devyn & alexia - viens voir du pays en bonne compagnie

Le summer camp se passait comme sur des roulettes au bout d'une dizaine de jours, ils venaient de déposer l'ancre à Haïti pas trop loin de Point-à-pitre. C'était le séjour express qu'Alexia attendait avec hâte, tout simplement parce qu'à Haïti on parlait français. Et comme sa mère était française, elle était bilingue, et elle allait pouvoir discuter avec les Haïtiens. Bon par contre s'ils parlaient créole ça allait être plus dur. Puis avec le séisme d'il y a quelques années, il restait beaucoup à faire, et Alex était prise d'un soudain élan de générosité, elle qui n'était pas très oeuvre caritative en temps normal, elle avait envie d'aider ses gens, c'était un peu la moindre des choses, plutôt que de rester là à se tourner les pouces. Elle enfila un débardeur bleu marine, un short, attacha ses cheveux et vissa ses lunettes sur le nez avant de commencer à s'enfoncer dans la ville, dont certains quartiers restaient encore détruits. Elle passa à un centre de réfugiés et glissa une enveloppe dans une boite à dons - elle était riche autant en faire profiter les habitants de l'île - et demanda à participer pour la journée à un chantier. On lui fila des gants, et on l'emmena sur une reconstruction de maison pas loin. Son rôle était de passer les briques au maçon qui les fixait sur le ciment. Un peu physique, mais ça ne lui faisait pas peur, fallait bien faire un peu de sport, même en vacances.  

Haïti maintenant, nouvelle escale du Summer Camp. Pour toi qui n'avais pas vraiment de vocation humanitaire, ce n'était pas franchement l'idéal. Pas que tu ne compatissais pas aux malheurs des Haïtiens, au contraire : juste que tu n'étais pas du genre à vouloir faire des voyages humanitaires pour découvrir une autre culture, préférant au mieux aider les gens de ta propre ville. Pour autant, tu voulais faire des photos de toutes les escales, et il n'y avait pas de raison pour que cette île y échappe, simplement par manque d'envie. Tu t'étais donc préparé comme d'habitude, avec ton appareil photo autour du cou et tu étais parti du bateau. Tu te doutais de ce qui t'attendait, tu ne fus donc pas surpris. Des quartiers relativement pauvres et insalubres, dont tu pris quelques photos, mais surtout de nombreux chantiers de reconstruction des zones encore dans un état identique à celui après la catastrophe. De nombreuses personnes y travaillaient d'ailleurs, dont certains étudiants à ce que tu voyais. Tu décidas donc de prendre quelques photos de ces chantiers également, tâche de te faire le plus discret possible. Ce n'était pas parce que tu ne faisais pas dans l'humanitaire que tu allais déranger ces gens dans leur travail bénévole mais acharné.

Alexia commençait à fatiguer, ça faisait deux heures qu'elle était là et elle mourrait de chaud, elle aurait donné n'importe quoi pour de l'eau. Du coup elle demanda une petite pause histoire de reprendre des forces et de se mettre à l'ombre. Mais en s'écartant de quelques mètres du chantier elle tomba sur un jeune homme qui prenait les reconstructions en photo. photo, sa passion numéro deux après l'informatique. C'était une super idée de prendre ce genre de photos, ça aurait pu servir pour une expo en plus, des gens voudraient peut-être acheter ces photos et l'argent récolté serait pour les haïtiens. Vraiment Alexia avait une part quincy en elle qu'elle se découvrait. mais bon elle n'allait pas embêter un inconnu avec ça. Dans tous les cas vu son appareil photo c'était probablement un touriste, pas un mec d'ici. "Pas mal ton appareil photo." dit-elle spontanément. Elle parlait trop vite, elle ne connaissait même pas ce gars et elle lui parlait, comme ça, de son appareil photo. N'importe quoi, et maintenant elle était gênée.  

Une interpellation qui t'était adressée te fit cependant arrêter toutes tes photographies. Tu te retournas avec un air coupable, te retrouvant nez à nez avec une jeune blonde que tu ne connaissais pas. Vu son habillement, elle devait aider pour ces fameuses reconstructions... ce qui ne te semblait pas être bon signe. Et si on te l'avait envoyé pour te faire déguerpir ? Ta discrétion n'était en tout cas pas tellement au point, c'était la seule chose sûre actuellement. Merci. Oui, soyons polis tout de même, tout compliment méritait un remerciement en échange, n'est-ce pas ? En tout cas, maintenant, vous étiez deux gênés, vous n'alliez pas aller très loin ainsi. Je ne voulais pas porter préjudice en prenant les photos, je peux m'en aller si cela dérange les volontaires, je viens en paix ici.

Bon sang, mais pourquoi il avait fallu qu'elle ouvre son bec ? Maintenant il était gêné et elle aussi, ils allaient aller loin comme ça. En plus il avait l'air de penser qu'elle était venu lui faire des remontrances, comme s'il dérangeait qui que ce soit. Ce n'était évidemment pas du tout le cas. "Oh non non non pas du tout, restez !" Elle passa une main dans ses cheveux pour remettre une mèche derrière son oreille. "Vous ne dérangez personne bien au contraire c'est bien que des gens s'intéressent à ce qui se passe ici. Je suis bénévole juste pour la journée mais je suis une touriste comme vous. D'ailleurs je fais aussi de la photo." Comment raconter sa vie pour les nuls en dix secondes. Alexia parlait trop et trop vite. Ceci dit, elle faisait effectivement de la photo pendant son temps libre, elle faisait partie du club photo et rêvait de pouvoir participer à une exposition un jour. En attendant elle avait emporté son appareil dans ses valises pour immortaliser ce summer camp, mais elle l'avait laissé sur le bateau pour aujourd'hui.

Ah, elle n'était pas venu pour te tirer les bretelles ? C'était plutôt une bonne nouvelle, qui te détendit quelque peu. Etre en effraction ne te tentait pas plus que cela, tout comme tu ne voulais pas gêner alors qu'ils étaient si actifs et pleins de bonne volonté. Au moins, sa remarque désamorça une partie de la gêne que tu avais ressenti en la voyant arriver ainsi, au moins de ton côté. Tu ne savais pas si elle-même allait se sentir mieux de par ton soulagement manifeste, mais tu l'espérais : vous n'irez pas loin sinon. Apparemment en tout cas, mademoiselle était très bavarde, suffisamment pour manquer te perdre en route lorsqu'elle reprit la parole. Oh, ce n'est pas que je m'y intéresse plus que cela, je serai bénévole sinon. Mais je trouvais cela intéressant à immortaliser. Bravo, comment passer pour un jeune immonde sans coeur et égoïste. Tu savais toujours comment choisir tes mots, c'est fou... Mais un dernier point retint ton attention : elle faisait aussi de la photo. Ah oui ? Vous travaillez ou étudiez dans ce domaine ? Et élitiste aussi, bravo Devyn, bravo.

Intéressant à immortaliser, ça pouvait paraître un peu égoïste et sans coeur, c'est vrai, mais heureusement il parlait à une photographe et elle comprenait tout à fait ce qu'il entendait par là. Parfois la beauté d'une image était saisissante, on n'y voyait quelque chose que les autres ne voyaient pas et qui donnait une âme particulière à la photo. Enfin bon, Alexia le prit cent pour cent bien, surtout qu'elle était la dernière à juger les gens et leurs choix. "Je vois ce que vous voulez dire." De suite, la conversation s'orienta sur la photographie. Visiblement il devait être un passionné. Il n'avait pas n'importe quel appareil photo non plus, si l'on regardait bien. "Non, c'est juste une passion, je fais partie du club photo d'ailleurs." Et là elle réalisa que le pauvre touriste ne pouvait pas savoir ce qu'elle entendit par club photo, évidemment. "Euh le club photo de mon université." précisa-t-elle pour qu'il puisse y comprendre quelque chose. "Et vous, c'est votre job ?" C'est vrai que peut-être certains étaient professionnels, après tout, peu avaient cette chance, mais les gens très talentueux s'en sortaient relativement bien et gagnaient correctement leur vie, aux dernières nouvelles du moins.

Elle comprenait ce que tu voulais dire, vraiment ? C'était étonnant. Enfin, beaucoup moins si finalement elle faisait également de la photographie. Je ne devais pas être le seul à me réfugier comme ceci derrière mon écran et ne voir mes photos que comme des images sans me poser des questions sur les émotions devant cet objectif. Mais contrairement à toi dont c'était une partie des études, ce n'était qu'une passion chez elle... quoi que pour toi, cela revenait au même, vu que tu faisais ces études par passion également. Quand elle parla de club photo, plus précisément d'un club photo universitaire, tu sautas sur l'occasion. Vous êtes aussi à Harvard ? D'un sens, c'était assez logique, la plupart des touristes ici étaient des gens d'Harvard, tu aurais même pu y penser avant. Je pense qu'on peut se tutoyer en tant qu'étudiants de la même université. Devyn, enchanté. Je suis en théâtre et arts visuels, cela tombe bien... et toi ?

"Oui, depuis quatre ans !" Et hop, une autre rencontre de Harvard. A croire qu'elle rencontrait plus d'étudiants de Harvard au Summer Camp, donc à Haïti, aux Bahamas, etc, que sur le campus de Cambridge. C'était fou quand même. Mais c'était pour ça qu'elle adorait participer au Summer Camp. "Alexia Dickins." se présenta la jeune femme en souriant. Théâtre et arts visuels, un artiste ! Chouette, elle avait de bons atomes crochus avec les Lowell en général donc avec les artistes. Elle s'intéressait beaucoup à la peinture, la danse et la musique notamment, en plus de la photographie. Et le cinéma, bien évidemment. "Je suis en informatique et réseautique." Et à la tête de sa propre start-up depuis un mois, mais elle avait l'impression de s'envoyer des fleurs quand elle le disait. "Tu es chez les Lowell alors ?" Elle en connaissait beaucoup, dont Cody et son ex Mace, mais elle ne l'y avait jamais vu, bizarre.

Six pour moi. Deux années de plus qu'elle donc, si elle suivait un cursus normale, sans redoublement ou même avance. Cela ne te dérangeait pas, tu ne considérais l'âge que comme un chiffre qui ne représentait pas forcément la maturité de la personne. Tu connaissais des jeunes bien plus intéressants à parler que certains professeurs par exemple, c'était pour dire ! Enchanté Alexia, Devyn Gale. Ce nom te disait vaguement quelque chose, mais tu supposais qu'il s'agissait là de la ressemblance avec Dickens, un auteur que tu appréciais et surtout éminent. En tout cas, on ne pouvait pas dire que sa passion se reflétait tellement dans ses études, vu qu'elle étudiait... l'informatique. Tiens, peut-être une camarade de Katanae finalement, même si elles n'étaient pas en même année, si ta mémoire ne te faisait pas défaut. Pas besoin d'en faire la remarque donc, tu passerais pour un idiot si elle ne la connaissait pas. Pas encore, à la rentrée seulement si tout se passe bien. Il fallait dire que trouver les artistes de Lowell étaient relativement simples, si on écoutait un minimum ce qu'ils disaient. Tu en fais partie ?