Night meeting • JAEY

« Jasp' rejoins moi vers l'entrée du camping dans cinq minutes stp... Il faut vraiment que je te parle de quelque chose... » SMS envoyé, je renfile rapidement une robe. Fraichement rentrée du Lac Havasu avec Priam, j'ai besoin de me confier à quelqu'un et l'ancien président dunster est celui à qui j'ai envie de parler... C'est bizarre mais c'est comme ça et j'ai bien du mal à l'assumer, sauf que quand il est impossible de fermer l'oeil de la nuit, il faut faire quelque chose. Alors oui en robe parce qu'il fait super chaud même à trois heures du matin, je traverse le camping pour rejoindre l'accueil en espérant que Jasper va venir.

SMS à trois heures du matin. Jasper n'est pas endormi, de toute façon. Il est toujours dehors, à discuter dans un coin avec un groupe de campeurs. Il a du mal à trouver le sommeil, à retrouver son lit, son chalet vide. Il a du mal avec le quotidien, en vérité. Alors fait tout pour ne pas y retourner. L'alcool est toujours présent dans ses veines, mais à dose homéopathique. N'hésite pas bien longtemps, la curiosité est plus forte que le reste de colère. Une fois à l’accueil, repère vite son amie. « Tu sais que ça fait flipper ce genre de sms ? » On s'fait pleins d'idées, avec ce genre de sms. C'est pas cool pour son esprit parano.

J'attends Jasper qui n'arrivera peut être pas, soit parce qu'il n'en a pas envie, soit parce qu'il dort, soit parce qu'il est occupé ailleurs et ne voit pas son téléphone. Je regrette un instant d'avoir envoyé le message, de me sentir prête de lui envoyer à lui alors que je n'en parle pas avec Priam alors que je sais tout ça depuis une petite semaine maintenant... Mais alors que j'allais faire demi tour et lui renvoyer un sms pour lui dire que ce n'est pas la peine, il finit par arriver, plutôt paniqué. « Ce genre de message fait flipper alors imagine quand on flippe parce que y'a vraiment de quoi flipper....» Il est trois heures du matin, les perches ne sont peut être pas le meilleur moyen pour l'amener sur la piste de ce que je veux lui dire mais il m'est impossible de lui dire de but en blanc, d'un coup.

Il est plutôt optimiste dans son genre, le Jasper, sauf que les événements font qu'il commence à avoir la paranoïa facile. Tout part en vrille à Harvard, ça devient une habitude. Quand tu t'habitues à une routine agréable, une vague te surprend en pleine gueule, histoire de te faire boire la tasse. « Ce genre de message fait flipper alors imagine quand on flippe parce que y'a vraiment de quoi flipper....» J'ai pas pardonné, mais le temps fait que c'est moins douloureux, y a quasi plus de colère. Assez dissipé pour que l'inquiétude passe au dessus. « Il est trois heures de matin, tu me perds avec tes énigmes. » Qu'il répond avec un léger sourire en coin. « Qu'est-ce qui se passe ? » Que j'arrête de me faire des films.

« Je suis en rechute Jasp... » Les mots ont dépassé ma pensée, je n'ai clairement pas voulu lui dire si vite et si directement mais au moins il le sait, il sait que je suis en rechute. Il ne sait pas encore qu'il est le premier et le seul à savoir pour la rechute mais il sait. Je sens comme si j'étais plus légère, comme si j'avais laissé un poids tomber de mes épaules. Je suis soulagée de l'avoir dit à Jasper et comme si c'était iréel, comme si je n'y croyais pas, je répète quelques mots. « Je rechute... La leucémie revient... Je l'ai appris avant qu'on parte pour le summer camp... Je... Je ne savais pas à qui le dire... » Je n'ai pas les larmes aux yeux, je n'ai pas peur, pas là maintenant, enfin si finalement je sens la panique me gagner mais je veux faire bonne figure.

« Je suis en rechute Jasp... » Voilà qui mets fin à l'ambiance vacancière. Attends un « mais », une suite qui adoucisse l'information. Rien.  « Je rechute... La leucémie revient... Je l'ai appris avant qu'on parte pour le summer camp... Je... Je ne savais pas à qui le dire... » Le premier ou le dernier Jasper, toujours. Cette fois, va pas falloir continuer dans cette lignée de répliques foireuses, de rancune mal placée. Tu sens la responsabilité te couper le souffle, t'enserrer le cœur ? Ses bras savent se faire protecteurs, doux, et serrent la frêle contre son être. On va pas lui balancer des conneries comme des « je suis désolé » qui ne servent à rien. « Tu l'as battu une fois, tu peux le faire une seconde. » Sauf que cette fois, je serais dans les parages. « On va pas la laisser faire cette salope de leucémie, d'accord ? » Qu'il souffle, revanchard, en s'écartant légèrement d'elle, pour croiser son regard de ses billes claires. Promis que je t'abandonne pas.

« J'étais jeune, insouciante et je n'avais plus rien à perdre la première fois Jasp... » Je l'avais sorti de ma vie en apprenant la maladie alors je ne pouvais pas perdre plus que l'homme que j'aimais, que celui qui faisait battre mon coeur et embellissait mes journées. « Aujourd'hui je suis terrifiée et la greffe sera surement la seule chose qui pourra me sauver la vie... J'ai repoussé le début du traitement au mois de septembre pour pouvoir en profiter cet été... » J'ai envie de lui dire tout cela, qu'il me dise que j'ai bien fait ou alors qu'il m'engueule, qu'il me secoue, qu'il m'aide qu'il me dise quoi faire. Il a une lourde responsabilité sur ses épaules en fait.« T'es vraiment le seul à le savoir... » Priam ne sait rien, mes yeux l'implorent de ne rien dire...

« J'étais jeune, insouciante et je n'avais plus rien à perdre la première fois Jasp... »C'est ce que tu croyais, que t'avais rien à perdre. Mais c'est faux. Y a toujours quelque-chose à perdre, des gens à blesser. Des gens qui vont pleurer sur ta boite en bois. Mais oui, la vie est plus belle quand tu permets aux autres d'en faire partie. « Aujourd'hui je suis terrifiée et la greffe sera surement la seule chose qui pourra me sauver la vie... J'ai repoussé le début du traitement au mois de septembre pour pouvoir en profiter cet été... » Se mord l'intérieur de la joue. Il est censé lui dire quoi, le Jasper ? L'engueuler d'avoir repoussé pour un moment de pause, ou comprendre qu'on puisse s'accorder du bonheur avant la douleur ? Va falloir arrêter d'être un con égoïste et trop têtu, garçon. « T'es vraiment le seul à le savoir... » Ouvre la bouche, pour râler. Mais t'as pas vraiment le droit. « D'accord. Mais t'en profite en faisant attention à toi d'accord ? Et si tu sens une faiblesse, c'est direct hôpital. » Si tu crois qu'il y a moyen de négocier, regarde son regard bleuté qui se grise. « Si tu veux que j'reste le seul à savoir pour l'instant, que j'prévienne pas tous tes proches.. tu me caches rien. Tu me dis quand ça va, et surtout quand ça va pas. » Redresse le visage féminin, en plongeant sa main dans sa nuque, le pouce remontant son menton.

« Je fais attention promis... » Enfin encore fallait il réussir à définir ce que c'était que faire attention parce que tout le monde n'avait pas la même définition de ces quelques mots... Je ne savais pas vraiment où s'arrêtait le danger, c'est en le frôlant, en le testant qu'on le sait non ? « Par contre tu devras m'emmener à l'hôpital par la peau du cul... » Je toise son regard plus que sérieux et j'éclate de rire, c'est nerveux, j'en ai besoin vraiment. « T'as sérieusement envie de savoir tout ce que je fais à chaque fois que je respire et à chaque fois que j'avale une bouchée si ce n'est pas passé de travers ? » Mon regard se plante dans le sien parce qu'il fait relever mes yeux pour que je les plante dans les siens. Je finis par me rapprocher de lui, vraiment et me blottir dans ses bras, ses bras rassurant que je n'avais pas eu la première fois. « Je suis désolée de te faire subir ça Jasp... » Je suis sérieuse, vraiment, je ne voulais pas lui infliger ce poids et pourtant il est le seul à qui j'ai eu le courage de le dire.

« Je fais attention promis... » Avouons-le, Jasper ne la croit pas vraiment. Joey est une imprudente, et les limites ne sont jamais très claires. « Par contre tu devras m'emmener à l'hôpital par la peau du cul... » Le rire qui retentit fait du bien à la tristesse qui stagne à l'intérieur du garçon. « C'est pas vraiment un problème ça. » Avec grand plaisir même, que j'impose mes décisions. Que je prendrais soin de toi, contre ton gré s'il le faut. « T'as sérieusement envie de savoir tout ce que je fais à chaque fois que je respire et à chaque fois que j'avale une bouchée si ce n'est pas passé de travers ? » Dodeline un peu de la tête, comme l'air d'hésiter. « Peut-être pas.. tout. Mais je veux que tu me parles quand t'en ressens le besoin, quand t'as peur, quand t'as des doutes.. t'hésites pas. » J'veux pas forcément tout savoir de ta vie. Y a des trucs que j'suis pas encore capable d'entendre. Mais la prendre dans ses bras, ça il peut Jasper. « Je suis désolée de te faire subir ça Jasp... » La serre contre lui, tout en prenant une profonde inspiration. « T'excuses pas pour ça, jamais. Je suis heureux que tu l'ai fais. » Ca efface tout le reste. « T'as pas a traverser ça toute seule, encore une fois. »