Mahée & Mira || Little talk

La jeunesse insouciante de Cambridge voulant évacuer le stress des examens de fin d'année sur une piste de danse. Les lumières tamisées d'une boîte de nuit, la musique sortant des baffes placées à chaque extrémité de la pièce. Le corps des étudiants d'Harvard dansant collé serré. On peut déjà deviner ceux qui termineront leurs soirées ensemble et ceux qui rentreront seuls. Au bar également, l'ambiance est présente. Les cocktails et les différents alcools coulent à flots. Et lorsque les barmaids n'ont plus de clients à servir, ils peuvent à leur tour profiter de la soirée. Je ferme les yeux, l'espace d'une seconde, imaginant la soirée que je pourrai passer, si je travaillais au people Republik. Lorsque je les rouvre, je me retrouve dans une salle, un bar plus précisément. Vide ou quasiment vide. Un client, posté au coin du pub, regardant par la fenêtre. Une femme d'un certain âge, n'ayant pas vu le temps passer, le regard plongé dans son roman à l'eau de rose. Une légère musique, sortant du jukebox posé dans un coin de la salle, donne une petite ambiance cosy au pub. Pour une fois , les écrans de télévision sont éteints, du moins pour l'instant. Il est encore assez tôt, je ne sais pas si le monde affluera ce soir. C'est toujours aléatoire le vendredi ; parfois les étudiants viennent boire un verre avant d'aller s'amuser dans les clubs, ou ce sont les hommes d'affaires, venant célébré de manière simple la signature d'un nouveau contrat.  Et d'autres fois, c'est tout le quartier qui se déplace pour voir la finale de je ne sais quel sport. Pour le moment tout est calme. Placé derrière le comptoir, mes fesses posées sur le plan de travail derrière moi, je profite que le bar soit encore calme. Mes yeux rivés sur mon écran de téléphone, je navigue entre Candy Crush et les messages que je reçois de Wolf, ayant un sourire un peu plus grand à chaque fois que je sens mon téléphone vibrer, m'indiquant qu'il m'a répondu. Une voix vint me sortir de ma torpeur, me faisant légèrement sursauter, alors que je relève les yeux vers la jeune femme devant moi. Je lui adresse un sourire désolé, avant de me lever et de reposer mes pieds au sol. « désolé, je ne vous avais pas vue.  » Je pose mon téléphone à côté de moi avant de m'accroupir pour attraper une bouteille d'eau dans le mini frigo sous le comptoir, la posant ensuite devant elle. «  Vous êtes sûr que vous ne voulez pas autre chose, je sais faire de super cocktails ». dis-je en souriant avant de récupérer mon téléphone où je constate que j'ai un nouveau message. 

C'était étrange cette atmosphère, différente de celle des boîtes de nuit. L'ambiance ici, c'était, la plupart du temps, une ambiance amicale, festif, sans pour autant trop l'être. C'est un bar, qu'on peut qualifier de simple, assez familiale, et surtout sportif. Les écrans plats présents dans les différents coins de la salle, permettant à chaque table d'avoir une bonne vue pour regarder, diffuser principalement les matchs de sport. Et quand ce n'était pas un match, c'était un reportage sur telle ou telle équipe du coin. Parfois, j'aimerai biens prendre la télécommande, changer de chaîne, zapper, trouver une chaîne musicale et me laisser emporter par la douce mélodie sortant de la télévision. Mais pour cela, je devais me contenter du vieux jukebox où il m'était impossible d'y introduire ma clé USB. Je devais me contenter des disques se trouvant à l'intérieur. Parfois j'arrivai à capter une radio, mais rien de bien fantastique. Dans ces moments-là, où les clients se font rare, les soirées sont longues, parfois même très longues. Et mon téléphone, surtout les messages que j'envoie avec Wolf, il me permet de faire passer le temps un peu plus vite, à rendre cette soirée un peu plus supportable et moins ennuyeuse . Mais une cliente vint me sortir de ma rêverie en me commandant de l'eau . Sans me poser plus de questions, j’attrapai une bouteille d'eau et la déposai devant elle, faisant une légère grimace lorsqu'elle refusa ma proposition. "  Sûr ? Tu veux vraiment pas un cocktail . Ça fait une éternité que j'en ai pas fait ! » dis-je en soupirant légèrement. Être barmaid, ce n'est pas seulement servir des verres de whisky, de vodka et des cafés. C'est également un travail d'invention, savoir mélanger les saveurs des différents alcools, avec divers sirops de fruits ou de légumes. Mais cette partie-là du métier, depuis le départ de Thomas, mon testeur de cocktail, je ne l'exploitais plus vraiment. Ça me manquait je devais le reconnaître. Et lorsqu'un énième client me commande un whisky alors que je suis capable de faire bien mieux, ça me désole vraiment, de ne pas pouvoir faire profiter du savoir que je me suis entêté à vouloir apprendre... pour rien. Avec une moue boudeuse je ramasse l'argent posé devant elle avant d'aller les mettre dans la caisse enregistreuse avant de revenir vers elle et de constater que j'ai un nouveau message. Un léger sourire s'installe sur mes lèvres, mais je ne lis pas le message, préférant fourré mon téléphone dans la poche arrière de mon jean. «  non ça peut attendre. » par politesse pour la jeune femme. Une barmaid sur son téléphone, ne s'occupant pas des clients, c'est très mauvais pour la réputation. «  tu es nouvelle ? » demandai-je. Son visage ne m'était pas familier, du moins ce devait être la première fois qu'elle mettait les pieds au Bukowski Tavern. Raison de plus pour faire une bonne impression.

Parfois, je m’interroge pour savoir pourquoi j'ai postulé dans ce bar. Ce bar fréquenté principalement par la gente masculine, ne s'intéressant qu'au football et ne buvant que de la bière. Il existe d'autres bars à Cambridge : le Lord Hobo, par exemple, où des petits restaurants où je n'aurais été que serveuse. Non je ne sais vraiment pas pourquoi c'est ce bar que j'ai choisi. J'avais besoin d'un boulot, un boulot pour pouvoir me sentir indépendante, pour ne pas être au crochet de ma mère et de son mari. Pour ne pas profiter de la culpabilité que pouvait ressentir ma mère, parce qu'elle ne m'avait pas élevé. Elle avait insisté pour me payer les frais de scolarité de l'université, mais je ne pouvais pas accepter le fait qu'elle me paye mon loyer, mes loisirs, et tout ce qui allait avec. Et ce job de barmaid, était la première idée qui m'était venu à l'esprit. Ce job, il était différent de celui que je m'étais imaginée . Mieux ou pire ? Je ne sais pas trop, simplement différent. « le moins cher à a 4 $ » dis-je avec une petite grimace « enfin c'est que 2 dollars de plus ... » un petit sourire vint se dessiner sur mes lèvres. Mon but n'est pas de la forcer à consommer, pour remplir la caisse. Non, je veux seulement servir à quelque chose , servir un cocktail que les clients ne sont pas capables de réaliser seuls. Je pousse un léger soupire ne souhaitant pas non plus trop insister auprès d'elle. « t'es venue toute seule ? » la curiosité, un vilain défaut je sais, mais c'est mon défaut à moi et je l'aime bien . Je me r installe sur le plan de travail derrière moi, sortant par la même occasion mon téléphone de ma poche pour éviter de l'écraser avec mes fesses. J'en profite pour regarder rapidement le message de mon petit ami avant de le reposer, toujours avec le sourire aux lèvres.

Mon but n'était pas de lui faire dépenser de l'argent, bien au contraire. Je savais ce que c'était de compter tes sous, peut-être pas aux centimes près ; mais je n'avais jamais été riche. Je n'avais jamais été ce genre de fille que l'on peut croiser dans les couloirs d'Harvard prête à jeter l'argent par les fenêtres. Mais ce n'est pas pour autant que je n'aime pas le luxe. Lorsque je fais un bon mois, au niveau des pourboires, je ne me faisais pas prier pour les dépenser, que ce soit dans des activités, des chaussures ou des vêtements. Je devais être une sorte d'accro aux shoppings dès que j'avais de l'argent sur mon compte. J'avais du mal à faire des économies en fait. J'avais bien une petite enveloppe d'argent au cas où j'aurais un petit problème avec ma voiture. Mais si elle me lâche demain, je serai bien dans la merde. Alors je ne pouvais que la comprendre, mais elle accepta malgré tout de boire un cocktail. Je lui adresse un grand sourire, tandis que je m'attelle à la tâche de lui en servir un, tout en continuant ma discussion avec elle. « Moi aussi je connaissais personne quand j'ai débarqué ici ! » dis-je en lui souriant tout en prenant une bouteille de rhum, versant ce dernier dans le shaker avant de rajouter quelques autres ingrédients . «  tu viens d'où ? » un autre État, ou même un autre pays. Harvard reste la meilleure université des États-Unis, ça donne envie à beaucoup d'étudiants de venir y jeter un coup d'oeil et de tenter d'y décrocher son diplôme, même des personnes venant d'un autre pays. «  Après tu rencontreras du monde, avec les cours, les fêtes et tout ça... » Personnellement je rencontrai beaucoup de monde par rapport à ce boulot,. J'avais rencontré Wolf ici par exemple. Je finis son cocktail avant de le déposer devant elle sans oublier la petite ombrelle.. «  Et voilà,  c'est un cocktail zombie ! » dis-je en riant , n'ayant jamais compris pourquoi ce nom.  Un zombie, c'est fort, c'est mort , c'est gris, c'est tout le contraire de ce cocktail à base de rhum, de couleur rouge orangée.

J'écoute la jeune fille devant me dire d'où elle vient : Le Brésil, un des pays de l'Amérique du Sud . Je n'y avais jamais été. A vrai dire je n'avais jamais bougé du sol Américain avant de venir à Harvard. J'avais vogué, conduit à travers tout le pays des États-Unis, traversant divers États, allant vivre dans le Kentucky, en Californie, dans l'Ohio avant de venir ici dans le Massachusetts. J'avais aussi emprunté la célèbre route 66 lorsque j'étais parti de chez mon père. J'en avais fait des kilomètres en voiture. Mais je n'avais jamais quitté les frontières sauf avec la Quincy House où l'on faisait quelques voyages humanitaires nous menant dans les pays les plus pauvres, ayant besoin d'aide. Et parfois ces petits, peu connu, regorgeait de paysages fantastiques et totalement inconnus de la population . «  ça doit être beau là-bas... et chaud ! » dis-je avec un sourire. La chaleur, le soleil, c'est ce qui manquait ici, selon moi. Je n'étais resté que 3 ans en Californie, mais je m'étais très rapidement habitué à aller sur la plage dès que j'avais un moment de libre, à aller surfer, quand ça n’allait pas, je n'avais qu'à monter sur mon toit, m'y allonger et laisser le soleil doré ma peau La Californie, c'était un peu petit coin de paradis où j 'ai vraiment passé de superbe année si on oubliait mon père «  C'est vrai qu'il n'y a pas mal de filles et fils à papa ici se croyant supérieur, mais ils ne sont pas si terribles que ça » dis-je en haussant les épaules . «  après ce n'est pas parce que certaines personnes sont riches, qu'ils se croient forcément supérieurs... » Je lui adresse un sourire avant d'ajouter. « Mon copain est le fils d'un politicien de Nouvelle-Zélande et... il en a pas du tout l'allure » dis-je en riant. C'est sûr que le corps couvert de tatouages avec des piercings ça ne fait pas très classique et politique. Je la remercie pour le cocktail avant de me r installer derrière le comptoir et de reprendre mon téléphone.