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C'était la fin de l'année scolaire et le début d'un été qui s'annonçait très chaud, du moins c'était ce que laissait croire le soleil de plomb qui inondait le pont du yacht de sa lumière brûlante et qui se reflétait dans les lunettes de soleil d'Austin, lui-même allongé de tout son long sur un transat, en short de bain. Comme souvent, Bundy attendait avec impatience les résultats de ses examens, même s'il y avait tout à parier pour qu'aucun effet de surprise ne soit au rendez-vous et que ces derniers soient - comme à chacune de ses remises de notes précédentes - excellents. Sans avoir la bêtise de vendre à voix haute la peau de l'ours avant de l'avoir tué, Austin gardait pour lui l'intime conviction de passer haut la main le cap de la 6ème année d'études à Harvard et d'entamer, dès la rentrée prochaine, son avant dernier tour de piste. Encore deux ans, pensait-il, immobile sur son siège, le visage tourné vers le ciel tandis que les autres étaient occupés à faire la fête et à rire de l'autre côté du pont, et il serait détenteur d'un doctorat de droit cacheté de la meilleure université qui puisse exister au monde. A ce moment là - il en était certain - plus jamais personne, pas même son père, pourrait encore se targuer d'avoir une quelconque ascendance sur sa personne. Libre, émancipé et plus redoutable que jamais, il serait prêt à bouffer la première personne qui se mettrait en travers de sa route, à les écraser tous et même, s'il le fallait, à ériger sa vie sur les ruines de celles des autres ...
Mais dans l'attente de ce moment bénit où il n'aurait, pensait-il, plus rien à prouver à personne, il avait décidé de prendre un peu de bon temps. Du bon temps qui s'était matérialisé par l'embarquement sur le yacht loué par les Dunsters et au sein duquel, s'il n'avait pas vraiment prévu de faire la fête (se mélanger à des fêtards tous plus inintéressants et plus bêtes les uns que les autres, non merci), il comptait bien se reposer et se relaxer en toute quiétude, quitte à snober le reste des passagers pour se retrouver seul avec lui-même (ce qui lui suffisait amplement, au demeurant). L'avantage de cette virée résidant dans le fait qu'aucun portable ne semblait vouloir capter au beau milieu des caraïbes, Austin savait qu'il serait tranquille et qu'il n'aurait à répondre de rien durant ces 24 heures d'escapade nautique. Libre de ne rien faire d'autre que de profiter des embruns de l'océan qui venaient mouiller son corps entre deux courants d'air, il était, semblait-il, beaucoup plus détendu qu'à l'accoutumée (et cet état de fait n'était certainement pas sans rapport avec le nombre raisonnable de cocktails qu'il avait bu depuis le déjeuner). Se trouver là sans connaître personne sur le bateau lui convenait parfaitement. A l'aide d'un ipod, d'une paire d'écouteurs et d'un coussin gonflable qu'il avait coincé sous sa tête, il était parvenu à retrouver une paix intérieure mise à rude épreuve par la fin d'année et la série d’événements rocambolesques qui l'avaient accompagné.
Il s'apprêtait à soupirer d'aise en s'étirant quand un bruit de casse parvint à couvrir la voix des Beach Boys qui chantonnaient des airs de circonstances dans ses écouteurs. Intrigué, il ouvrit un œil et souleva un coin de ses lunettes de soleil à la recherche de la cause de ce vacarme. Le bon sens aurait pourtant voulu qu'aucun fêtard digne de ce nom ne vienne se perdre du côté des transat alors que le bar et le jacuzzi de l’embarcation offraient une multitude de prétextes rêvés pour draguer et s'adonner à toutes sortes d'échanges sociaux dont les jeunes de son âge se montraient particulièrement friands, en temps normal. « Qu'est-ce qui se passe ? » Questionna-t-il dans le vide, mi endormi, mi exaspéré.
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