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La première fois que Danny et Romane avaient débarqué au Summer Camp, c'était il y a trois ans, alors que toute la clique d'Harvard avait joyeusement planté son drapeau - avec une fierté non dissimulée - en Floride. Disneyland mis à part, à Orlando, il ne restait que Miami : repaire de vieilles moches refaites, de tueurs talentueux et de flics aux célèbres lunettes et aux phrases chocs. Cependant, loin d'être infesté de crocodiles ou d'être posé sur une mangrove ragoûtante et puante, le camp, cette année là, était chaud, ensoleillé, et les femmes en bikini qui traversaient la plage entre les bungalows ne faisaient qu'augmenter la température déjà excessive et étouffante. Les deux jeunes hommes ne respiraient plus : ils étaient en sudation. C'était ça, de venir du nord. On est pas habitué au climat tropical d'une saison d'été digne de ce nom. A peine le premier pied posé sur la terre ferme, en descendant du taxi qui les avaient amenés depuis l'International Miami Airport, Danny s'était exclamé : "c'est ça le Summer Camp ? J'achète : combien ?" et Romane avait explosé de rire, comme à son habitude, devant l'attitude débile de son compagnon d'aventure. L'été avait été tout bonnement... Orgasmique. Au sens strict. Il n'y a qu'à voir de qui on parle !
Cette année cependant, les anoraks allaient peut-être sembler de la partie et le grand blond avait embarqué moins léger que pour la Floride ou les Caraïbes. Il avait été très déçu de devoir aller traîner ses fesses rebondies jusque dans le nord, considérant qu'il se caillait déjà les miches toute l'année dans un coin pourri (même si on aime Harvard, c'est quand même pas un climat équatorial), et que l'administration aurait pu faire un petit effort pour une destination touristique un peu plus... Paradisiaque. Certes, la région des grands lacs est d'une beauté rare, surtout à cette période de l'année, et c'est un coin de pêche très prisé. Il s'imaginait d'ailleurs dores et déjà faire, avec ses deux abrutis de copains Romane et Andy, des blagues farceuses potaches dans les bois, le soir, à la mode X-Files (qui se déroule toujours dans des forêts de connifères) ou Stargate (série grâce à laquelle on sait que le pin est l'espèce organique la plus répandue de la galaxie). Mais ça ne valait rien par rapport à la chaleur torride du Nouveau Mexique - Terre de l'enchantement ! - ou à l'ambiance survoltée de la Californie. Au pire, quitte à choisir un lac, pourquoi pas celui de Côme, en Italie, splendide refuge au romantisme absolu ? Mais bon. Danny était un aventurier, et il ne voyait pas pourquoi il se serait défié de ces vacances. Après tout, c'était soit ça, soit rentrer chez maman. Fichtre non ! Autant aller se cailler les meules dans le nord, à la frontière du pays des caribous. Ni une, ni deux, Romane et lui montèrent dans la Skyline de l'Eliot - une voiture de course pour aller se faire chier dans le trou du cul du monde ? - et se mirent en route. "Vermont, nous voilà !" s'écrièrent-ils en choeur.
Quatre heures, dix-sept chansons grivoises, trois concours de répliques cinématographiques et deux arrêts pipi plus tard, nous retrouvons les deux mecs face au Summer Camp version 2012, figés dans une expression sans nom devant la bagnole de course aux pares-chocs encrassés de boue. Une main sur les hanches, l'autre sur ses couilles qu'il grattait ostensiblement, Danny semblait presque dégoûté : ça n'était pas ce qu'il espérait. Il lui fallut quelques instants pour comprendre qu'ils étaient parmi les premiers arrivés et que cette semaine à attendre les autres serait encore plus chiante qu'une série de partiels. Point positif : ils disposeraient du bungalow pour eux seuls quelques jours. Si seulement il y avait de jolies filles à invit... Danny se figea et tira sur ses lunettes de soleil pour les faire glisser sur son nez, regardant par dessus comme s'il n'en croyait pas ses yeux, son sourcil gauche se levant d'un cran sur son front. Ne serait-ce pas la belle Elia Swatt qui se baladait entre deux bicoques en bois, là bas ? Un échange de regards de la part des deux dragueurs suffit amplement à les convaincre que ce soir, ils seraient trois dans la baraque. L'Eliot envoya un texto à la belle brune pour lui donner rendez vous, et les beaux gosses allèrent s'installer dans leur nouveau chez eux.
Vingt heures retentirent lorsqu'on frappa à la porte, après qu'ils aient fait deux ou trois courses et un brin de ménage, afin d'offrir à leur charmante compagnie de quoi se restaurer et un environnement sain, histoire de donner l'illusion qu'ils étaient propres et soignés...
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