Priape ☼ Bonnes ou mauvaises nouvelles ?

De garde aux consultations adultes, ce n’était définitivement pas ce que je préférais. Mon univers c’était la pédia mais été et baisse d’effectif oblige, les dirigeants bouchaient les trous comme ils pouvaient et ils m’avaient donc attribué les consults pour la journée. Je venais de laisser repartir un jeune femme qui souffrait de migraines violentes depuis plusieurs mois. Après un interrogatoire poussé et récupération des derniers bilans de la demoiselle, les céphalées semblaient très clairement être causées par le changement de sa contraception. Une pilule trop dosée que son corps ne supportait pas. Je lui avais expliqué les différentes alternatives à la contraception orale, me gardant bien te vanter les mérites du stérilet parce que mine de rien la grossesse de Talya alors qu’elle s’en était fait posé un, cela me restait en travers de la gorge. Bref la demoiselle était plutôt contente de mes conseils et elle était ressortie souriante et soulagée de notre examen. La porte se rouvrit sur la patiente suivante, je consultais distraitement la liste, ne m’attardant pas sur le nom de la jeune femme mais plutôt sur la raison de sa venue : crise d’épilepsie. Mais en relevant les yeux de mon planning, mon regard intercepta celui de la brune qui venait d’entrer : Léo !!! Et qui me demandait si j’allais bien, c’était le comble, c’était moi le médecin et elle la patiente donc c’était plutôt à moi de lui poser la question. « Léo !!! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? T’es rentrée depuis quand ? » Mes yeux fixèrent à nouveau la liste des consult, vérifiant que le nom de mon amie était bien inscrit en face du motif crise d’épilepsie. « C’est quoi ces crises ? Tu te sens bien ? Allonge toi. » fis-je en lui désignant la table d’examen et en me levant de mon bureau pour m’approcher d’elle.

Léonora retira sa veste et je tiquai en remarquant des marques. Que s’était-il passé ? Ce n’était pas une grande première d’avoir la brune comme patiente, je me permis même une petite remarque pour plaisanter et espérant ainsi détendre l’atmosphère et la jeune femme. « Avoue que tu aimes joues au docteur avec moi Léo… » Je lui servis un petit sourire, continuant d’observer discrètement les ecchymoses sur sa peau et attendant qu’elle réponde à mes précédentes questions : donc elle était rentrée le 26, mais elle avait eu ses problèmes de santé, et aussi des trucs de famille à régler. « Hey, c’est pas grave. J’suis pas vraiment ton mari même si tu es ma madame Zacharias, alors t’es pas obligée de me tenir au courant à la minute d’où tu te trouves… » la rassurai-je. Je n’allais pas lui en vouloir pour si peu et pour le moment j’étais juste inquiet pour la demoiselle. Je désignais la table d’examen, elle s’y installa. Je m’approchai d’elle, passai le brassard du tensiomètre autour de son bras. L’appareil gonfla, se relâcha : 12/8 « Tension artérielle parfaite. » Mes doigts glissèrent le long de son poignet : le pouls était frappé, régulier, aux alentours de 80 battements par minute. Je brandis mon stéto : « Je peux ? » fis-je en glissant le pavillon un peu froid du stéthoscope contre la peau de son torse, sous son T shirt. Ca me gênait toujours un peu d’examiner ainsi une amie, je ne voulais pas qu’elle se sente mal à l’aise. Mais dans tous les cas, ça ne serait jamais pire comme le jour où j’avais du faire un examen gynéco à Caly… Après l’avoir auscultée, tout était normal, je me lançais dans un examen neuro, testant un à un ses réflexes tout en continuant la discussion : « Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu sois tracassée comme ça ? » Elle m’avait parlé de ses histoires avec Clay, mais je connaissais Léo et c’était pas un mec, aussi canon soit-il et même s'il lui plaisait, qui allait réussir à la faire convulser. Il devait s’être passé autre chose.

« Bien sûr que je suis content de te revoir… » la rassurai-je. On était amis, mais pas mariés. Je n’allais pas lui en vouloir de ne pas m’avoir tenu au courant de son retour. Surtout que là, vu le contexte, je m’inquiétais pour elle. « Bon j’aurais préféré que ça soit chez moi autour d’un verre et d’un bon repas plutôt qu’en salle de consult parce que tu te sens pas bien… » Mais elle était là et il fallait que je m’assure de son état. Tension, pouls, tempet. Je fis le points, d’abord sans rien déceler d’anormal. C’était toujours un peu gênant de prendre en charge une amie, mais Léonora, de son côté, n’était pas mal à l’aise. Si du côté constantes vitales tout semblait normal, c’était côté moral que ça pêchait. Je l’écoutais alors me raconter ce qui n’allait pas. L’asso d’une part et sa sœur d’autre part. Avec Ruby, c’était compliqué apparemment et Léonora en avait même des insomnies. « Qu’est-ce qui se passe avec ta sœur ? » J’avais croisé la jumelle de mon amie il y avait peu de temps dans les couloirs de l’hôpital. J’avais alors appris que la blondinette avait une vie plutôt compliquée et qui plus est que sa grossesse n’était pas de tout repos. Léonora m’expliqua alors qu’elle était devenue complètement paranoïaque, qu’elles s’étaient engueulées violement. Mon regard se reporta alors à nouveau vers les ecchymoses sur ses bras. Mes doigts effleurèrent doucement sa peau bleutées à cet endroit et je demandai : « C’est Ruby qui t’a fait ça ? » Ce n’était pas de grosses marques mais si la jeune femme devenait incontrôlable au point que son père doive lui injecter quelque chose c’était sérieux. La prochaine fois, elle pourrait finir par véritablement blesser quelqu’un ou par se faire du mal à elle même et au bébé. « C’est pas à prendre à la légère Léo, faut que tu amènes Ruby consulter quelqu’un. Il y a des cas de psychoses très graves pendant la grossesse, c’est plus souvent après l’accouchement mais ta sœur a traversé pas mal d’épreuves ces derniers temps, ça fait d’elle quelqu’un à risque… Elle peut décompenser psychologiquement et ces disputes violentes en seraient le premier signe. Donne moi son numéro si tu veux, je lui parlerai. » Enfin, mon amie allait surement trouver cela bizarre que je veuille ainsi parler à sa sœur que je n’étais censé connaître que très peu, c’est pourquoi j’ajoutai : « Je l’ai croisée l’autre jour à l’hôpital, on a pas mal discuté. Je peux peut être la convaincre d’aller consulter un psychologue. »

Je sentais Léo énervée, j’haussais les épaules. Je voyais pas pourquoi elle ne prenait ainsi. « J’ai pas eu le temps d’en faire une. Et puis j’ai emménagé courant juin simplement et toi t’es partie draguer le frère de ta copine en Arizona début juillet je te rappelle. » Ouais ouais, je pouvais adopter ce ton là moi aussi. Passer l’été à bosser ça rendait aigri. « Mais tu peux toujours venir me voir… quand tu iras mieux. » Pour le moment c’était l’examen. D’abord physique, puis je m’inquiétais ensuite de son moral. Sa sœur Ruby était au cœur de ses préoccupations et vu la vie qu’avait eu sa jumelle, Léonora avait de quoi être inquiète. J’aurais pu faussement la rassurer, j’optais pour un tout autre discours : plus alarmiste. Il fallait pas prendre ça à la légère, Ruby avait surement besoin d’aide. Je ne récoltais pas un oui franc de mon amie alors que je lui proposais mon soutien, juste un sourire triste. Elle me raconta alors qu’elle voyait déjà un psychologue mais qu’elle refusait le dialogue. « C’est qu’il doit pas être très bon alors son psy… » La brune se doutait qu’avec ou sans son accord, j’essayerais d’arranger les choses. Je voulais que tout aille pour le mieux entre les deux sœurs. Et Ruby allait avoir deux enfants à gérer, une situation qui n’était pas sans rappeler celle de mon ex Talya. C’était peut être pour cela que ça me touchait d’autant plus. Quand Léo s’inquiéta pour moi, j’eus un petit rire : « T’as vu ma carrure ? T’as vu la sienne ? » Genre elle allait pas pouvoir me faire grand chose. Par contre, elle pouvait vraiment s’en prendre méchamment à Léonora, les bleus sur son corps l’attestaient. « Par contre sois prudente de ton côté. » D’ailleurs, reprenant mon rôle de médecin que j’avais délaissé un instant au profit de celui d’ami, je retournai m’installer à mon bureau, je saisis l’ordonnancier. « Je te prescris un scanner cérébral pour être sûr qu’il n’y a rien… Mais si tu as déjà fait des crises d’épilepsie par le passé, il va surement falloir que tu prennes un traitement de fond. T’as déjà eu ce genre de médocs ? »

Elle rétorqua qu’elle ne l’avait pas dragué, que de toute manière ça s’était mal passé le soir de son anniversaire… Je fronçais les sourcils : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Rien de grave ? » m’inquiétai-je. Mais la brune s’empressa de me répondre qu’elle m’en dirait plus plus tard. « Tu crois que ta mère saura la résonner davantage que toi ? » demandai-je alors que Léo évoquait l’idée de la contacter pour lui parler des problèmes rencontrés par sa jumelle. Quand je soulignais la différence de carrure entre sa sœur et moi en riant, je réussis à lui soutirer un sourire. Elle sembla m’écouter quand je lui demandais de rester prudente. Je terminais finalement par mes prescriptions, le scan déjà et je l’interrogeai sur ses traitements. « Y’a des médicaments qui existent pour ralentir et diminuer la fréquence des crises, mais c’est pas sans effets secondaires alors… Passe peut être le scanner avant et prends rendez-vous avec un neurologue, il pourra juger si oui ou non il faut instaurer un traitement. » Je lui remis le bon avant de me lever. Un coup d’œil à ma liste de patients m’indiqua que j’avais une petite demi heure de creux après Mlle Lockhart. « Je te paie un café à la machine au bout du couloir ? » proposai-je, histoire de lui signifier aussi que je ne lui en voulais pas pour ses sautes d’humeur. « Et puis comme ça tu vas me raconter tout ce qui s’est passé entre toi et ce fameux Clay. »