░ you drive me crazy (zorikha)

« Tu sais que c’est pas bien d’étaler sa richesse devant tout le monde ? » Dis-je alors pour m’amuser. Moi aussi j’étais riche, et j’étais pratiquement sûr qu’elle ne l’avait pas deviné au premier abord. C’est parce que pour moi, il y avait des choses bien plus importantes que l’argent. Mais elle ne semblait pas être de cet avis. Difficile d’en vouloir aux gens qui n’ont connu que ça. Comme mes beaux-parents qui méprisent les gens qui ne sont pas issus de la haute-sphère. J’éclate de rire à la remarque de la jeune Petrova. Il faut dire qu’elle idéalise un peu mon fils, et je ne peux m’empêcher d’imaginer le résultat que pourrait donner la tentative d’œuvre d’art de Nikola. « A ta place je lui donnerais pas mon accord. T’as pas vu ce dont il est capable. Il pourrait te colorier le bras d’une seule couleur pour te dire que t’es pas humaine ! » En fin de compte, elle aurait moins le sourire car elle aurait toute la peine du monde à retirer le feutre sur son bras, ou la peinture, peu importe ce que c’est. Nikola n’avait que quatre ans, il ne fallait pas l’oublier. Et je n’oubliais pas mon fils dans l’affaire puisque je décidais qu’il n’était pas une bonne chose que de me lancer dans cette histoire, même si j’en mourrais d’envie parce que la jeune femme me faisait me sentir vivant, et pourtant, on se connaissait à peine. J’avais toujours dit que le coup de foudre ne pouvait pas exister, mais la présence d’Ortikha me laissait penser le contraire. Je n’y laissais pourtant pas la chance d’exister. J’avais une famille et je ne pouvais me permettre de la diviser, même si c’était difficile d’avouer à la jeune Petrova que j’avais fait une bêtise. Elle reste interdite. Et je me sens mal par rapport à elle, à Nikola, comme par rapport à ma femme. Je hoche la tête négativement : « C’est malheureusement pas une blague… » C’est la douche froide pour elle, les montagnes russes, l’ascenseur émotionnel. Elle se leva, et elle commençait à comparer la situation avec celle de son père, mais de ce que j’avais compris, c’était moi qui étais à la place de son père. « Dis pas de bêtises, le seul fautif dans l’histoire c’est moi, parce que je me suis laissé séduire aors que je savais très bien que j’étais marié ! » Je soupirai. Je n’étais pas à l’aise, mais j’essayais de me justifier tant bien que mal, et je me levais à mon tour : « J’ai voulu te le dire, mais j’ai pas réussi à le faire, c’est con mais après que tu m’aies demandé de t’inviter à diner, j’ai pas pu, je voulais pas te décevoir. » Et je voulais aussi apprendre à mieux la connaitre. Je ne peux pas la laisser partir comme ça, je la regarde s’éloigner, mais je me lance tout de suite à sa poursuite, jusqu’à la rejoindre dans le bois. J’attrape sa main pour qu’elle se retourne et je lui lance : « J’explique pas ce que je ressens pour toi, c’est fort, ça m’embrouille, je… j’ai pas envie de faire du mal à ma famille, mais je… ce que j’ai ressenti pendant nos baisers je l’ai jamais ressenti avec quiconque. »

« Profite, certains ont pas ta chance ! » Moi je voyais la vie différemment. Si je pouvais me payer tout et n’importe quoi, ma femme et moi, nous n’abusions jamais. Même Nikola n’était pas pourri gâté, sauf par mes beaux-parents, mais là, je ne pouvais rien y faire, dès qu’ils pouvaient me contredire, ils le faisaient. Mais ils pouvaient toujours essayer de corrompre mon fils, il était bien trop proche de moi pour qu’ils parviennent à quoi que ce soit. J’avais une chance de plus, mon fils aimait le basket, sport que dénigrait ma belle-famille, eux leur truc c’était le tennis. Nikola adorait s’entourer de gens, et c’est pour ça qu’il avait apprécié Ortikha. Ca lui faisait une camarade de jeu en plus. Il pouvait bien s’amuser au homecoming, à voir si sa mère n’était pas contre. Sauf que les choses évoluaient tellement vite que je ne savais plus si c’était une bonne idée au fond. Ortikha prit très mal ma révélation, et il ne pouvait pas en être autrement, mais elle se mit à vociférer des paroles blessantes que j’encaissais sans rechigner. Si ma femme ne me suffisait pas ? Elle me suffirait jusqu’à ma mort, elle était parfaite. Mais il avait fallu que je tombe sur une femme qui mettait à mal toutes mes certitudes. « Ma femme me convenait très bien avant que je tombe sur toi. » Elle avait raison, je devrais peut-être l’oublier et continuer ma vie oubliant cet écart. Personne n’en saurait rien, sauf nous, et j’aurais tout de même ce poids sur la conscience. Je n’avais pas mentionné la mère de mon fils une seule fois. Je ne m’en étais même pas aperçu en réalité. Et puis je voulais pas qu’elle le sache pour une raison obscure. « J’étais pris à mon propre jeu, t’aurais aimé que je te le dise comment ? Ah et au fait, on passe une chouette soirée mais je suis marié ? Tu l’aurais pris comment ?! C’est pas comme si j’avais caché mon alliance en plus, elle est là ! » Jamais elle ne m’avait quitté, mais peu de gens étaient familiers avec les traditions orthodoxes. Chez nous, l’alliance c’est à droite. Mais bon, elle est Russe, elle aurait dû le savoir… Elle n’est en rien une distraction. Si ça avait été le cas, j’aurais couché avec elle dès le premier soir, bien que je ne sois pas le plus expérimenté en termes de distraction puisque depuis mes 22 ans j’étais marié. « Je m’amuse en rien ! Je suis pas en train de jouer ! J’ai pas besoin de ça. C’est toi qui m’a séduit en plus ! » C’est elle qui m’a proposé ce diner, pas moi. Je n’ai fait que réagir à ses avances, même si je n’aurais pas dû et que ça me perturbe. Elle lâche ma main, énervée au possible, mais je comprends mieux sa déception. Elle et moi, on ressent les mêmes choses. « Tu crois que je l’ai calculé moi ?! Tu crois pas que j’aurais tout intérêt à protéger les miens ? Au lieu de ça je suis là avec toi parce que tu m’obsèdes, y a tout chez toi qui me plait, et je l’ai pas choisi. Je suis désolé que tu aies à subir ça par ma faute. Je vais faire en sorte de plus te tracasser. » C’est à mon tour de battre en retraite et de m’éloigner d’elle.