Appel Finn => Willow

Finn se mordit la lèvre. Crise d'angoisse, tu m'étonnes, avec tout ce qu'elle s'infligeait. Il n'avait pas envie de se retrouver dans une arène à lutter dans la boue contre Willow juste pour les beaux yeux de May. Il ne l'avait pas attendue pendant huit ans et recherchée activement pendant sept mois pour se faire traiter comme du gibier qu'on jette à la poubelle parce qu'une autre pièce est meilleure.

"Tu fais comme tu le souhaites Willow, je ne suis pas un rival et je n'ai jamais voulu l'être."

S'il avait su qu'elle se tapait Willow, jamais Finn n'aurait cherché à courtiser May.

"Pourquoi mortelle ? Vous ne vous entendez plus ?"

"Depuis que nous nous sommes vus tous les trois, je n'ai eu droit qu'à deux pauvres SMS de sa part. Et c'était aujourd'hui." En deux semaines, entre meilleures amies, c'est loin d'être la joie. Le temps avait été bien pesant. Mais Finn avait apparemment eu encore moins de chance que moi.

"En même temps, c'est peut-être mieux comme ça, non ? Elle a le mérite de rendre les choses claires en coupant les ponts." Soit elle n'arrive pas à décider et dans ce cas là je préfère carrément sortir du tableau plutôt que rester dans l'attente, soit elle a fait son choix, et ça n'est ni Finn, ni moi. Je soupire encore, ayant bien du mal à croire que je parle aussi ouvertement de ça avec lui. "Vous ne me faites pas de remarque salace ou déplacée, alors je suppose que vous n'êtes pas au meilleur de votre forme non plus." dis-je en tendant de dédramatiser un peu notre conversation.

La réponse de la jeune femme le rassura quelque peu. Elle n'était pas tellement mieux lotie que lui, et le problème ne venait donc pas seulement de Finn mais bien du fait qu'elle ne savait pas prendre une décision. Il sentit la voix de la jeune femme trembler en lui annonçant qu'elle coupait plus ou moins les ponts.

"Si j'avais su que vous étiez si proches je ne serais pas rentré dans la vie de May."

Il aurait simplement pris de ses nouvelles pour s'assurer que son sauvetage avait servi à quelque chose et il aurait disparu dans la nature, allant se consoler avec Léandre et lui affirmant des sentiments sincères plutôt que de se brider pour May.
Lorsqu'elle lui fit remarquer sa presque politesse, il pouffa, un léger sourire sur les lèvres.

"Je savais que ça te manquait ; tu avais l'air d'aimer ça. Tu sais, je connais May depuis huit ans ; je l'ai récupérée sur le bord de la route alors qu'elle venait d'être victime d'un viol. Je l'ai ramenée à l'hôpital et j'ai continué ma vie. Mais je n'ai cessé de penser à elle, alors même que j'étais en couple. Quand j'ai quitté ma compagne, j'ai choisi l'opportunité de retrouver May, de prendre de ses nouvelles et de lui avouer mes sentiments. La recherche a duré six mois. Attendre quelqu'un depuis huit ans, le retrouver après six mois de recherche acharnée, coucher avec cette personne et espérer quelque chose, avant de la trouver dans les bras de quelqu'un d'autre...c'est dur."

Je suis presque fière de l'entendre retenir un rire à ma remarque, mais rougit bêtement quand il prétend que cela pouvait me manquer. Cet homme a vraiment quelque chose contre les codes sociaux, mais cela reste amusant à entendre. Cela dit, quand il me déballe son histoire, mon sourire s'efface. La version que May n'était finalement qu'un vague reflet de la réalité. Mais elle ne savait sûrement pas à quel point Finn s'était sacrifié pour elle. Je me sens tellement mal pour lui.

"Je suis désolée. Avant qu'il ne se passe quoi que ce soit entre elle et moi, elle avait fait allusion à un homme ayant des sentiments pour elle. Je me suis bêtement dit qu'ils ne tiendraient pas la comparaison avec les miens. Mais j'ignorais que c'était vous, et que vous aviez couché ensemble." Je soupire, j'ai l'impression d'être la maîtresse venant foutre la merde dans une histoire d'amour qui n'est pas la sienne. "Je ne vous pensais pas l'âme d'un grand romantique, cela dit. C'est... surprenant."

Finn eût un rire désabusé.

"On doit avoir tous les deux l'impression d'être l'élément perturbateur qui fout la merde dans un couple, pas vrai ? Ca prouve qu'on sait se remettre en question tous les deux."

Il secoua la tête, déçu que les choses soient si difficiles. Pourquoi avait-il espéré que May lui tomberait dans les bras comme une princesse tombe dans les bras de son prince le sauveur ?
Willow était donc au courant que May avait couché avec quelqu'un et ses entrailles se serrèrent. Quelques semaines plus tôt il aurait mit son poing dans la gueule de Willow. Mais May lui avait bien précisé qu'elle n'était pas en couple avec lui. Il fallait se rendre à l'évidence.

"Je ne t'en veux pas. J'espère que toi non plus ; je ne veux pas être en froid avec une de mes meilleures élèves."

Il ne disait pas cela pour la flatter ; les résultats de Willow se démarquait réellement de ceux de ses collègues et il ne voulait pas d'un malaise évident avec quelqu'un qu'il voyait dans plusieurs cours, donc plusieurs fois par semaine.

"Je le suis quand je suis très attaché à quelqu'un. Peut-être que si je n'avais pas May dans l'esprit j'aurais pu l'être avec toi."

On sait se remettre en question, c'est vrai. J'ai tendance à penser que Finn mérite davantage sa place auprès de May : il en a payé le prix, et l'a attendue si longtemps. J'aimerais que cela suffise à effacer mes propres sentiments, mais c'est plus compliqué que ça.

"..." Mon cerveau bug, heureusement qu'il n'est pas là pour voir ma tête alors que je ne peux m'empêcher de me repasser quelques images pas très catholiques de notre dernière soirée en tête à tête. "J'espère que c'est une blague, j'ai eu assez de mal à m'en remettre la dernière fois pour subir ça quotidiennement." Petite plaisanterie cochonne, esquive, ma voix est presque convaincante. Je n'aime pas Finn, mais je dois bien avouer qu'il garde quelques atouts à son avantage. Je me demande d'ailleurs s'il a fait subir le même genre de choses à la petite May. La mémé me regarde d'un air choqué semblant deviner mes pensées, et je souris nerveusement.

Silence. Finn crut avoir dire quelque chose qui ne fallait pas. Puis, nerveusement, il éclata de rire lorsque Willow lui répondit après un moment de réflexion gênée.

"Comment ça, c'est une invitation pour un rythme moins serré ?"

Les pensées de leur entrevue dans la voiture défilèrent dans sa tête, lui décrochant un sourire. Une collègue passa devant la porte ouverte de son bureau et lui jeta un regard étrange. Ah, si elle savait !

C'est mal de rire de ça. May nous en voudrait probablement encore plus. Mais ça a le mérite de dédramatiser la chose, et de me changer les idées à mesure que le bus avance, toujours aussi lentement. Je retiens un rire en me pinçant les lèvres quand il me répond.

"Peut-être bien." Un sourire, une petite provocation. Il en ferait bien ce qu'il en veut.

Finn sentit pertinemment qu'elle se retenait de rire. Ils étaient vraiment incorrigibles tous les deux.

"Dans la voiture aussi tu m'as répondu au conditionnel ; regarde où ça nous a menés..."

Il laissa flotter la fin de la phrase de sorte qu'ils aient bien le temps d'imaginer exactement là où ça les avait menés. Tout à coup une question flotta dans son esprit et il décida de mettre les choses au clair.

"Willow, est-ce que tu es en couple avec May ?"

Je suis incapable d'effacer ce sourire moitié nerveux, moitié amusé qui me colle aux lèvres. Mon imagination me ramène à cette soirée qui m'avait parue si irréelle, hors du temps. J'ai l'impression de me faire saisir par quelques sensations que j'aurais voulu laisser au placard. Ressentir un plaisir violent avec un homme que l'on n'aime pas est quelque chose qu'il vaut mieux oublier, à mon sens. Je me mords la lèvre, rouvrant les yeux sur la triste réalité.

"Non, bien sûr que non. Vous pensez bien que je vous aurais tué depuis longtemps si c'était le cas, et que l'on n'aurait pas cette discussion." dis-je dans un nouveau sourire légèrement absent.