Priape ☼ Les souvenirs reviennent...

J’étais rassuré, malgré mon manque de précaution pour lui annoncer le décés de mon aîné, elle ne m’en voulait pas. Ca avait été un peu brutal pour elle mais je ne l’avais pas fait volontairement, je pensais vraiment que Megara le savait. «Si tu n’étais pas au courant, ça signifie que tu n’as pas gardé contact avec Némésis non plus ? » Oui parce que ma cousine et elle avaient été très proches alors naïvement, je pensais que les deux jeunes femmes se parlaient toujours et que donc ma cousine lui avait fait part de cette perte dans notre famille. Ce soir, soirée grecque, alors j’avais commandé de la moussaka et mon amie fit de même. On trinqua ensuite et après une toute petite gorgée d’ouzo, Meg s’excusa en précisant qu’elle n’avait pas l’habitude avec l’alcool. « Et moi j’ai TROP l’habitude. » rigolai-je pour la détendre. « A nous deux on devrait trouver le juste équilibre. » fis-je avant de prendre à mon tour une gorgée d’apéritif anisé. La conversation reprit un tournant plus sérieux alors que la grecque m’interrogeait sur ce qui m’avait poussé à agir comme je l’avais fait dix auparavant. « J’étais pas bien à l’époque, dépressif et mal dans ma peau. Toi tu rayonnais le bonheur. J’imagine que c’était mieux pour toi. » Peut être que si je lui avais déclaré ma flamme à l’époque on serait mariés aujourd’hui, ou peut être que ça aurait mal fini, comme toutes mes aventures de l’époque. Avec des si, tout était possible.

Je poussais un petit soupir aux confessions de la jeune femme : son ex n’était vraiment pas un cadeau. J’avais jamais su ce qu’elle lui trouvait, et à présent qu’elle me confiait qu’il avait supprimé son répertoire pour l’empêcher de garder contact avec ses amis d’enfance, je le trouvais encore plus détestable. J’avais toujours été quelqu’un de jaloux et de possessif quand j’étais amoureux d’une femme, mais de là à prendre ainsi le contrôle de sa vie, jamais je n’aurais fait une telle chose. J'avais donc beaucoup de mal à comprendre le comportement du garçon. « Je vais te filer son numéro si tu veux. Ca serait dommage que vous vous perdiez complètement de vue. » fis-je en repensant à la belle amitié qui liait autrefois ma cousine et Megara. « Je ne me cache plus maintenant… » rétorquai-je en riant après ses paroles, saisissant ensuite mon verre pour en reprendre une gorgée. Mon interlocutrice me raconta ses aventures lorsqu’elle buvait un peu trop, je me mis à rire en imaginant la scène : « Ca pourrait être drôle ! » On évoqua notre passé commun, elle avec Héraclés, moi avec mes démons de l’époque. Elle revint alors sur ma situation actuelle, me demandant avec une inquiétude certaine si j’avais des soucis, devinant avec perspicacité que c’était en lien avec la fille dont je lui avais parlé… « Je ne pense pas que je devrais parler de –soucis- Le mot n’est pas adéquat. » Jamais je ne voulais que mon enfant ait le sentiment d’avoir été un problème pour nous, que ce soit pour moi ou pour Talya. « Disons plutôt que c’est un imprévu, une sorte de surprise… » commençai-je à expliquer avant de lâcher la bombe : « Je vais être papa Meg. Talya est enceinte. »  

« De rien c’est normal. » Puis j’étais sûr que Ném serait heureuse d’avoir des nouvelles de son ancienne meilleure amie. C’était toujours triste de perdre contact avec des gens qu’on apprécie seulement à cause de la distance et du temps qui passe. Elles allaient pouvoir se retrouver et rattraper tout ça. Mon interlocutrice me fit ensuite rire en évoquant avec humour ces déboires sous l’effet de l’alcool. Je ne connaissais pas cette version de Megara. En Grèce, à l’époque, c’était une jeune femme plutôt sérieuse et sage, mais il y avait eu de l’eau à couler sous les ponts et on avait du tous les deux bien changer. D’ailleurs, quand elle m’interrogea sur mes –soucis- du moment, je sentis qu’il était temps de lui parler d’un des changements majeurs qui allait bientôt s’opérer dans ma vie : l’arrivée de mon fils ou de ma fille. Je lui annonçais donc que Talya, mon ex petite amie, était enceinte. Mon ancienne amie resta plusieurs minutes sans voix. Peut être n’aurais-je pas du révéler l’information comme ça, de but en blanc. En même temps, je ne me voyais pas tourner autour du pot éternellement et j’aimais bien l’idée que la jeune femme, que j’avais tant voulu impressionner par le passé, me voit désormais comme quelqu’un de posé et d’assagi, un père de famille prêt à assumer ses responsabilités. C’était ce que j’aspirais à être dans tous les cas. Elle me fit finalement part de sa surprise. « Et oui, j’suis un homme nouveau… » acquiesçai-je avec un sourire. Elle était contente pour moi, mais nuança les choses en ajoutant que notre histoire paraissait compliquée. « T'as pas idée...» soupirai-je. «Je crois que ça sera plus simple quand le bébé sera là… » Ca serait lui le centre de toute notre attention, alors peut être que Talya et moi allions moins prêter attention aux ragots que rapporterait CS, aux regards que nous jetteraient les autres ou encore aux propres rancoeurs et regrets que l’on nourrissait l’un à l’encontre de l’autre. Ou bien, peut être que ça allait être encore pire. Seul l’avenir nous le dirait… J’hochai la tête lorsqu’elle se proposa de m’aider à l’occasion avec mon futur enfant, et puis le serveur déposa nos plats. Une fois que le garçon s’était éloigné, je repris : « Bon appétit ! » Puis après avoir goûté la moussaka, délicieuse par ailleurs, je me risquais à demander à la jeune femme : « Et toi t’as jamais eu envie de fonder une famille ? »

La moussaka était délicieuse, mais Meg n'eut pas le temps de bien y goûter à cause de moi. « Excuse moi je ne voulais pas te mettre mal à l’aise… » fis-je en observant la réaction de mon amie, c’est à dire son geste maladroit qui entraina la chute d’un morceau de son repas sur sa tenue. Je n’avais pas voulu me montrer indiscret, c’était juste pour savoir si cela avait fait parti de ses projets. D’ailleurs, elle finit par me confier timidement qu’elle y avait songé avec Héraclés. Mais après leur séparation, elle avait vite sombré dans une vie sans sortie et sans amusement. Je lui jetais un regard désolé. J’étais un peu attristé d’entendre cela car Meg était quelqu’un de bien, une fille pleine de vie et drôle dans mes souvenirs, alors la voir devenir un ermite qui ne sortait pas de chez elle, je trouvais que c’était du gâchis. « Tu devrais essayer de t’inscrire sur internet sinon. Tu rencontras peut être le grand amour sans sortir de chez toi… » essayai-je de relativiser. « Tu devrais pas laisser une séparation ruiner toutes les aspirations que tu avais pour le futur. » Renoncer à rencontrer l’homme de sa vie, fonder une famille… C’était dommage. Maintenant que j’allais être père, je prenais conscience que devenir parent était une expérience exceptionnelle et inégalable.

« Cinq sites de rencontres ? Carrément ? » m’étonnai-je impressionné. « Je me suis jamais inscrit sur ce genre de truc. Ca doit faire bizarre non ? » Parler à un inconnu, essayer de se découvrir sans savoir à quoi l’on pouvait ressembler, juste en échangeant des messages. D’ailleurs Meg me confia que c’était une fois en face à face que les choses dégénéraient. « Trop vieille je pense pas… En tout cas, j’suis sûr que plus d’un jeunot aimerait avoir à faire à une cougar dans ton genre. » la taquinai-je avec un petit rire. « Pour le côté maladroit bah… » Et là j’explosais carrément de rire en la voyant rougir et regarder la tâche sur sa robe. Je ne voulais pas me moquer, c’était juste que c’était amusant. D’autant plus que ce n’était pas le souvenir que j’avais de la demoiselle lors de notre jeunesse en Grèce. Peut être parce qu’à l’époque, j’étais un peu aveuglé par mon admiration pour elle. Je me rattrapais néanmoins, je ne voulais pas qu’elle pense que je me foutais d’elle : « Ca a son charme tu sais. Et puis au moins on ne s’ennuie pas avec toi comme ça. »