Que le meilleur gagne (Elia)

J’étais arrivé exténué par le décalage horaire, le vol, et la semaine horrible que j’avais passé à Cambridge à enchainer les heures pour pouvoir poser ensuite des repos. Et puis, je m’étais dépêché d’aller voir Talya, observer à quel point son bidon avait poussé, sentir le petit bouger sous mes doigts, bref jouer les parfaits papas gagas. Mais j’avais un autre bidon à observer. Et on peut dire qu’avec mon passage éclair pour déposer mes affaires au chalet, j’avais à peine croiser mes hôtes. Bon Théo, ça ne me dérangeait pas vraiment de ne pas le voir beaucoup, mais Elia… Je n’avais pas pris le temps de discuter et de profiter de ma meilleure amie, je comptais bien me rattraper. C’est pourquoi, cette deuxième soirée, j’avais décidé d’être tout à elle, de lui consacrer tout mon temps histoire qu’on profite du peu de moments qu’on avait ensemble cet été, car j’allais devoir repartir dans quatre jours. Ma brune préférée m’avait filé rencard devant un grand bâtiment sur la devanture duquel clignoter les lettres B-O-W-L-I-N-G. Voilà donc ce que la jeune femme avait en tête : après avoir essayé de me mettre une raclée à la boxe il y a quelques mois, elle comptait prendre sa revanche à coup de strike. Adossé à l’entrée, je résistais à l’envie de m’allumer une clope en l’attendant, je savais qu’elle n’aimait pas cette habitude, et elle risquait de désapprouver encore plus à présent qu’elle était enceinte. Je me contentais donc de jouer avec mon briquet en observant les alentours, attendant de voir débarquer ma meilleure amie avec impatience.  

Je vis la silhouette de la brune s’approchait, mon regard la détailla alors qu’elle avançait jusqu’à moi, mes prunelles s’attardant un peu sur son ventre pour y déceller les premières rondeurs qui trahissaient l’heureux évènements à venir. Mais je n’eus pas trop le temps de voir quoi que ce soit, mon amie était vite devant moi et je me décollais du mur pour venir la prendre dans mes bras avec tendresse. Elle me passa en revue et remarqua bien vite mon briquet que je me dépêchais de ranger dans le fond de ma poche. « C’est rien… » Enfin si, c’était un briquet, elle l’avait surement vu et anticipant son futur sermon sur mes mauvaises habitudes tabagiques, j’ajoutais : « Commence pas à jouer les mamans avec moi hein… » Je sentais qu’elle allait remarquer mes cernes, commenter mon manque de sommeil, mais également ma fatigue puisque j’avais refusé de prendre de vraies vacances et de faire un vrai break ici. Hors, je voulais juste profiter de cette soirée, pas m’appesantir sur tout le reste. J’avais laissé mes tracas à Cambridge et avec Elia, on avait de bonnes nouvelles à fêter. D’ailleurs, avec un sourire j’attrapai sa main pour la faire tourner sur elle, l’analysant de la tête aux pieds à mon tour : « Ca ce voit pas encore beaucoup. » C’était le début, comme ma meilleure amie était mince, on devinait à son petit ventre, habituellement parfaitement plat, que quelque chose se préparait mais quelqu’un qui ne la connaissait pas aussi bien que moi aurait pu ne pas le remarquer. « T’as pris un peu de poids déjà ? » Elle me demandait comment j’allais, c’était plutôt à moi de lui poser la question. « Ca va, ça va. Mais toi comment tu te sens ? Pas trop de nausées ? De vomissements ? » Faites qu’elle s’en sorte mieux que Talya au début de sa grossesse… Elle me réservait tout un lot de questions, notamment sur mes achats je répondis en plaisantant : « J’attends que tu rentres, ils vont nous faire un prix de groupe dans les magasins de puériculture. » Je m’avançai vers l’entrée du bâtiment en confiant avec plus de sérieux cette fois : « Tu me manques à Cambridge tu sais… » Même si je savais qu’être ici et s’amuser lui faisait du bien, ça faisait un vide sans elle.

Elia me fit rire en me répondant qu’elle s’entrainait. Oui, ma BF allait être maman, moi j’allais être papa, le timing parfait au final. Enfin, ses conditions à elle étaient nettement plus idylliques puisqu’elle allait épouser le père de son enfant alors que moi j’étais toujours séparé de Talya, même si les choses allaient mieux entre nous. Je pris le temps d’observer ma meilleure amie sous toutes les coutures, l’interrogeant sur son début de grossesse. C’était encore discret et peu visible mais son –y’en a un qui est content- fit m’arrêter mes yeux de manière un peu plus appuyée sur sa poitrine. Ha oui, maintenant qu’elle le disait, c’était vrai qu’elle avait augmenté de volume. « Plus efficace que la chir esthétique. » rigolai-je avant d’ajouter : « Et si tu allaites ils seront encore plus gros. » Je savais pas quels étaient les projets de miss Kova concernant son bébé : allaitement ou biberon. A vrai dire, je ne savais même pas ce que Talya avait prévu pour notre propre enfant alors… Je m’étais ensuite inquiété de sa forme, son bien être. Elia avait eu quelques hauts de cœur simplement donc c’était rassurant. On entra ensuite dans le bâtiment et je ris en écoutant Elia : « Tu m’as l’air bien sûre de toi ma petite… C’est l’effet des hormones ? » Enfin je repris un peu de sérieux pour lui confier qu’elle me manquait. Vu la situation actuelle, elle enceinte, moi futur papa, j’aurais voulu qu’on passe plus de temps ensemble pour partager tout cela… Enfin je n’avais que quelques jours au SC et je comptais en profiter. « On s’est jamais si tu changeais d’avis devant l’autel, j’aurais manqué ça pour rien au monde. » plaisantai-je en riant avant d’ajouter plus sérieusement : « C’est censé être l’un des plus beaux jours de ta vie alors c’était important que je sois là. » Puis on se dirigea vers l’accueil où une hôtesse nous remit des chaussures de bowling. « La grande classe. » commentai-je en observant la paire qu’elle venait de me confier et qui allait me donner un look d’enfer.

«  Crapaud (1) ? Tu voulais pas plutôt dire prince charman? » ricanai-je après sa petite tape, loin de m’offusquer. C’était Elia, elle pouvait tout me dire je ne me vexerais pas. Elle se vanta ensuite de ses talents de joueuse de bowling… « Je savais que tu dansais comme un petit rat (2) d’opéra, mais pas que tu excellais avec les quilles. » m’étonnai-je. Et pourtant ça faisait un moment que je connaissais la jeune femme. « T’as jamais fini de me surprendre. » Et quand elle me refila ce surnom, je me mis à rire comme une baleine (3) : « Je suis TE-RRI-FIE. » acquiesçai-je. « Enfin ce qui me fait surtout flipper, c’est les surnoms que tu me donnes. Tu feras la paire avec ton futur mari, c’est un talent que vous maitrisez. » Parce que Théo lui, m’appellait son paprika donc… « Allez on y va ma petite cochonne (4)… » fis-je en entrant dans le bâtiment, reprenant le même surnom que celui qu’elle venait d’utiliser. « Enfin non, ma petite chatte (5)… » Bon, j’étais pas doué pour mes surnoms moi. « C’est trop à connotation sexuelle tout ça, ton mec va encore m’en coller une… Ma biche (6) ou plutôt ma poule (7), c’est bien ça ma poule tu valides ? » Bah quoi, si elle me collait des sobriquets ridicules, il fallait que je lui en trouve aussi, enfin pas trop affectueux ou tendancieux parce que sinon j’allais finir aux urgences quand son macaque (8)  de fiancé allait l’apprendre. « S’il détale comme un lapin (9) devant l’autel, je te préviens que je prends le rôle du chasseur et je le raterais pas. » S’il osait lui faire un coup pareil, il était fini. L’an passé, quand il avait rompu leur fiançailles, il avait alors eu un accident et souffrait d’amnésie. Même si son attitude à ce moment là avait franchement laissé à désirer, il avait l’excuse de la mémoire défaillante. Aujourd’hui, je n’acceptais plus aucun faux pas. S’il décevait encore ma BF, c’était un homme mort. « Mais t’en fais pas, je suis sûr que tout va bien se passer. Je ferais le gendarme si il faut, avec mes yeux de lynx (10) rien ne m’échappe. » Personne ne gâcherait cette journée. « C’est clair que c’est pas encore ce soir que je vais choper avec l’allure que j’ai… » plaisantai-je en regardant mes pieds. Nos chaussures effectivement ressemblaient à des godasses de clown. On se dirigea vers la piste de bowling. D’ailleurs, l’écran affichait que c’était à moi de commencer. Je ris à la remarque d’Elia. « En fait, j’ai un peu essayé de la draguer. Je lui ai fait croire que c’était mon anniversaire. » avouai-je avec amusement. Peut être que c’était pour cette raison qu’elle m’avait mis en tête de liste, ou bien peut être que c’était aussi parce que j’avais un ticket. « Tu crois que je devrais lui proposer un verre ? Elle est mignonne non ? » J’avais tellement de mal à me sortir Talya de la tête que je doutais carrément de mes capacités à flirter avec quelqu’un, j’en venais même à demander des tuyeaux à ma meilleure amie. Enfin, de toute manière, le moment n’était pas à la séduction mais bien au bowling. Je saisis une boule, la plaçai un instant sous mon T shirt devant mon ventre en faisant le guignol : « Voilà ce qui t’attend dans quelques mois ! » J’avais hâte d’ailleurs de voir Elia avec un petit ventre tout rond. Puis je repris mon sérieux, visai les quilles et lançai la boule sur la piste.

« Bah justement je me posais la question. » répondis-je en riant lorsque ma meilleure amie me demandait en plaisantant pourquoi elle épousait Théo selon moi. Et quand elle me proposa de me joindre à eux vu mon talent commun au leur en terme de surnoms, je répondis toujours avec humour : « Je préfèrerais encore me remettre avec mon ex plutôt que de faire ménage à trois avec ton futur mari… » Enfin, vu à quel point je m’étais rapproché de Talya ces derniers temps, ce n’était peut être pas une grande preuve de mon aversion pour Théo en fait. Enfin, finalement, ma BF et moi tombions d’accord sur le –ma poule- ou –ma biche- étant donné la jalousie maladive de son cher fiancé. « J’espère qu’il va se maitriser le jour de vos noces, parce que moi je veux une danse avec toi quand même… » Après tout Elia avait été ma prof de danse au tout début de notre amitié, je tenais à l’avoir pour cavalière au moins pour une chanson lors du jour J. Mais j’avais pas l’intention de provoquer Théo, je savais trop bien qu’il partait au quart de tour. « Au pire, on se fera un rock, ça devrait pas trop le rendre fou ça un rock non ? » demandai-je. Parce qu’un slow ou une salsa torride ça risquait de lui faire péter un câble ça. En tout cas, le garçon avait intérêt à se tenir à carreau, car j’avais l’autorisation d’Elia de lui tirer carrément dessus si il ne se montrait pas à la hauteur. Un petit rire s’échappa de mes lèvres quand Elia se montra sûre de mes capacités en terme de drague, même malgré les chaussures de clown dont j’étais désormais affublé. « C’est un challenge que tu me lances là ? Parce que tu sais j’suis célibataire depuis mars, ça commence à faire… Je pense qu’il doit bien y avoir une raison… » Même si la raison était surement un manque de confiance en moi, surtout vu que ma dernière petite amie m’avait trompé. Enfin, selon Elia, j’avais un ticket avec la fille de l’accueil. Mais après avoir questionné ma meilleure amie sur cette dernière, elle me conseilla d’éviter : déjà elle vivait trop loin, j’hochai la tête pour acquiescer : les relations à distance, très peu pour moi. Et deuxio, et là je me pus m’empêcher de lever les yeux au ciel avec néanmoins un sourire amusé aux lèvres devant sa détermination, Elia me rappela que sa cousine était beaucoup mieux. Le sujet Aby étant désormais lancé, j’eus le droit à une question pour savoir si j’avais revu la jeune femme. « Elle était à NY tout début juillet. Mais on doit se voir la semaine prochaine… » Enfin, sentant que cet aveu allait être surement interprété d’une manière différente pour ma meilleure amie, je préférais ajouter aussitôt : « J’aime beaucoup ta cousine tu le sais, on s’entend bien, on rigole, on est amis quoi… » Parce qu’Elia risquait déjà de nous imaginer mariés deux enfants si je ne clarifiais pas les choses.  Bref la partie commença, après qu’Elia ait immortalisé ma connerie avec la boule de bowling, je me lançai et réussis à toucher 4 quilles. « Chance du débutant ? Fais pas ta mauvaise joueuse… » Je lui tirai la langue, saisis une deuxième boule et m’avançai jusque vers la piste lorsqu’Elia me pondit une théorie sur la couleur du ciel. Je me retournai vers elle : « T’essaies de me déconcentrer là c’est ça ? Mais j’avoue qu’un ciel couleur arc en ciel, ça serait sympa, surtout pour la gay pride quoi. » rigolai-je avant de tirer finalement en espérant toucher l’une des 6 quilles restantes.