Pourquoi semblait-il surprit de ma proposition ? Ne s’y attendait-il pas ? Pourtant, c’était la suite logique de son idée, enfin, selon moins. «Très bien, n'en parlons plus. » Je devais surement me faire des idées mais j’eus l’impression que malgré sa voix calme et posée, tout à fait adaptée à la situation, son cœur n’y était pas. Comme si finalement choisir cette solution ne le satisfaisait qu’à moitié. Pourtant c’est bien lui qui disait en avoir assez de nos répliques cinglantes, et qu’il en avait aussi assez de se prendre la tête. Mais pour bien me montrer que j’avais tord, que j’étais devenue beaucoup trop imaginative à cette heure-ci, peut-être à cause de son verre que j’avais terminé, il s’allongea à moitié sur le transat, s’appuya sur l’un de ses coudes, dans la position du parfait petit vacancier. N’importe qui serait passé à ce moment pourrait penser voir deux connaissances, deux amis qui faisaient juste un brin de causette. Ce devait être l’effet qu’il recherchait. La simplicité. «Bonjour, je m'appelle Austin West-Bundy.» Nouvelle présentation et main tendue ? Je n’avais pas exactement pensé à ça lorsque j’avais proposé une remise à zéro. J’avais comme idée d’effacer les mauvais souvenirs, et de garder les bons. D’oublier le fait qu’il pouvait être un goujat, et que j’avais manqué de tact. Mais après tout, s’il préférant faire comme si on ne s’était jamais rencontrés avant, c’était peut-être mieux … Bon nombre de films utilisaient cette technique, elle devait bien avoir pris racine dans la tête d’amis. « Bethany Goldsmith, enchantée. » j’avançais le bras, et collait ma paume de main contre la sienne, pour sceller cette poignée de main, signe de renouveau, un petit sourire sur mes lèvres.
Malgré toute sa bonne volonté, et la mienne, je ne pouvais m’empêcher de me sentir gênée. Son contact, malgré mes bonnes résolutions, n’avait fait que raviver les souvenirs de notre dernière « entrevue ».Finalement, je ne pouvais me résoudre à tout oublier, puisque qu’une partie de lui m’avait marquée, m’avait touchée. Je ne pouvais oublier ses lèvres contre les miennes, sa main dans ma nuque, ses bras autour de moi pendant qu’il se laissait tomber en arrière. Je ne pouvais mettre dans un coin de ma tête toutes ces sensations, je réussis presque à me persuader quand sans ma phrase mal placée, on ne se serait pas arrêtés tellement tôt. J’en frissonnais presque en y repensant. Je me mordis la lèvre inférieure, me demandant si je devais dévoiler le fond de ma pensée, ou juste jouer le jeu de la première rencontré, de deux personnes qui ne savaient rien l’une de l’autre. Si je voulais être moi-même, je ne voulais pas le duper, je me devais d’être honnête. Après tout, il avait bien dit « pas de prises de tête », et je voulais juste rectifier un petit point. Sans me montrer rude. « En réalité, je ne sais pas si je veux tout oublier … il s’est passé des choses que je n’ai pas envie d’effacer de ma mémoire … » Je restais pour le moment évasive, tout en scrutant son visage, à la recherche d’un signe qui m’encouragerait à continuer ou qui me ferait faire machine arrière. Mais il avait un don pour garder une expression évasive, qui ne montrait en aucune façon ce qu’il pouvait ressentir à l’intérieur. Comme toujours quand j’étais stressée, quand j’étais sur le point de dire ou faire quelque chose qui me tenait à cœur, je fis tourner autour de mon annulaire droit la petite bague en argent que ma grand-mère m’avait offert pour mes seize ans, et que je ne quittais jamais. Elle me servait en quelque sorte de défouloir, de gri-gri, de porte bonheur. Tout à la fois. Comme ce n’était apparemment pas en fixant Austin que j’allais me décider, vu qu’il avait décidé de rester impassible jusqu’à ce que je lui dévoile le fond de ma pensée, je laissais dévier mon regard vers l’océan qui nous entourait. Y cherchant le courage qui me manquait. Je n’avais jamais fait le premier pas vers aucun homme, je n’avais pas assez d’assurance pour ça, et une légère tendance à me dévaloriser quand il s’agissait de me mettre en avant. J’avais toujours attendu d’être abordée, quitte à forcer un peu le destin en envoyant des signes ou des ami(e)s tenter le terrain pour moi. J’étais froussarde et j’avais à la fois peur de l’échec. Tout un programme. C’était drôle, mais dans ma tête, je me disais que si j’arrivais à me lancer maintenant, plus grand-chose ne m’arrêterait. C’était l’occasion en or d’avoir de l’assurance, davantage confiance en moi. Je posais à nouveau mon regard sur lui, il n’avait pas bronché. Ce qui me fit sourire. « Même si j’étais surprise au début, vu que je ne m’y attendais pas, j’étais finalement contente que tu m’embrasses. Ca m’a fait me sentir … différente ... L’inattendu a parfois du bon. J'avais dit que j'aurai préféré que tu me laisses à la soirée, mais j'étais contente que tu m'ais fait entrer chez toi. Et ... Tu dois surement te dire que je ne sais pas ce que je veux, que je change d’avis comme une girouette. Je réfléchis trop en fait. Et je parle trop, et ferais mieux de me taire … » Et je rougis, gênée d'avoir autant parlé, d'en avoir autant dévoilé, de ne pas avoir assez réfléchi à ce qui allait sortir de ma bouche.