Quand le temps se suspend pour ne jamais reprendre son cours normal

J'avais été sec avec elle et je m'en voulais de l'avoir été ainsi avec elle, elle n'avait rien demandé, elle était juste là pour venir me voir. J'avais démarré au quart de tour pour rien. J'avais été stupide de lui parler comme ça, elle ne méritait pas ça, ça devait déjà être un choc pour elle de voir son petit amis comme ça alors autant ne pas en rajouter une couche. Désolé... Je me pris la tête entre les mains pour ensuite passer rapidement les mains dans mes cheveux. Je pensais que tu savais de quoi il en retournait, j'ai l'impression que tout le monde est au courant de ce qui m'arrive dans ce satané hôpital. Je suis désolé de mettre emporté...Je suis désolé de ne pas être la personne, enfin plus vraiment maintenant, que tu espérais retrouver. Si j'avais put éviter qu'on m'ouvre le crâne et tout cette situation qui en découle crois moi je l'aurais fait. Je ne voulais pas dire ça...Tu n'es pas une pauvre cruche, c'est juste que...J'ai l'impression que tout le monde me juge et me passe aux rayons x depuis que je me suis réveillé. C'est...troublant. Je bossais la tête honteux. Elle était la première qui venait me voir et voilà que je réagissait comme un imbécile. Je m'attendais à ce qu'elle franchisse le seul de la porte d'un moment à l'autre mais au lieu de ça elle se précipita aux toilettes. Elle m'expliqua alors ce qu'elle avait. Au début je ne comprenais pas trop où elle voulait en venir puis ça fit tilt. Etais-ce possible ? Elle était enceinte. Waw c'était une nouvelle des plus surprenante. Si je m'étais attendu à ça. Une question me trottait dans la tête mais je ne savais pas si je pouvais lui poser ou si ça serait déplacé. Oh...Désolé de t'avoir bombardé de questions. J'avais une petite lueur d'espoir, est-ce que c'était possible ? Sans doute puisque c'était me petite amie non ? Je lui posais gêné: Est-ce que Hum....Est-ce que c'est le mien ?

Il avait été un peu dur avec moi, mais il fallait dire que je n’avais pas été tendre non plus avec mes sous-entendus. Mais d’un autre côté je venais de voir la facette qu’il ne m’avait jamais montrée avant : son sale caractère. Je lui avais donné mes explications sans trop montrer ce que ça me faisait de le voir comme ça. En même temps, j’étais tellement partagée que je ne savais pas moi-même. Lorsque j’eus achevé, je le regardai dans les yeux. Je m’appliquais à rester inexpressive. Dante s’excusa, se prit la tête dans les mains et tiqua : il passa les mains dans les cheveux. Ça, c’était signe que c’était encore mon Dante et pas un autre. Ou du moins pas complètement un autre. Il reprit la parole, l’air affecté. Je comprenais parfaitement qu’il se sentît perdu. Surtout lui qui exerçait un certain contrôle sur sa vie. Son caractère n’avait donc pas tant changé, et il ne parvenait pas à rassembler les pièces du puzzle. Il n’y parviendrait pas tout seul.

-Je voudrais bien jouer les compatissantes et dire que je te comprends, mais ce serait mentir. Je ne sais pas ce que tu ressens, je n’ai jamais vécu ça. En revanche, ce que je peux te proposer, c’est de te soutenir, de t’aider, et de te voir recouvrir peu à peu tous tes souvenirs. Ce ne sera peut-être pas une promenade de santé, parce que de ce que j’ai suivi, de ce que tu m’as dit, tu n’as pas eu une enfance facile, et ta vie en elle-même n’était pas toujours rose. Est-ce que tu veux vraiment te souvenir de tout ça ? Je ne veux pas que tu souffres par ma faute, parce que je t’ai poussé à te souvenir de choses trop douloureuses.

Je m’exprimais toujours d’un ton neutre, mais plus pour la même raison. J’essayais encore de cacher tout ce qui bouillait en moi. Si Dante devait souffrir suite à des révélations… Je casserai la gueule à quiconque s’en prendrait à lui. Dans mon esprit, Dante avait toujours la même apparence physique, mais c’était comme si son totem intérieur s’était métamorphosé. Je ne le voyais plus comme le loup couleur perle qu’il était avant. Maintenant, c’était un oisillon, fragile et vulnérable. C’était désagréable comme sensation. Disons qu’un autre sentiment prenait le pas sur ceux déjà existant. L’image de mon petit ami s’effaçait pour laisser place à une grande affection, comme s’il était mon petit frère que je devais protéger contre vents et marées. J’espérais que ça ne durerait pas…

Je fus interrompue dans mes réflexions par un haut le cœur. Plutôt que de me vider dans la chambre, je filais aux toilettes. Dante m’avait suivi pour me tenir les cheveux. Quelle discrétion de ma part… Moi qui voulais lui dire dans de meilleures conditions, par exemple en dehors de cet hôpital qui sentait le désinfectant. De nouveau, il s’excusa. Puis il hésita, bafouilla avant de se lancer à l’eau. Je redoutais cette question, mais il la posa : est-ce que l’enfant était de lui ? Je ne répondis pas tout de suite. Je tirai la chasse d’eau, allai me rincer la bouche au lavabo. Je sentais le sang refluer de mon visage. Je devais être très pâle. En jetant un regard dans le miroir, je constatais que ce que je pensais s’avérait être juste. Je plongeais à nouveau la tête dans le lavabo, m’aspergeant le visage d’eau. Je tournais le robinet, coupant l’arrivée de liquide. Je me redressais, mais sans regarder le reflet de Dante dans le miroir. Je ne voulais pas croiser son regard, le décevoir.

-Nous sommes ensemble depuis fin juin… L’embryon est plus vieux. Avant toi, il y avait quelques autres personnes… Deux plus précisément, en plus de toi. L’un est le père de ma fille dont tu ne te souviens probablement pas. On s’était pris la tête au sujet d’Aliénor, parce que je ne t’en avais pas parlé avant, j’avais attendu au maximum. C’était dur pour moi de te l’avouer, et maintenant, ça l’est tout autant, mais au moins je n’aurais pas l’impression de te mentir à nouveau. L’autre mec, c’était Alejandro, mais je ne sais pas si c’était une erreur, ou alors que je voulais m’amuser, mais il n’y a rien entre nous. C’est toi que j’avais choisis. Je ne supporte plus mon ex, et Alejandro n’avait aucun sentiment… Sauf que… Je ne sais pas qui est le père de cet enfant…

Sur cette dernière phrase, je relevais le menton et décidais d’affronter le regard de Dante sur la pute que j’étais. Deux larmes coulaient sur mes joues. J’étais vraiment désolée, mais j’avais peur. Je ne voulais pas faire de test, je ne voulais pas savoir le résultat. Et maintenant que Dante avait perdu la mémoire, je ne savais pas s’il serait le père que j’attendais. Il fallait attendre que les choses évoluent. Mais ça faisait mal de penser qu’il puisse ne pas être le père. C’était la personne la plus digne de l’être, peu importe qui était le père biologique.

-Je suis désolée Dante, je ne sais vraiment pas, mais je voudrais tellement qu’il soit de toi…

Je me retournai face à lui, les mains accrochées à l’évier, la tête basse. Le sentiment prédominant en moi était la peur. Je ressentais l’envie de fuir, mais je ne pouvais m’y résigner. Même si j’avais déçu Dante, je savais qu’il ne me ferait pas de mal. Il avait toujours été doux avec moi. Il pouvait bien disposer de moi comme bon lui semblait, me hurler dessus, me prendre par les épaules et me secouer comme un prunier, ça n’aurait été que justice. Mais je ne l’en pensais pas capable. La pire des réactions qu’il aurait pu avoir, s’était se fermer comme une huître, sortir de la salle de bain, regagner son lit et me laisser seule me dépêtrer. Ou alors il pouvait faire tout l’inverse, prendre ce petit être comme il viendrait, devenir papa même en n’étant pas sûre que ce soit le sien, je ne savais plus quoi penser. Et s’il exigeait le test de paternité ? Je ne pourrais pas le lui refuser… Je voulais qu’il restât à mes côtés, mais je ne pouvais pas savoir ce qu’il me réserverait…

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