Just talk about nothing | Sienna

La maison des Dunster était belle et très confortable. Ne vivant pas ici, j'avais du mal à la fréquenter régulièrement, surtout que j'étais bien occupée avec Charlie en dehors des cours, mais je tentais d'y venir totu de même le plus souvent possible ce qui n'était pas forcément facile. Sauf qu'aujourd'hui, j'avais appris qu'un de mes professeurs de médecine était absent pour plusieurs heures. N'ayant pas l'envie de rentrer chez moi, de faire le trajet, j'étais donc allée me poser dans la grande salle, sur un des nombreux canapés bien moelleux. J'aurais presque pu m'endormir si malgré le calme ambiant il n'y avait pas eu un va et vient assez important des gens de la maison. Un livre dans mon sac, j'avais donc prisu un peu de temps pour avancer ma lecture de celui-ci. Si les autres Dunster avaient été plutôt silencieux avec moi jusqu'à présent, alors que les allers et venus de chacun se calmaient légèrement, j'entendis un petit : mais qu'est ce que tu fais là, derrière moi. Me retournant je vis Sienna et lui fis un large sourire, elle n'avait pas l'habitude de me voir là c'était sûr mais tout de même je pouvais bien y venir un peu de temps en temps pour chercher un peu de calme, ou de réconfort peut être... Parce que oui un brin nostalgique j'étais peut être venue ici histoire de tomber sur l'une des épaules sur lesquelles je pouvais me reposer un peu dans cette maison pour confier mon moral dans les chaussettes. "Hey toi ! Ca va ?"

Sienna n'avait pas tardé à me rejoindre dans le salon des Dunsters et de me proposer un thé, une initiative chaleureuse et très gentille de sa part que je ne refusais pas. Elle n'avait pas tardé non plus de remarquer la petite mine que je pouvais avoir, la fatigue me gagnait de jour en jour, il faudrait peut être que je prenne un peu de temps pour moi, pour dormir, c'était une bonne idée à soumettre à Charlie aux cas où elle voudrait bien dormir et laisser maman tranquille la nuit.  "Une petite pause entre deux cours, un prof absent, j'ai préféré venir me poser ici que de rentrer chez mes parents en ville ! Ca me fait moins courir !"  Limiter les efforts allaient être le maître mot maintenant. Au tout début que j'étais ici, j'aurais surement été chercher Charlie à la crèche pour passer du temps avec elle mais maintenant j'évitais de le faire, non pas que je sois une mère indigne et que ça ne me fasse plus mal au coeur de la laisser mais bien parce que j'avais besoin de temps pour moi aussi. "On va dire petit coup de mou passager mais rien de grave..." Dans les moments de fatigue, mon mari Alexander et mon frère Antonn me manquaient toujours terriblement... "Et oui je crois que Charlie confond le jour et la nuit, elle est sage comme une image à la crèche et elle fait la java toute la nuit, donc au final, je bosse ou j'étudie la journée et je joue la maman la nuit ! Pas simple ! "

"Merci pour le thé et les gâteaux !" C'était une ambiance familiale qui régnait et je me sentais réellement bien, de toute manière, Sienna n'était pas ma bizutrice, celle qui s'occupait de moi mais elle l'avait toujours fait, elle m'avait toujours aidé depuis le début, elle était un peu mon repère ici, la seule personne féminine avec laquelle je pouvais être naturelle seulement. Bien sûr, elle ne connaissait pas encore tout, et oui j'avais gardé mes petits secrets qui étaient durs à dévoiler à sortir même si je l'appréciais, mais cela n'enlevait rien à l'amitié solide qui se construisait entre nous. Je voyais bien que c'était solide car elle avait de suite compris que ce n'était pas la forme. J'aimais réellement qu'on me comprenne sans avoir à dire les choses. Mais pour les secrets et le pourquoi je n'étais pas en forme il faudrait bien que je parle. Maintenant ou plus tard, un jour ou l'autre. "Je sais que j'en ai besoin mais c'est pas simple tu sais... Laisser Charlie, en profite toute seule, je me sens coupable par rapport ... au papa de Charlie." Je n'avais jamais parlé d'Alexander à Sienna, elle ne savait pas pourquoi j'élevais seule ma fille mais peut être qu'elle allait le savoir aujourd'hui.

Alexander n'avait jamais été au coeur d'une de nos discussions mais aujourd'hui, il allait l'être, je le sentais et je ne m'étais pas trompée. A peine avais je terminé ma phrase que Sienna me posait des questions dessus. J'étais à la fois mal à l'aise de parler de cela pour la première fois mais aussi soulagée de pouvoir partager mon fardeau ici avec quelqu'un surtout qu'il était plutôt lourd à porter, encore plus aujourd'hui que les autres jours pour je ne sais quelle raison. "Ca aurait été un papa merveilleux..." Je marquai un temps d'arrêt les larmes me montant aux yeux, je pris le temps de les ravaler avant de continuer. "Il est décédé cet été... Victime collatérale des repressions des soulèvements contre le gouvernement en Ukraine... Mon frère était aussi avec lui, comme ils travaillaient ensemble et que ça s'est passé à leur sortie du boulot..." Ma voix était faible et tremblante mais j'avais réussi à le dire, ce n'était pas rien pour moi.

Elever ma fille seule n'était pas tant un problème que cela, non au contraire je pouvais avouer me débrouiller assez bien... Le plus dur était de gérer l'absence du papa dans ma vie, dans mon coeur, dans les yeux de ma fille et la voir surtout lui ressembler énormément. Et oui Charlie était un beau mélange de nous deux et chacun pouvait se reconnaitre en elle parfaitement. Elle était vraiment le symbole de tout l'amour qu'il y avait pu y avoir dans notre couple. Je n'avais pas l'habitude d'en parler mais ce poids était maintenant trop lourd pour que je ne le garde que pour moi. Pour avancer, il faut en parler. Les bras de Sienna me donnèrent un peu de courage mais mes larmes coulèrent le long de mes joues. Après un moment de silence je finis par lui dire : "Je sais qu'il est tout le temps là... Mais pas assez présent pour me soutenir dans la vie de tous les jours, et trop présent pour que je parvienne à avancer..." Il fallait que je me reconstruise, à vingt quatre ans je n'allais tout de même pas rentrer au couvent, mais se dire cela était dur pour le moment même si des affinités se créaient petit à petit...