Despe & Wyatt ► And I can see your secrecy

Fermant la portière de ma voiture dans un claquement sourd, je m’empressais de la verrouiller. Venu tout droit de Boston pour une réunion avec l’équipe, j’avais pris la route pour Cambridge avec un peu de retard. Despe devait déjà m’attendre devant la patinoire. Vêtue d’un jean et d’une veste beige, je me rapprochais à grand pas de l’entrée. De dos, je crus reconnaitre la silhouette de la jeune femme. Qu’allait-elle penser de moi avec ce retard ? Etait-ce mauvais d’avoir quelques minutes de retard à un rendez-vous ? Enfin, si s’en était un. Depuis notre précédente conversation à Halloween, les choses étaient quelques peu étrange. Il m’avait semblé l’avoir déçu avec ma réponse, mais peut-être me faisais-je des films. Chez elle, il était difficile de cerner ce qu’elle pensait. Avec aisance, je me rapprochais d’elle. Son reflet apparaissait sur la porte de l’entrée, me confirmant son identité. Un sourire malicieux aux lèvres, je posais mes mains sur ses épaules. « Attends cinq secondes avant de me tuer » Mettant fin au contact de mes mains sur ses épaules, je venais me mettre devant elle. « Désolé, je viens de Boston et il y avait du monde sur la route»

Les jours se rafraichissaient les uns après les autres et aujourd'hui ne ferait pas exception; quoi qu'aujourd'hui serait même plus froid que d'habitude, compte tenu du lieu où je me trouvais, attendant celui qui m'y avait invité. J'avais rarement eu l'occasion d'observer ainsi la ville mais depuis que j'avais repris ce que j'appelais de vraies études, mes occasions de sortir se multipliaient et je redécouvrais Cambridge. Enfin. Cela ne faisait que quelques minutes à peine que j'étais arrivée sans réellement chercher à réfléchir sur la suite, ou les évènements passés; pour l'instant, je préférais faire abstraction de mon court moment de faiblesse à Halloween tout en me concentrant sur le moment présent, bien que concentrer ne soit peut-être pas un mot accordé à la situation. Lorsque je sentis des mains se poser sur mes épaules, j'eus un léger moment de sursaut; perdue dans mes pensées, certes, je ne m'y attendais pas réellement. « Attends cinq secondes avant de me tuer » C'est plutôt court comme délai pour se préparer à un quelconque décès, cela dit. « Je t'en accorderais trois, pas plus. » répondis-je sur le même ton tandis qu'il reprenait la parole. « Désolé, je viens de Boston et il y avait du monde sur la route» Il me fallut quelques secondes pour penser au fait qu'il soit en retard, quoi que ça ne m'eut pas tant traversé l'esprit. « tu étais à Boston pour? » demandai-je, curieuse.

« tu étais à Boston pour? » Aurais-je piqué sa curiosité ? « Oui » disais-je sur le ton du suspens. Je me donnais des faux airs d’importances, tandis que je me dirigeais vers l’entrée de la patinoire pour lui ouvrir la porte. Volontairement, je laissais ma vue à Boston mystérieuse. Du moins, juste le temps d’entrer à l’intérieur et de payer nos places pour pouvoir profiter des services que nous proposait l’enceinte. C’est en arrivant près du banc pour mettre nos patins que je me décidais à lui dire pourquoi j’étais à une heure de Cambridge. « En fait, je fais partie de l’équipe de national de Boston en natation. » Rien de très mystérieux.  Posant mon regard bleuté sur la jeune femme, j’observais plus attentivement pour la première fois depuis notre dernière entrevue à Halloween. Quoi que ce soir-là, je n’avais pu la regarder réellement à cause de son maquillage. « Voilà, maintenant tu sais tout. » Détournant mon regard de sa silhouette, j’enlevais mes chaussures pour mettre mes patins. Cela faisait une éternité que je n’en avais pas faite.

Tandis que nous rentrions dans la patinoire, j'attendais toujours ma réponse, patiemment. Il est vrai que j'aimais à être renseignée et que j'étais toujours d'un naturel curieux, alors lorsque quelque chose me paraissait sortir de ma bulle d'ordinaire, je questionnais. « En fait, je fais partie de l’équipe de national de Boston en natation. » Je me souvenais qu'il avait mentionné cela.. pour la première fois lorsque nous nous étions vus le lendemain de la soirée organisée par son ancienne maison. « Félicitations, monsieur le professionnel. » dis-je tout en souriant tandis que je me déchaussais, regardant les patins posés contre les pieds du banc. Si cela faisait bien trois ans que je n'avais pas mis un pied sur la glace, sûrement les réflexes se feraient encore entendre rapidement; après tout, c'était l'un des principaux loisirs qui rythmaient ma vie monotone du temps où je vivais encore à Varsovie, ville qui a elle même était une patinoire dès que l'hiver arrivait. « Voilà, maintenant tu sais tout. » Terminant de fixer - ces engins de tortures pour mes chevilles - mes patins, je lui adressais un sourire de défi tandis que je reprenais la parole. « Ce que je veux surtout savoir maintenant, c'est si tu es aussi bon sur la glace que tu ne l'es dans l'eau. » Si une chose était certaine, c'était bien que jamais on ne pourrait me retourner la question, à moins de vouloir avoir droit à un regard peut-être bien plus froid que je ne le voudrais.

« Félicitations, monsieur le professionnel. » Je terminais de lacer mes patins, avant de reprendre la parole. « Merci, merci » Est-ce que j’étais fier de faire partie de cette équipe ? Bien sûr. Même si au départ, j’avais tout fait pour ne pas rejoindre une équipe. A mes yeux, la seule vocation qui avait de l’importance était l’archéologie, mais avec le bébé, les choses avaient changés. A l’heure d’aujourd’hui, je me demandais s’il n’était pas préférable que je fasse une carrière dans la natation. « Ce que je veux surtout savoir maintenant, c'est si tu es aussi bon sur la glace que tu ne l'es dans l'eau. » Elle se moquait de moi ? Bon sang, elle devait sans doute avoir plus d’expérience que moi. Premièrement, c’était une fille et deuxièmement ses origines ne pouvaient pas être plus significatives. « Je risque de te décevoir » Une main sur le rebord, je me levais du banc avec précaution. Bordel, j’allais mourir, mais avant, j’allais me ridiculiser. Faisant un pas, je me rapprochais de la femme qui se trouvait à l’entrée de la patinoire et qui nous distribuait des gants. Je me dépêchais de prendre une paire et Ô miracle, je tenais de bout. Quoi que cela, n’était surement pas étranger mon poids qui écrasait les fragiles patins. Faisant un pas dans la patinoire, je m’accrochais sur le rebord, tout en réfléchissant à une tactique pour ne pas tomber. « J’espère que j’aurais la chance de voir tes talents »

« Je risque de te décevoir » A chacun ses capacités, n'est-ce-pas? Au moins avais-je l'avantage pour cette fois-ci. Enfin, peut-être n'était-ce pas si terrible que ça et qu'il exagérait.. quoi qu'à son ton je pencherais plutôt pour un aveu plutôt sincère. Je connaissais par coeur la routine machinale des patinoires; à force, c'était devenu presque une question de course contre la montre afin de réaliser chaque étape se faisant avant de mettre un pied sur la glace. Lorsqu'enfin je posais un pied sur la glace, c'est avec une facilité déconcertante que j'avançais d'une trentaine de centimètres du bord avant de pivoter vers Wyatt, croisant mes mains derrière mon dos avec un sourire amusé. « J’espère que j’aurais la chance de voir tes talents » Lui semblant être bien moins à l'aise sur la glace, je confirmais alors mon hypothèse formulée plus tôt. « L'étendue de mes talents se résume à n'être plus jamais tombée depuis l'âge de huit ans. » ris-je alors avant de reprendre la parole. « Pour ne pas briser ce record, j'aimerais que tu évites de m'entraîner dans ta chute future. » finis-je d'un ton amusé sur un léger air de taquinerie. Je n'étais pas du genre prétentieuse dans tout les cas; et je n'étais pas non plus patineuse artistique, alors je ne risquais pas d'aller bien loin, dans un sens. Cela dit, vu comment cela démarrait, ce serait mentir que de dire que la journée risque d'être dénuée d'amusement.

« L'étendue de mes talents se résume à n'être plus jamais tombée depuis l'âge de huit ans. » Pour l’impressionner, on repassera. La jeune femme se déplaisait avec aisance comme si elle marchait sur un sol bien ferme. A côté d’elle, j’avais complètement l’air minable. J’étais crispé et accrocher au rebord comme si une armée de requin se retrouvait à quelques centimètres de ma personne. « Pour ne pas briser ce record, j'aimerais que tu évites de m'entraîner dans ta chute future. » Elle se moquait de moi là ? « Tu devrais faire attention jeune femme. Parler de malchance, c’est forcément se confronter à cette malchance ! » Disait le sage ! Il fallait que je me donne du courage. Ce n’est pas comme si, je n’en avais jamais fait. Je souvenais que durant la période de décembre, une patinoire était installée à Roswell. Certes, nous n’avions jamais de neigne. A part durant certains changement climatique, mais cela n’était arrivé qu’une fois. La patinoire était maintenue, mais cela leur coutait cher. Aussi, il ne l’installait pas tous les ans. Ce qui expliquait mon incertitude face à ce sport. Bombant le torse, je décidais tout de même de me lancer. « J’arrive » Je décrochais une main. Jusque-là, tout allait bien. Puis, une deuxième. Toujours rien. Je continuais donc sur ma lancée. Voyant que je ne tombais toujours pas, je prenais plus d’aisance en baissant ma garde. J’entamais un premier voyage et la boom ! Je manquais de tomber. Les bras écartés, je maintenais mon équilibre en brassant de l’air.

« Tu devrais faire attention jeune femme. Parler de malchance, c’est forcément se confronter à cette malchance ! » Je levai les yeux au ciel, tournant sur moi-même avant de répondre. « Je suis une personne très chanceuse, je n'ai pas peur! » dis-je avec conviction. Ces derniers temps, effectivement, je n'avais pas eu à me plaindre de quoi que ce soit; un miracle depuis que le mois d'octobre s'était teinté de coloris plus nombreux que ceux qui faisaient parti de ma palette habituelle. « J’arrive » J'ai bien hâte de voir ça, tiens. Croisant mes bras sous ma poitrine, j'observais alors le maître exceller dans son art. Ou pas. Cette tentative hasardeuse m'arracha un éclat de rire, tentant vainement de rester sérieuse alors que j'étais habituée à des personnes bien plus habiles sur la glace. « Je te le dis d'avance, mais ne compte pas sur moi pour te donner le moindre conseil, lorsqu'il s'agit de qualités d'enseignante.. je crois que je n'en ai aucunes. » soupirai-je avant de lui tendre ma main. « Cela dit, je peux toujours aider.  » Tendre coeur de quincy que j'étais. « A moins que tu ne veuilles te débrouiller tout seul. » suggérais-je ensuite, laissant mon regard divaguer de personne en personne sur celles présentes au même moment. Si j'étais habituée des patinoires, une chose était certaine; je n'étais pas habituée à y entendre les gens parler anglais.

« Je te le dis d'avance, mais ne compte pas sur moi pour te donner le moindre conseil, lorsqu'il s'agit de qualités d'enseignante.. je crois que je n'en ai aucunes. » Je l’écoutais parler distraitement, tandis que je reprenais mon équilibre. La main tendue vers moi, la jeune femme me proposait son aide. Allais-je accepter ou allais-je jouer au mec sûr de lui ? Au lieu de ça, je reprenais constance en me remémorant à voix haute un souvenir d’enfance. « A Roswell, on avait une patinoire de temps en temps. Même si on a eu qu’une seule fois de la neige » Despe allait surement se demander pourquoi est-ce que je lui avais dit ça. « Il fallait juste que je trouve mon équilibre » lâchais-je d’un ton plus calme. Cette fois-ci, j’acceptais sa main, mais au lieu de me faire mener, je décidais de prendre les commandes. L’équilibre était une question de confiance en soi. Il fallait juste que je me rappelle les gestes nécessaires patiné correctement. En douceur, j’entamais quelques pas, tout en menant la jeune femme à mes côtés. Certes, elle se déplaçait avec plus de grâce, mais c’était un bon début déjà. En prenant sa main, je n’avais pas tout de suite saisie l’ampleur de mon geste. C’était un simple contact et pourtant, il m’impressionnait. Pourtant, j’avais déjà embrassé la jeune femme, mais ce geste était moins spontané. Ce qui me ramenait à notre dernière conversation. Néanmoins, je ne voulais pas plomber l’ambiance avec mon esprit détraqué. Aussi, je décidais de reprendre les rênes. « Alors, je m’en sors bien, hein ? »

« A Roswell, on avait une patinoire de temps en temps. Même si on a eu qu’une seule fois de la neige » Intriguée, je relevais les yeux vers lui. C'était bien la première fois qu'il me parlait d'un point de sa vie ainsi, sans que le sujet ne fût évoqué à la base. « Il fallait juste que je trouve mon équilibre » Au final, il avait attrapé ma main, m'entraînant avec lui tandis qu'il tentait de mettre ses propres conseils à profit. Il faut dire qu'au moins, cette méthode marchait, ce qui était plutôt une bonne chose. En fait, j'étais tellement concentrée sur ce que je faisais - c'est à dire faire aussi attention aux autres personnes présentes, parce que je ne voudrais pas me retrouver responsable de quoi que ce soit - que je ne tins même pas compte de cette soudaine proximité. « Alors, je m’en sors bien, hein ? » Souriante, je répondis. « Effectivement, je ne peux pas dire le contraire. » D'un côté, j'avais l'impression de retomber en enfance, comme je ne me considérerait pas vraiment comme adulte à la dernière fois où j'étais montée sur la glace. « Au fait, c'est la première fois.. que tu me parles de toi aussi spontanément. » remarquais-je, peut-être sans réellement y faire attention comme j'étais restée un instant pensive, néanmoins, je l'avais clairement dit à voix haute, c'était indéniable. Quoi que la remarque pourrait être utile, peut-être, à mieux le comprendre aussi, qui sait.