What are you doing ? (Pando)

« Je suis une baroudeuse, j’avance, je me perds, je demande à l’aide… » expliquai-je avec autodérision. Oui, j’étais plutôt une apprentie baroudeuse, je ne ferais pas long feu à Koh Lanta. La question qui s’échappa ensuite des lèvres fit aussitôt s’effacer mon sourire, comme bien souvent quand on évoquait le sujet de mon père, ou plus généralement de mes parents. « Mon père est décédé avant ma naissance… » Ou plus précisément le jour de ma naissance, donc en gros par ma faute… « Je l’ai jamais connu… » fis-je en baissant les yeux. Je ne voulais pas plomber l’ambiance avec mes états d’âme alors je renchéris aussitôt. « Tu sais vraiment te servir de ça ? » fis-je en désignant sa boussole avec un petit air impressionné. « C’est clairement le genre d’objet qui m’aurait fallu au Pérou. » Heureusement, là bas, je ne m’étais pas lancée dans des treks seule, c’était toujours en groupe avec un guide professionnel pour nous ouvrir le chemin.

Judith continuai à rire d'elle même et de son sens de l'observation qu'elle jugeait très mauvais. J'appréciais beaucoup cette nouvelle rencontre car la demoiselle qui m'accompagnait désormais avait toujours le sourire aux lèvres. S'il y avait bien un truc qui pouvait m'énerver, c'était les gens râleurs ; ceux qui se morfondaient sur les événements de la vie, accusant le destin de les avoir trop pris pour cible. Alors que je commençais à questionner Judith sur sa famille, celle ci sembla se renfermer sur elle même telle un coquillage que l'on tente d'ouvrir de force. Elle me parla de son père, qu'elle n'avait apparemment pas connu puisqu'il était décédé avant sa naissance. Alors que je ne savais plus quoi dire, elle renchérit en me demandant si je savais vraiment me servir de la boussole que je tenais en main. " Eh bien... tu vois l'aiguille rouge là... elle indique le nord, enfin plutôt le pôle nord. Et en gros tu dois faire coïncider le nord de la boussole avec celui de la carte. Tu vois ce que je veux dire ? " demandais je alors. Je ne savais pas si j'avais réussie à être claire mais j'avais quand même essayé. " Au pérou ? " demandais je alors quand je repensais à sa dernière phrase. " Tu peux me raconter un peu comment c'était ? ". Nous n'avons jamais été riches dans ma famille et les vacances étaient plutôt rares. Nous arrivions à la plage et je posais mes fesses dans le sable, m’apprêtant à l'écouter parler de ce pays que je rêvais de visiter.

Après la question sur mon père, et ma réponse assez rapide sur son décès, je n’avais pas envie de m’étendre sur le sujet, je sentis un froid s’installer et je rompis vite le silence pour ne pas que mon interlocutrice se sente gênée et pour diriger la conversation sur la boussole. Cet objet m’intriguait vraiment. Je me penchais vers Panda alors qu’elle m’expliquait le fonctionnement de l’engin. « Oui je vois bien… Mais en gros, faut savoir se repérer sur la carte sinon on est fichu quoi ! » répondis-je avec un petit rire, ayant retrouvé ma bonne humeur. Elle me demanda alors de lui raconter le Pérou. Je m’assis à côté d’elle sur le sable. « Oh je pourrais en parler pendant des heures. J’ai vraiment adoré ce voyage. La culture inca est formidable. Et si tu aimes les randos, tu as une tonne de trek merveilleux à faire. » Elle maniait la boussole et la carte comme une chef alors je me disais qu’elle devait surement aimer les randonnées. « Et puis j’étais bénévole sur un chantier de fouille c’était vraiment sympa. J’ai juste pas trop aimé l’Amazonie, parce que je déteste les insectes mais je crois que les moustiques, eux, ils m’adorent. » plaisantai-je alors avant de lui demander : « Et toi ? Y’a une destination qui te fait rêver ? Enfin à part la nouvelle zélande. » On était quand même drôlement chanceuses d’être ici. Rien que cette plage était magnifique.

Alors que mes explications sur la carte et la boussole fusaient, Judith semblait très intéressée. J'avais même quasiment du mal à y voir encore quelque chose tellement sa tête cachait la carte. « Oui je vois bien… Mais en gros, faut savoir se repérer sur la carte sinon on est fichu quoi ! » répliqua t'elle. Même si la boussole n'était pas le sujet le plus passionnant que j'aimais expliquer, le fait que mon amie soit absorbée par mes propos me réjouissais.  " C'est ça, tu vois que tu n'es pas si mauvaise en orientation " dis je, le sourire aux lèvres. Le sable me chatouillait les cuisses et le soleil était encore haut dans le ciel. Elle se posa aussi sur la plage et commença à me raconter le voyage où elle était allée quelques temps plus tôt. Elle avait des étoiles dans les yeux alors qu'elle énumérait toutes les choses à faire au Pérou. Elle avait aussi vu l'Amazonie et n'avait pas autant apprécié à cause des insectes. Sa petite plaisanterie sur les moustiques eut le don de me faire rire. " Je vois ce que tu veux dire, je dois t'avouer que j'ai aussi toujours détesté les insectes. Pour autant j'aime pas les tuer tu vois mais rien qu'une mouche ça me fait bondir de mon lit. " avouais je, les sourcils froncés de dégoût. « Et toi ? Y’a une destination qui te fait rêver ? Enfin à part la nouvelle zélande. » Je réfléchissais et finissais par me rappeler que j'avais très peu voyagé et que tous le monde entier me donnait envie. " En fait.... je n'ai pas de préférence, j'ai envie de tout voir puisque je ne connais quasiment rien. Mais si je devais choisir une destination, je prendrai le Japon, ce pays m'a toujours attiré. Et le Pérou tiens, je me doute que ton voyage a du être super ! "

« J’ai une bonne prof en fait c’est pour ça. » complimentai-je Panda alors qu’elle-même essayait d’atténuer ma nullité en la matière. Et après ce petit débrif sur l’utilisation de la boussole, on s’installa toutes les deux sur la plage, parlant de mes aventures péruviennes. On partageait Pandora et moi le dégoût des insectes. Je ris à sa remarque sur les mouches et j’en rajoutais moi-même une couche : « Les mouches c’est tellement dégueulasse. Quand j’en vois une qui essaie de se poser sur moi je me dis qu’avant elle a peut-être été traîner sur des ordures et ça me répugne ! » J’étais pas une petite précieuse pourtant, mais j’avais des petites manies, l’hygiène c’était tellement important pour moi. Les envies d’ailleurs de la jeune femme, je les comprenais très bien. Le monde était tellement beau, j’étais persuadé que j’aurais jamais assez de toute une vie pour le découvrir aussi bien que je le souhaiterais… Je l’écoutais donc me parler de ses goûts, de son désir de se rendre un jour au Japon, hochant la tête pour marquer mon accord à sa dernière remarque sur le Pérou. Voyage super, en effet. « Tu sais déjà où les quincys prévoient de partir au deuxième semestre d’ailleurs ? »

La jeune fille complimenta mon talent pour l'orientation et en rajouta encore une couche à propos des mouches qu'elle ne portait elle aussi pas dans son cœur. Elle parlait sans retenue et semblait heureuse d'être en ma compagnie. Nos petites confessions sur les voyages fait et à faire fit penser à Judith que les Quincy organisait un nouveau voyage. " J'en ai entendu vaguement parler en fait.... Est ce que tu pourrais m'en dire un peu plus ? Parce que j'aimerai être sure de pouvoir acheter tous les bouquins possibles sur le pays en question tu vois " lâchais je, le sourire aux lèvres alors que je m'imaginais les pieds en éventail. " Mais dis moi, ce serait un voyage caritatif ou normal ? " Maintenant que j'y pensais, ce départ ne serait peut être pas l'occasion de se reposer mais d'aider les gens qui en avaient le plus besoin.

« Bah en fait, j’en sais pas beaucoup plus que toi sur la destination… » Je venais juste d’intégrer la confrérie alors j’étais encore un peu larguée en ce qui concernait les projets des oranges. « J’imagine que ça sera un voyage à but caritatif mais surement avec des moments de détente pour les étudiants, histoire d’allier l’utile à l’agréable… Enfin j’en ai aucune idée, ce ne sont que des suppositions.» Je m'imaginais les choses comme ça simplement. «Tu es chez les quincys depuis longtemps au fait ? Et tu te plais là bas ? » J’avais quelques appréhensions quand même, même si les oranges étaient réputés accueillants et sympas, j’avais peur de ne pas trouver ma place parmi eux, même si mon premier contact avec Panda se passait plutôt bien pour le moment.

Je soupirais lorsque Judith m'avoua qu'elle n'en savais pas plus que moi sur le genre de voyage que les Quincy avaient organisés. D'un côté je ne pouvais pas lui en vouloir étant donné qu'elle n'avait intégré notre maison que depuis peu de temps. Selon ses hypothèses, le voyage serait surement fait pour lier l'utile à l'agréable, ce que je trouvais plutôt logique. " Je pense que tu as raison, je verrais mal un quincy se dorer la pilule avec les pieds en éventail sans aider quelques heures par ci par là. N'est ce pas ?  " plaisantais je. Alors que nous discutions du voyage qui se profilait devant nous, Judith sembla soudain plus anxieuse.  «Tu es chez les quincys depuis longtemps au fait ? Et tu te plais là bas ? »  me demanda t'elle. Ces questions me firent échos puisque je m'étais posée les mêmes en intégrant ma fraternité. Malgré mes appréhensions, je n'avais jamais regretté mon choix et ne pensais quitter cette maison pour rien au monde. " En fait j'y suis depuis mon arrivée à Harvard, aucune autre maison me correspondait et celle ci paraissait être composée des gens les plus sympas du campus. Enfin bref, j'ai l'impression que tu stresses à propos de ton statut de bizut, mais tu n'as rien à craindre. On est pas chez les mather " dis je en éclatant de rire.

« Ca ferait moyen en effet. » pouffai-je en imaginant la scène. Les Quincy avaient le cœur sur la main, ils donnaient de leur personne, de leur temps et tout cela sans se forcer, du moins c’était ma vision des choses. Mais j’avais peur de ne pas trouver ma place, de m’être trompée de confrérie… Panda était sympa alors je lui en demandais plus sur les oranges. Elle me rassura. « J’aurais pas tenu une semaine chez les verts. » ricanai-je en m’imaginant au milieu d’une soirée mather, réputées les plus folles du campus. « Je bois un verre et je suis pompette moi tu sais ! » confiai-je en riant.

Judith avait l'air de se détendre quand je parlais de mon expérience avec le bizutage et mon choix de maison. J'avais eu un coup de coeur pour les personnes qui composaient la Quincy et la plupart des autres maisons semblaient remplies par des tarés en tout genre, autant dire que mon choix n'avait pas été réellement difficile. « J’aurais pas tenu une semaine chez les verts. » plaisanta t'elle, ajoutant qu'elle était pompette quand elle buvait à peine un verre. Je pouffais de rire, l'imaginant à la dérive dans une soirée mather. " T'inquiète même si je tiens un peu plus que toi niveau alcool au bout de deux verres je chante aussi. Non et puis ils sont tous fous là bas à se droguer à tout va. A certaines soirées je vois circuler tellement d'aiguilles et de cachets qu'on se croirait à l’hôpital, sérieusement " dis je en riant encore de ce que je venais de dire. " Non sincèrement je pense que tu as fais le bon choix. " Je posais ma main sur son genou et le tapotais doucement histoire de la rassurer.