Tête à tête entre anciens (Leyna)

Leyna était perspicace, ou bien j’étais mauvais menteur… Ou un mélange des deux… mais ma tentative pour noyer le poisson et essayer de très vite changer de sujet pour ne pas nous étaler sur le mariage échoua… « C’est que… Je ne voulais pas t’en parler… » Parce que je voulais pas lui faire de la peine. Je savais pas trop où ça en était entre elle et son ex, mais maintenant, grillé pour grillé, autant tout lui dire. « Je suis allé au SC pour assister au mariage de Théo et Elia. » J’eus une petite grimace, redoutant un peu la réaction de mon interlocutrice. Comment je réagirais moi, si on m’apprenait les noces de Caly ? Ca me ferait bizarre surement, mais je serais dans le fond heureux pour elle, parce que j’étais passé à autre chose surement, alors peut être que Leyna saurait relativiser cette info. En tout cas, j’étais vraiment pas le plus grand fan de Théo, alors si l’envie lui prenait d’allumer le jeune marié je serais son allié, la langue de vipère qu’il lui fallait. Et puis si elle préférait ne pas s’appesantir sur le sujet je comprendrais aussi. Je saisis quelques frittes que je grignotais en l’écoutant m’interroger sur mon sentiment face à mon statut de futur papa. « On est jamais complètement prêt pour ça… » répondis-je en toute franchise. Les gens qui se disent prêts n’ont juste pas pris toute la mesure de la tâche qui les attend, du chamboulement qui va s’opérer dans leur vie… Moi je le savais, je devinais que rien ne serait plus jamais pareil, c’était aussi un peu ce qui me terrifiait. « Tout se passe pas bien en plus… Talya est hospitalisée pour contractions… » Comme si devenir père ne suffisait pas, il fallait en plus que la pression s’accentue en menaçant de me faire devenir père d’un petit préma.

Voilà que le futur médecin venait de dire exactement ce qu'il ne fallait jamais me dire à moi. Je détestais au plus haut point qu'on essaie de me cacher des choses, surtout que de nos jours tout fini par se savoir un jour ou l'autre. Quoi que vu ce qu'il venait de me balancer j'aurais autant mieux aimer continuer de vivre dans l'ignorance. « Oh je vois. » Je ne savais quoi dire d'autre, car cette révélation faisait beaucoup plus mal que je ne l'aurais imaginer. Pas que je sois jalouse ou que ce soit, mes sentiments pour Théo s'étaient dissipés avec le temps seulement ça ne rendait pas la pilule plus facile à digérer. J'aurais aimer au moins qu'il m'en fasse part lui-même, je ne savais même pas qu'ils étaient fiancés ! Et pendant ce temps j'étais toujours une bonne vieille célibataire. Même Priape allait avoir son enfant alors qu'il avait le même âge que moi. Je m'interrogeai à savoir s'il était possible d'être un jour prêt pour sa et il confirma exactement ce que je pensais sur le sujet. On ne l'est pas, on fait juste en venir devant le fait accompli à un moment. Par contre j'étais beaucoup plus touchée par les complications qui risquaient de faire en sorte que la chose ne se produise encore plus vite que prévu. Instinctivement je lui attrapai la main. « Mais ca va aller, pas vrai ? »

Son -oh je vois- un peu pincé ne laissait pas trop percevoir sa peine. Mais je la devinais déçue, et ça ne fit que renforcer ma mauvaise estime pour le jeune marié. Il aurait pu au moins prévenir son ex de son changement de statut, même si ce genre d’annonce était toujours délicate, ça aurait été surement plus polie que la laisser le découvrir de ma bouche. « Désolé, je pensais que tu savais… ». Bref parlons d’autres choses, n’épiloguons pas sur Théo, il en valait franchement pas le coup. Enfin au sujet suivant, ce fut mon tour d’être mal à l’aise. La grossesse de Talya ne se passait pas comme il fallait, la blondinette était même hospitalisée pour contractions. La main de mon amie se glissa dans la mienne, un petit geste de soutien qui me toucha et mes doigts se resserrèrent doucement sur les siens alors qu’elle me demandait si ça allait aller. « J’imagine… Je sais que c'était un peu tendu entre vous quand tu étais sa bizutrice mais, Talya est une femme forte… » Je pouvais lui attribuer tous plein de défauts mais pas la faiblesse. « Elle va tenir le bébé aussi longtemps qu’elle peut au chaud dans son ventre…Là dessus, je lui fais confiance. » Pour le reste, non, ma confiance elle ne l’avait plus, elle l’avait brisé en couchant avec Matthéo. Mais pour ce qui était de l’enfant, je savais qu’elle le ferait passer avant tout. « Je te tiendrais au courant mais… Ca va aller. » C’était autant pour convaincre Leyna que moi même. « Bon alors toi, raconte ton été à NY ? T’as pas ramené un petit new yorkais dans tes bagages? » la taquinai-je avant de croquer dans mon hamburger, me mettant un peu de ketchup partout autour de la bouche.  

Ses excuses me faisaient légèrement sourire, car le pire de tout ça c’est que je savais qu’il était sincère. Pourtant il n’avait pas à l’être puisque cette situation ne relevait en aucun cas de sa responsabilité. Juste un ex, que je croyais être mon ami, qui avait bien omis de me faire part de ses nouveaux plans d’envergure. « Ne soit pas désolé. » Si j’avais à avoir une discussion ce serait avec le concerné mais pour l’heure il était hors de question de gâcher notre repas ensemble pour si peu. Je leur souhaitais juste d’avoir eu un beau mariage au fond. Je préférais pour ma part me concentrer sur mon ami et les quelques problèmes que semblait avoir mon ex bizut face à la mise au monde de leur bambin. Elle et moi n’étions pas parti sur de très bonne bases et ça ne s’était jamais vraiment améliorer seulement je ne leur en souhaitais pas moins d’avoir une famille en santé et solide. De ce fait, qu’il ait confiance en elle était primordial du moins en ce qui touchait à leur enfant. Si jamais il avait des doutes j’espère qu’il savait que je serais là, pas pour comprendre, mais lui remonter le moral au moins. «Tu peux avoir confiance en elle pour ça, oui. Il n’y a aucune raison que ça se passe mal de toute manière. » Après ce qu’il avait déjà subi à cause d’elle il pouvait bien souffler un peu pour ça. Ils y arriveraient sains et sauf. En ce qui me concernait cependant j’étais tellement loin d’en arriver à ce stade dans ma vie. « Même pas, tu vois combien je deviens sage ! » Tire la langue dans un premier temps avant de reprendre. « J’y étais avec Marsh’ donc c’était pas ma priorité je dois l’avouer. » J’ignorais s’il connaissait un peu mon historie avec l’ancien Winthrop mais si c’était le cas il serait sans doute un peu surpris par cette révélation. Comme moi je l’étais de le voir manger avec si peu de grâce. Je ne pouvais pas m’empêcher d’éclater de rire devant la scène. « Priape ! » je ne pouvais plus m’arrêter, c’était hilarant. J’aurais pu simplement lui tendre un mouchoir pour qu’il se nettoie, mais je trouvai plus amusant de l’imiter en me foutant de la sauce barbecue partout dans le visage. Voilà maintenant on est jumeaux !

Je ne savais pas ce que je préférais : le sujet de son ex, ou le sujet de la mienne ? Peut être aucun des deux à la rigueur. Mais autant il était facile de clore le chapitre Théo et de le chasser de notre conversation, autant c’était plus compliqué de ne pas parler de Talya, parce qu’elle était quand même la mère de mon future enfant. Leyna reprit donc à propos de la blonde que je pouvais lui faire confiance pour le bébé en effet, des paroles qui devaient surement valoir beaucoup vu les relations un peu conflictuelles qui existaient entre mon amie et son ancienne bizut. Il n’y avait aucune raison que ça se passe mal, des paroles qui raisonnèrent dans ma tête, sans pouvoir vraiment s’y ancrer complètement, comme si une partie de moi refusait d’y croire. Il y avait toujours un couac, cette grossesse n’avait été qu’une succession de complications, alors j’avais du mal à intégrer l’idée que tout se finirait bien. Mais il le fallait pourtant. Partir pessimiste n’allait pas m’aider. Je revins ensuite sur l’été de mon interlocutrice à NY. Pas de mecs dans ses bagages donc, et pour cause : elle était partie avec Marsh’, un autre de ses exs, que je connaissais pour avoir été dans son équipe lors d’un SC. Je n’avais pas suivi tout de leur histoire, mais je la devinais un peu complexe. « Ca s’est bien passé ? C’était pas bizarre entre vous ? » Partir en vacances avec son ex, sans se prendre la tête, j’avoue que si elle avait trouvé le remède, la solution miracle, j’étais preneur parce que Talya et moi allions surement avoir besoin de faire un peu la paix pour les mois à venir. Puis, croquant goulument dans mon burger, je me retrouvais barbouillé de ketchup, ce qui fit aussitôt éclater de rire la demoiselle. « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Mais quand je la vis m’imiter, je compris et l’hilarité me gagna devant sa bouille pleine de sauce. « Je crois que c’est pas le bébé qui va avoir besoin de bavoirs en fait ! » pouffai-je.

Devenir adulte voulait aussi dire avoir beaucoup plus de responsabilités et par conséquent les choses n'allaient malheureusement pas toujours comme nous le souhaitions. Pourtant que je sache, personne n'en était vraiment mort alors ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Et lui, je le savais, était fort et son ex aussi. Elle avait quand même réussi à m'endurer durant tout son bizutage, ça ne prend du courage ! Parfois même ce sont les choses qui s'annoncent pour être les pire qui se retrouvent être ce qui a de mieux en bout de ligne. Comme mes vacances. Bizarre, oui c'était un faible mot pour décrire ma relation avec l'ancien Winthrop même qu'avec le temps je n'étais plus certaine qu'on puisse la résumée avec des mots. « C'était bizarre, oui. Mais je crois que c'était l'un de mes plus beaux étés depuis longtemps. » Dire que l'on pouvait avoir une belle relation avec son ex, redevenir seulement et uniquement amis, c'était du mensonge. C'était toujours ambigus. Mais s'entendre ça oui c'était possible d'y travailler et de réussir à former une relation qui vous convienne à tous les deux. Seulement avant cela il allait falloir apprendre à manger un burger sans pour autant en foutre partout et cela me semblait être plus difficile. J'éclatai de rire comme personne ne m'avait fait rire depuis longtemps. À un point tel que je décidai de l'imité pour que nous ayons l'air tout aussi intelligent l'un que l'autre. « Je crois que c'est lui qui va devoir t'apprendre mon cher ! D'ailleurs tu en as là. » dis-je avant de mettre de la sauce sur son chandail. Oups un accident est si vite arrivé.

Leyna confirma que ses vacances avec son ex avaient été bizarres en effet, ce qu’elle ajouta m’intrigua : l’un des plus beaux étés malgré ce sentiment d’étrangeté. Je fronçai les sourcils : « Il s’est passé quelque chose entre vous ? Vous vous êtes remis ensemble ? » Pour moi qui jouais un peu aux montagnes russes avec Talya, j’avais du mal à saisir la sérénité qui se dégageait de mon interlocutrice quand elle évoquait ces deux derniers mois passés avec Marshall. Fallait croire que l’ex dunster avait des choses à m’apprendre en la matière. Et ce fut ensuite le fou rire, d’abord celui de Leyna devant ma tête pleine de ketchup, puis le mien qui résonna en écho au sien, devant son imitation de la manière élégante avec laquelle je mangeais. Et d’ailleurs, lorsqu’elle me répondit que ça allait être le bébé qui m’apprendrait à manger, me taquinant en désignant ma joue pour me signaler ma peau tâchée, ce fut son chandail qui reçut un peu de sauce dans la manoeuvre, ce qui me permit de la taquiner à mon tour : « Je vais pas être le seul à devoir porter des bavoirs on dirait. » Je saisis une serviette en papier, lui en tendis une avant d’en prendre pour moi essayant de me débarbouiller le visage. « Je crois que si c’est tous les midis comme ça, on va devoir prévoir des tenues de rechange. » ricanai-je alors.

« Il se passe toujours des trucs entre nous, par contre ce n'est pas demain la veille qu'on risque de se remettre ensemble non. Je finirai bien par t'expliquer tout ça au fil du temps. » Parce que résumer cette histoire qui datait de presque trois ans risquait de prendre beaucoup plus de temps qu'un seul dîner ensemble. Si avant d'arriver à Harvard j'étais incapable de tomber amoureuse, avec lui j'avais fais passer tout ça avant moi-même. J'avais perdu trop de temps à vouloir me remettre avec lui et jouer les amoureuses pathétiques et c'est en grande partie les raisons qui me poussait à vouloir mettre autant de changement dans ma vie cette année. Je voulais redevenir la femme ambitieuse remplie de rêve que j'étais, tout en étant peut-être un peu plus adulte et sociable. Je voulais me concentrer sur moi et sur ma vie avant de pouvoir y faire entrer quelqu'un sinon c'était perdu d'avance. La première étape serait peut-être de réapprendre les bonnes manières à table et d'éviter de foutre de la sauce partout sur moi sans le vouloir. On avait franchement pas l'air très doués Priape et moi sur ce coup. « Sinon on peut toujours enfiler le costume de la mascotte, comme ça on passera inaperçu ! » je pris quand même la serviette pour essayer d'être un peu plus présentable lors de mes cours de l'après-midi. J'étais une ancienne Eliot, j'avais une image à garder.

« Je crois que les exs qui arrivent à être vraiment amis, mais genre vraiment, sans ambiguité, sans jalousie, sans histoire aucune, c’était qu’ils avaient jamais été vraiment amoureux au final… » Ouais parce que les sentiments, ça laissait des traces, des réflexes aussi. Je désespérais d’avoir un jour une relation strictement normale avec Caly ou avec Talya… Je crois que ça serait jamais vraiment le cas, qu’il subsisterait toujours ce petit truc en plus entre nous, parce qu’elles avaient compté, et que, que je ne veuille ou non, elles compteraient un peu toujours. « Bref commence par m’expliquer comment s’est passé votre été… » J’étais curieux, et dans mes souvenirs, Marsh était plutôt cool donc j’allais écouter tout ça d’une oreille très neutre, pas comme si elle se mettait à me parler de son histoire avec Théo où là je risquais plus nettement de grincer des dents. Il allait d’abord falloir se débarbouiller, ce que je tentais un peu maladroitement de faire tout en signalant à mon amie la tâche sur son chandail. « C’est sûr qu’en costume de mascotte on risque pas de nous reconnaître… Mais on va surement crever de chaud ! » rigolai-je en imaginant la scène alors que la demoiselle tentait de se détacher… « Enlève carrément ton haut sinon… » la taquinai-je avec un petit sourire amusé.

Je restai bouche-bée un instant à entendre ce que venait de dire Priape. Ça me déstabilisait car il venait d'exprimer exactement mon opinion sur le sujet en question. « Je suis d'accord à deux cent pour cent. » Parce que l'amour n'est pas quelque chose qu'on peut trouver ou effacer comme bon nous semble. Ça commence par une connexion spéciale puis ça se développe si fort qu'on finit par se rendre à l'évidence que nous sommes amoureux de l'autre. À partir de là il n'y a pas de retour en arrière possible, on est prit avec ses sentiments pour la vie. Ils s'estompent un peu quand on réussi à s'attacher à d'autres mais sans pour autant disparaître complètement. C'est ce qui différencie l'amour de l'amitié au fond. « C'était bien, parfait même. Sa fille était avec nous et pour ces quelques semaines ça donnait l'impression qu'on était une de ces familles soudées et heureuse tu vois. Ça m'a fait du bien. » Et d'un autre côté ce n'est pas encore quelque chose que je serais prête à vivre de manière permanente. Je l'aimais et je rêvais de ça, un jour, mais pas alors que j'étais encore à Harvard. Je voulais pouvoir profiter des années qu'il me restait ici et pouvoir me déguiser en mascotte si ça me plaisait sans me sentir gamine. Gamine je l'étais oui. Et impulsive. Voilà pourquoi je ris de plus belle lorsque Priape me dit d'enlever mon haut. « C'est un défi là ? Parce que je suis la meilleure pour les défis Zacharias. »