Pour moi il me semble qu’il s’agit seulement de la voix de la raison et pas celle de son cœur, et c’est ce qui me pose problème. Est-elle capable de se priver à ce point ? Moi je ne crois pas. Quand je la regarde, je vois un million de choses. Je repense à ses lèvres, à leur goût sucré, à son cœur battant à l’unisson avec le mien, à son visage qui s’illumine d’un sourire. Je ne peux pas me passer d’elle. Alors quand elle laisse échapper une réplique qui veut tout dire, signalant qu’elle est dans le même état que moi, je ne peux m’empêcher de m’emporter légèrement. « Tu vois ! On ressent les mêmes choses tous les deux ! » Ca ne sert à rien de se voiler la face, non ? Je ne sais plus quoi dire ni quoi faire. Plutôt que de m’agacer, je me calme en posant le regard sur mon fils qui s’amuse comme un petit fou sans se poser de questions. S’il savait à quel point son père était un con, il en aurait honte. Cette histoire m’a coupé l’appétit, du coup quand elle me demande ce que je veux commander, je préfère lui donner la commande de mon fils : « J’ai pas tellement faim là, je vais juste prendre la commande de Nikola. Il veut un Happy Meal avec les nuggets et potatoes, ice tea en boisson et comme dessert il veut le yaourt à boire. » Elle a raison, je ne peux pas lui faire du mal.

Elle a totalement raison. En fait quoi que je dise, elle aura raison, parce que ce que je fais est loin d’être acceptable. Je ne devrais pas me rapprocher d’elle, je devrais me forcer à l’oublier et je n’ai qu’à poser le regard sur le bonheur communicatif de mon fils pour me rendre compte que ses paroles sont justes. Je ne peux pas me permettre de blesser ma femme. Pas après tout ce qu’on a traversé, pas après avoir fondé une famille et vécu des moments forts. Mais est-on obligé de rester marié toute sa vie sous prétexte du bonheur que l’on a un jour vécu ? Cette situation m’horripile. J’opine du chef sans rien dire, je n’ai pas de réponse toute faite. Quand elle me dit que c’est ce qu’elle souhaite, je ne la crois pas. Je ne peux pas la croire, pas après ce qu’elle a dit plusieurs fois. Tout ce qu’elle fait, c’est penser à ma femme. « Et si tu penses qu’à toi et pas au reste, c’est toujours ce que tu veux ?! » L’interrogeai-je comme pour savoir si je pouvais passer à autre chose sans perdre quelque chose qui en vaut le détour. « Qui dit que tu briseras ma vie Ortikha ? Qui peut m’assurer que c’est pas la meilleure chose qui pourrait m’arriver ? » Je me passe la main sur le visage. J’ai l’estomac noué, brimant une envie totale de la retrouver et de l’embrasser comme jamais. Oui je veux qu’elle se lance dans l’interdit. Oui je veux prendre le risque de mettre à mal mon couple et ma vie de famille, oui je veux qu’elle comble mes désirs jusqu’à me briser. Mais elle s’enfuit pour commander au moment où je m’apprête à le dire. J’attends qu’elle revienne, mon fils ne regarde même plus dans notre direction, trop occupé à jouer. J’aimerais être si innocent. Quand elle revient, elle m’annonce qu’elle préfère partir, que c’est plus judicieux, et je me lève d’une traite, m’approchant à une distance plus que maigre de la jeune femme, et de façon irraisonnée tout près de son visage, le souffle me manque mais je parviens à balbutier : « C’est toi que je veux Ortikha. Brise-moi, mais ne me fuis pas. » Et comme un point final, je dépose un baiser sur sa joue, peut-être pour la dernière fois.