What are you doing ? (Pando)

Le spring break venait de commencer. On avait atterri la veille en Nouvelle-Zélande et j’avoue que le voyage m’avait complètement décalquée. J’avais passé mon temps à dormir, découvrant que le matelas de ma chambre d’hôtel était bien plus luxueux et confortable que tous ceux sur lesquels j’avais dormi dans les auberges péruviennes ces derniers mois. On se rendait pas vraiment compte de la chance qu’on avait tant qu’on avait pas exploré d’autres horizons. Bref, après une bonne nuit réparatrice, je m’étais levée de bonne heure pour aller explorer la ville dans laquelle nous logions. Le taxi m’avait lâchée dans le centre ville, mais après avoir flâné dans les rues pendant une bonne heure, il m’apparut évident que j’étais paumée. Je sortis le plan de Wellington que j’avais dans mon sac et que j’avais pris à la réception de l’hôtel avant de partir. Je le dépliai mais même après plusieurs minutes de déchiffrage les yeux plissés, je n’étais pas plus avancée : je n’avais aucune idée de l’endroit où je me trouvais ni de comment rentrer à l’hôtel. C’était peut être parce que je le tenais dans le mauvais sens, mais ça je m’en étais pas rendue compte. J’avais jamais su lire un plan… Heureusement, au moment où je relevais la tête de ma carte, une jeune femme dont le visage me parut familier me frôla. J’étais sûre de l’avoir vue dans l’avion pour le départ, elle devait participer au spring break. « Excuse-moi, tu séjournes au Rydges Hotel également ? » l’abordai-je alors, tenant toujours le plan à l’envers dans mes mains.

Nous étions enfin au Spring Break, une des périodes que je préférais  dans l'année. La voyage m'avait semblé durer toute une éternité mais le paysage que j’apercevais par la fenêtre du bus en valait le coup. Je m'étais levée de bonheur pour être sure de ne pas être dans les bouchons histoire de profiter un max de la ville. J'étais plutôt le genre de fille à aimer être naturelle mais j'avais vraiment un soucis avec les chaussures. En flannant un peu, j'espérais trouver une belle trouvaille à mon budget, chose qui s'avérait difficile depuis plusieurs mois. Mes parents m'avaient coupé les vivres et même si j'avais un petit boulot et un logement universitaire, il était parfois difficile de joindre les deux bouts en fin de mois. Le bus s'arrêta enfin à l'arrêt où je voulais sortir. Je levais le pied et m'engouffra dans une petite ruelle où se trouvaient pas mal de petites boutiques. Même si je ne connaissais pas cette ville, je savais très bien lire le plan que je gardais précieusement dans ma main gauche. Alors que je marchais le regard absorbé dans mon plan, une jeune fille m'interpella, me faisant lever les yeux de mon cheminement. Elle paraissait perdue et me demanda si je venais du Rydges Hotel. J'hochais la tête en guise de réponse. " Pourquoi tu t'es perdue ? Si jamais tu veux y retourner tu peux prendre le bus et descendre à l'arrêt Valdas et ensuite tu vas à gauche, à droite et encore à droite. Ou alors tu peux me suivre faire quelques emplettes "acheva t'elle.

L’étudiante que je pensais être une spring breakeuse confirma d’un hochement de tête et une expression soulagée se peignit aussitôt sur mon visage. « Ma sauveuse ! » fis-je avec un sourire ravi. « Je me suis perdue en effet… J’ai toujours eu un problème avec les plans... J’étais toujours la dernière de ma classe en courses d’orientation… » confessai-je avec une petite moue triste avant d’écouter avec attention les indications de ma boussole humaine. « Gauche, Droite puis droite… » répétai-je pour essayer de mémoriser la trajectoire avec un petit air confus. Ca avait l’air plutôt simple comme ça mais j’avoue que quand l’inconnue me proposa de la suivre pour quelques emplettes, j’avais bien envie d’accepter, au moins c’était l’assurance de ne plus se perdre et de bien retourner à l’hôtel ensuite. « Bah écoute je veux bien, mais ça te dérange pas de te trainer un boulet dans mon genre t’es sûre ? » Je voulais pas compromettre les plans de cette sympathique inconnue qui m’avait généreusement aidée. D’ailleurs histoire qu’on ne soit plus des inconnues justement, je me présentais : « Je suis Judith au fait. »

« Ma sauveuse ! » déclara t'elle, semblant soudain soulagée. Elle m'expliqua qu'elle ne s'en sortait pas avec ses cartes et qu'elle n'avait jamais été bonne en orientation. Je lui souris, me remémorant toutes les fois où j'avais gagné ces courses d'orientations organisées par le lycée. C'était le genre de trucs que j'adorais mais je pouvais concevoir qu'on ne soit pas tous de cet avis. Les hommes disaient souvent que les femmes n'avaient pas le sens de se repérer mais on ne pouvait pas dire que ça s'appliquait bien à moi. Alors que je lui expliquais la trajectoire à suivre pour rejoindre l'hôtel, son regard s'assombrit à nouveau, comme si elle ne comprenait pas un traître mot de ce que je pouvais dire. Elle finit par me répondre qu'elle souhaitait bien m'accompagner, me demandant tout de même si ça ne me gênerait pas de traîner un "boulet comme elle". Je soupirais qu'elle puisse penser ça et lui répondis : " Mais non ça me gène pas, je suis plutôt contente d'avoir de la compagnie, puis je m'en voudrais si tu finissais dans un ravin en essayant de trouver ton chemin " me moquais je. Elle se présenta comme étant Judith, un nom qui faisait mystérieusement écho à mon oreille. " Ah oui ? Tu ne serais pas de la Quincy House ? Une fille dans ma maison s'appelle comme ça je crois. Moi c'est Pandora alias Panda si tu veux. " Alors que je pensais auparavant qu'à mes chaussures, j'avais désormais envie d'une glace. Scrutant les alentours, je repérais une petite boutique qui en vendait. " Tu veux bien manger une ou deux boules de glace avec moi ? " demandais je.

L’étudiante me rassura, ça lui faisait plaisir que je l’accompagne, et elle me fit rire en parlant de la culpabilité qui l’accablerait si je venais à tomber dans un ravin. Elle était sympa et en plus drôle, j’avais eu de la chance de croiser son chemin. Et après m’être présentée, mon prénom dut lui sembler familier puisqu’elle me demanda alors si j’étais quincy. J’étais pas encore membre à part entière, puisque l’année passée j’avais été chez les dunsters, alors je n’avais pas encore enregistré ni les prénoms ni les têtes de mes camarades. J’hochais la tête positivement. « T’es bien une vraie quincy toi en tout cas, en faisant une bonne action et en sauvant une pauvre bizut comme moi d’une potentielle chute dans un ravin… » plaisantai-je avant d’ajouter : « Et bien enchantée de rencontré Panda, et encore merci. » J’étais contente de rencontrer au passage quelqu’un de ma confrérie. Mais mon sourire s’effaça un peu quand Pandora évoqua l’idée de manger des glaces… La nourriture et moi, c’était franchement compliqué. Alors, j’eus un petit sourire crispé tout en cherchant mentalement l’excuse la moins bizarre, je voulais pas passer pour une cinglée ou pour une fille stressée au régime… « Merci, mais j’ai pris un gros repas ce midi… » Si une assiette de crudités pouvait être considérée comme un gros repas… Enfin pour moi ça l’était donc ce n’était pas un mensonge en soit. « Mais vas-y, fais toi plaisir. »

Judith paraissait heureuse d'avoir croisé ma route et plaisanta en me disant que j'étais bien de la Quincy House pour la prendre sous mon aile. Peut être bien, mais dans tous les cas elle me donnait envie de l'aider ; elle avait le sourire et ne prenais pas sa situation du mauvais pied. Elle était donc de la même maison que moi et semblait enchanté de faire ma connaissance. Alors que j'étais descendu en ville pour me trouver simplement une nouvelle paire de chaussure, j'étais tombée sur cette jeune fille aux beaux cheveux roux et je devais avouer que j'étais contente de l'avoir croisée. Ces derniers jours mes petits soucis avec la nourriture allaient mieux, sans doute était ce à cause de l'ambiance vacances qui régnait en ce moment. Cependant, je m'étais creusée un petit fossé avec mes amis ces derniers mois pour éviter qu'ils ne remarquent ma perte de poids évidente. Le fait de porter un bikini ne me gênait pas tellement du moment que je restais dans l'eau, me permettant de masquer ma maigreur grandissante. Alors que je proposais à Judith de prendre une glace, cette dernière refusa à cause du fait qu'elle avait trop mangé. Je me dirigeais tout de même vers le marchand de glace et demandais une glace avec zéro pour cent de calories. Le mec me regarda avec de gros yeux et je compris que ce que je demandais n'existais tout simplement pas. Je fis la moue et revenais vers Judith " Bon et bien ce sera pour une autre fois. Tu souhaites aller où maintenant, boutiques, plage ou on rentre à l'hôtel ? " déclarais je, imperturbable.

J’espérais que mon excuse avait convaincu ma nouvelle connaissance. Je voulais pas que Panda me prenne déjà pour une tarée. Elle sembla croire mon excuse et elle se dirigea vers le marchant de glace. Je l’attendais sur le côté. Finalement elle revint bredouille vers moi. « Y’avait plus ton parfum préféré ? » demandai-je, intriguée que la jeune femme n’ait finalement pas de cornet en main. Ma sauveuse me demanda ensuite ce que je désirais faire. « Tu m’as pas dit que tu voulais faire du shopping ? Je t’accompagne si tu veux. Je veux pas pertuber tes plans, je te dois une reconnaissance éternelle en plus, oublie pas. » plaisantai-je en souriant. Je voulais pas contre carrer ses plans. Et puis le lèche vitrine, moi, ça m’allait très bien. « Alors dis moi ce que tu recherches : maillot de bain, tongs, sacs ? Je peux peut être t’aider à chercher. » J'allais me la jouer à la Cristina Cordula, conseillère de mode... Même si en fait j'y connaissais rien.

Voyant mon air déçu, ma nouvelle amie me demanda si le vendeur n'avait pas en stock mon parfum préféré. Alors que je ne savais pas comment expliquer mon retour bredouille, voilà que Judith me fournissait un alibi en béton. " C'est exactement ça ! " répliquais je du tac au tac, toujours le sourire aux lèvres. Elle avait l'air franchement embêtée d'avoir perturbé mon après midi shopping. Je lui souriais pour la détendre et répondis : " Ne t'inquiète pas y'aura un autre jour pour ça, j'aurais plutôt aimer poser un peu mes fesses à la plage, et puis on pourra faire connaissance comme ça. " Il fallait dire que faire des emplettes et parler de sa vie était une tâche difficile pour moi alors autant poser ses fesses à un endroit sympa. Elle avait même voulu m'aider à trouver quelque chose qui aurait pu me plaire mais mon choix était fait j'avais besoin de retrouver la mer.

« La plage ça me va parfaitement… » acquiesçai-je. Même si j’aimais bien le shopping, on était en NZ alors autant en profiter et garder le lèche vitrine pour Cambridge.  Puis faire connaissance avec la jeune femme était une très bonne idée. Je revenais de six mois au Pérou alors j’avais un peu coupé les ponts avec le monde étudiant, me remettre dans le bain en sympathisant avec les personnes de ma confrérie c’était tout ce qu’il me fallait. « Par contre, comme tu as pu le constater, j’ai pas de talent inné pour l’orientation alors je vais te laisser me guider à nouveau… » Même la plage j’étais pas sûre de parvenir à la trouver c’est pour dire.

Elle avait l'air d'accord de m'accompagner jusqu'à la plage pour poser nos fesses et faire connaissances. Malgré le fait qu'on ne se parle que depuis seulement quelques minutes, la conversation était vraiment facile entre nous, pas besoin de faux semblants même si je m'abstenais de lui parler de mes petits soucis avec la nourriture, après tout cela n'allait elle pas la faire fuir ? Elle était plutôt nerveuse au départ mais ça pouvait se comprendre vu qu'elle était perdue. Au fil des minutes de marche pour aller à la plage, je la voyais de plus en plus se détendre m'ayant prévenue à l'avance qu'elles ne pourraient pas nous guider vers la plage. Heureusement, j'avais une carte et une boussole, ce n'était donc pas trop difficile de nous orienter. " Mais dis moi, pourquoi tu pars toute seule dans une ville que tu ne connais pas si tu ne sais pas te repérer ? " lâchais je pour la taquiner. " Ton père ne t'a jamais appris à te servir d'une boussole ? " Durant quelques minutes, je me remémorais les souvenirs avec mon père lorsqu'il m'avait montré comment se repérer à l'aide d'un instrument de la sorte. Parfois, ces instants avaient le don de me manquer terriblement.