devyn & alexia - viens voir du pays en bonne compagnie

"Tu peux m'expliquer comment tu as fait ? Non parce que moi ça fait quatre ans que je suis là. Et dès que j'ouvre la bouche, je suis grillée !" Alexia se mit à rire. Il fallait croire qu'elle n'était pas douée pour moduler sa voix. Faire du théâtre, oui, les imitations, non. Même quand elle parlait allemand, on savait qu'elle était anglaise. Mais Devyn esquiva un peu sa question suivante. Parfois c'était une technique de drague des garçons, elle avait vu ça dans une vidéo. Enfin là elle trouvait ça bizarre, il n'avait pas l'air d'être le gars très expansif et super charmeur avec les filles, en tout cas jusqu'à présent. Etrange. "J'avais envie de changer un peu d'air, j'adore mon pays, mais je voulais prendre de la distance vis à vis de mes parents et découvrir autre chose, l'Amérique fait rêver. Puis ayant vécu à Cambridge, je n'avais pas envie d'y rester autant d'années supplémentaires, et Oxford est similaire." Plus elle était loin de son père, mieux elle se sentait, du moins à l'époque de ses dix huit ans. Et elle avait eu envie de rejoindre son frère c'est vrai. "Puis mon frère ainé est à Yale, donc je voulais me rapprocher de lui."

Ah, le problème des accents... Tu ne t'en étais jamais vraiment occupé, tu te fichais d'être anglais ou d'origine autre qu'américaine, cela faisait de toute façon partie de ton passé et était immuable. Comment tu l'avais donc éliminé était un mystère, même si tu avais quelques postes probables à ce sujet. Le théâtre peut-être, inconsciemment. Le fait de prendre différents rôles améliore ce genre de choses, et à force de vouloir s'intégrer discrètement, on finit par perdre l'accent. Après, tu ne pouvais pas en être sûr à cent pour cent, et d'autres méthodes étaient peut-être efficaces... mais tu trouvais cela dommage de vouloir éliminer son accent sans véritable raison. Ce n'était pas comme s'il semblait la gêner, ni empêcher son intégration. Mais vous parliez de vos départs respectifs, et tu étais resté muet sur tes propres raisons, n'aimant pas en parler aux autres. C'était encore douloureux malgré le temps, mine de rien, et il n'y avait que les Londoniens que tu connaissais d'avant Harvard qui pouvaient le savoir. En tut cas, si tu ne voulais pas te mêler de ce qui ne te regardait pas, tu ne pouvais guère goûter à une raison comme s'éloigner de ses parents. Tu avais toujours une espèce de rancœur envers ce genre de personnes qui avaient la chance d'avoir une famille et qui refusaient d'en profiter, contrairement à toi. Après, quand tu creusais un peu, tu te rendais souvent compte que des explications pouvaient exister, comme pour celle de William, et tu regrettais ce comportement archaïque. Mais pour le moment, on n'en était pas là. C'est vrai, les universités anglaises se ressemblent toutes, contrairement à Harvard qui ne leur ressemblent pas. Pour Yale, tu ne pouvais pas dire, tu n'y avais jamais mis les pieds, même si cela aurait pu être intéressant de découvrir une autre université si célèbre. 250km, cela reste loin tout de même.

Elle n'était pas tout à fait d'accord avec Devyn pour dire que toutes les universités anglaises se ressemblent, c'est vrai qu'elles étaient fondées sur le même principe et pouvaient avoir des similitudes architecturales, mais jamais aucune n'avait eu le même charme que Cambridge. Cambridge Angleterre évidemment. Même pas Oxford. Mais les goûts et les couleurs ne se discutent pas, c'est un fait avéré. "Ca n'est pas insurmontable, on arrive à se voir une fois tous les trois à quatre mois, soit je vais à Yale, soit lui vient à Harvard, ça fait deux bonnes heures de voiture, et puis le reste du temps on s'envoie des textos et on s'appelle s'il y a quelque chose de particulier." Alexia et son frère, c'était tout une histoire. Chien et chat et meilleurs amis du monde en même temps, ils se protégeaient l'un l'autre en permanence, et être éloignés c'était bien aussi, ça leur permettait de ne pas être collés en permanence. C'était ce qu'elle aimait se dire. "Et toi, tu as de la famille aux Etats-Unis ?" Alexia était curieuse. Non, en fait c'était plutôt de la rhétorique systématique, sans réfléchir.

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Non, bien sûr, 250 km n'étaient pas insurmontables, c'était bien moins loin que d'aller à Londres, il n'y avait pas photo. Si vos emplois du temps étaient compatibles, c'était encore mieux... et puis oui, le téléphone était quand même très utile en cas d'éloignement. Vous êtes proches en tout cas. Tu étais fils unique, tu ne pouvais pas tellement comprendre les liens fraternels, mais tu l'imaginais bien. Cela servait d'oreille attentive, de confident, et vous pouviez sûrement partager pas mal de choses... enfin, dans l'idéal. Quand c'était la guerre, cela ne devait cependant pas faire semblant. Tu avais la preuve, avec la relation entre William et son frère. Mais voilà qu'elle semblait vouloir te retourner la question, ce qui était logique finalement, mais qui mettait quand même dans l'embarras. Tu en déglutis un peu difficilement, avant de répondre. Absolument pas. Mais on fait avec. Ce n'était pas un mensonge en soi : ils étaient tous enterrés à Londres après tout. Mais passer pour le pauvre petit orphelin de famille ne te plaisait pas vraiment donc tu préférais toujours ne pas en parler, hormis si tu n'avais pas le choix. Or ici, tu semblais toujours l'avoir, pour le moment. Mais c'est cool en tout cas. Enfin, je veux dire, de réussir à maintenir des relations à longue distance comme ça. C'est... cool.

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"Oui. On était un peu livrés à nous-mêmes quand on était enfant alors on est très soudés. Il me connait mieux que personne." Sans son frère, elle aurait surement été une personne différente. Elle s'était toujours amusée avec lui et grâce à lui, et elle était devenue quelqu'un d'enjoué, de positif, et toujours de bonne humeur. Si elle avait été une fille unique, elle aurait probablement été solitaire et renfermée sur elle-même. Son opposé complet, mine de rien. Visiblement Devyn n'avait pas sa chance. Il était seul sur le territoire américain et sa famille était probablement au complet en Angleterre. Ca ne devait pas être facile tous les jours, ça signifiait les voir uniquement pour Noël et éventuellement aux grandes vacances estivales. Un peu comme elle avec ses parents. Il avait vraiment l'air de l'envier, si elle en croyait son ton. Elle était nulle pour deviner ce que les autres pensaient, ceci dit, donc elle était peut-être complètement à côté de la plaque. Mais n'empêche, elle avait le sentiment de parler d'un sujet gênant. Du coup elle se sentit de nouveau un peu mal à l'aise. Et se souvint qu'elle avait juste fait une pause dans son bénévolat et qu'elle devrait y retourner tôt ou tard. "En tout cas c'était sympa de te rencontrer Devyn. Il faut que je retourne aider, mais j'espère qu'on se recroisera pendant le summer camp ! Et si tu es dans l'équipe maudite, compte sur moi pour le découvrir." Petite pause. "Je blague, j'ai l'intuition d'un coléoptère pour ce genre de choses." Elle sourit. Pourquoi ses blagues étaient toutes plus pourries les unes que les autres. "A bientôt !"  

Si, effectivement, elle n'était pas proche de ses parents, il était plus facile de comprendre pourquoi elle tenait tant à son frère... quoi que sans être proche d'un membre de famille, tu aurais sans doute tâché au maximum de garder ne serait-ce qu'un peu de contact avec lui, même si c'était une fois par an. C'était quand même chouette d'avoir quelqu'un qui partageait ton sang, qui connaissait également tes proches et avec qui tu partageais forcément des points communs. Peut-être avais-tu une vision idéalisée de tout cela, mais c'était la tienne, et tu n'étais pas forcément prêt à t'en départir. Peut-être n'aurais-tu pas dû montrer ta gène de parler de ce sujet, elle ne semblait plus aussi à l'aise. Tu allais donc dévier le sujet lorsqu'elle te devança en annonçant qu'elle devait retourner aider... Ah oui, c'est vrai, elle faisait du bénévolat, tu l'avais presque occulté au final. J'espère aussi, oui. Bien sûr, tu espérais surtout la revoir si vous parliez d'autre chose que de la famille, cela va sans dire, mais tu n'allais pas lui balancer cela comme ça : tu n'étais peut-être pas très doué, mais tu avais quand même des limites. Tu eus en plus un léger surire face à son insinuation : l'équipe maudite hein ? Non, il n'y avait pas besoin de ça pour avoir une excellente équipe, et tu appréciais vraiment les Rhumtabagas. Je ne connais pas le sens de l'intuition d'un coléoptère, mais j'aime l'expression. Mais déjà elle partait, tu lui fis juste un signe de la tête avant de la suivre du regard, jusqu'à ce qu'elle disparaisse de ta vue. Toi, en tout cas, tu allais pouvoir tranquillement continuer à prendre tes photos, ce que tu ne te privas pas de faire.

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