Les quelques dernières phrases d’Andy la laissèrent dubitative. Un jumeau ? Non, quand même pas… Ils ne pouvaient pas être jumeaux. Ils n’avaient pas les mêmes parents en plus. Evannah ne connaissait pas vraiment la famille de William, comme il était parti de chez lui depuis un bon moment déjà quand elle l’avait rencontré, mais il ne venait pas d’une famille très riche, et ça elle en était totalement certaine. « Non quand même pas… », répondit-elle. Elle voulait continuer mais elle faillit s’étrangler quand elle entendit les derniers mots d’Andy. « Pardon ?! ». Il se foutait d’elle, là, ou quoi ? Ni une ni deux elle attrapa la première chose qui lui passait sous la main – l’un des oreillers posés sur le lit –, et elle n’hésita pas à le lui foutre dessus. « Très drôle, McDougall, t’en a d’autres des comme ça ? ». Elle lui lança un regard pas très amical, mais elle se calma néanmoins. Les comparer… Ca ne lui était même pas venu à l’esprit ! Et en réalité elle ne voulait même pas essayer de faire une quelconque comparaison entre eux deux. Elle attrapa de nouveau le paquet de cigarette et elle en alluma une, trop stressée par ce dont ils parlaient. Elle avala une bouffée de fumée et elle repensa à ce qu’il lui avait dit. Des jumeaux. C’était impossible. Et en plus leurs dates de naissance ne correspondaient même pas. C’est vrai ! William était de mars alors que Andy lui il… Il… Elle perdit de nouveau toutes ses couleurs, devenant encore plus blanche que le mur, au moment où elle se souvint que le jeune homme avait fêté ses vingt et un ans il y avait peu de temps, comme William aurait dû le faire. Elle posa machinalement une main sur l’épaule d’Andy, un peu paniquée, comme pour avoir son attention, puis elle se tourna vers lui. « Andy… Une minute… Me dit pas que ton anniversaire c’était le dix-sept mars ? ». Angoissée, elle patienta le temps qu’il lui réponde, une boule au ventre. Elle préféra se reconcentrer sur la fumée qui provenait de la cigarette, beaucoup trop anxieuse à ce moment pour penser à quoi que ce soit d’autre. Ce n’était pas possible. Elle avait été tellement perturbée à l’approche de l’anniversaire de William qu’elle ne se souvenait même plus du jour où Andy devait fêter son anniversaire. Et puis tout ce dont elle se souvenait, c’était que l’anniversaire c’était il n’y avait pas tellement longtemps, mais rien d’autre.

C’était une blague. C’était forcément une très mauvaise blague. Ils avaient du mal comprendre. Elle avait du inverser des information, tout mélanger et tirer des conclusions qui n’auraient pas du être. Non, ce n’était pas possible. William et Andy ne pouvaient pas être jumeaux… C’était… impossible. Evannah pouvait voir qu’Andy n’était plus du tout dans son assiette lui non plus, et elle lui lança tout à coup un regard bien plus que paniqué. « Je voudrais bien te dire que c’est pas vrai mais… Mais là je suis aussi perdue que toi… » Elle était vraiment déboussolée, elle ne comprenait vraiment plus rien à la situation et elle paniquait sérieusement. William. Andy. Des jumeaux. Non. Ce n’était pas vrai. William l’aurait su et surtout il le lui aurait dit s’il avait un frère… Mais il n’avait plus aucun contact avec sa famille depuis longtemps… Et il pouvait ne pas être au courant… Non. C’était le monde à l’enver… « Il… il.. » . Elle n’arrivait pas à parler, elle n’arrivait pas à dire ce qu’elle voulait dire. C’était trop dur, et tout se bloquait une nouvelle fois au fond de la gorge. « Il est né le même jour que toi… ». Elle ferma une minute les yeux, comme pour réfléchir, mais elle les rouvrit immédiatement. Elle se leva très vite et elle se mit à marcher dans la chambre, à tourner en rond même, et elle chercha un moyen de se calmer. « C’est pas possible. Andy réagit, je me trompe forcément. Ou j’ai mal compris quelque chose… Tu peux pas être… le frère de William ». Elle le regarda avec un regard perdu, et elle voulait qu’il lui dise qu’elle se trompait, et que ce n’était pas possible. « En plus… Il ne m’a jamais trop parlé de ses parents ni de pourquoi il avait quitté la maison… Comme moi quoi, on ne voulait pas en parler et tout le monde le respectait mais… Il me l’aurait dit si il l’avait su… Il me l’aurait obligatoirement dit… Il ne pouvait pas me le cacher », affirma-t-elle. Il le lui aurait dit, c’était trop gros à cacher pour pourquoi y arriver indéfiniment. Et en plus il tenait beaucoup trop à elle pour faire des cachoteries. Ou tout du moins elle l’espérait. Elle en venait même à douter de William maintenant ? Les choses étaient de plus en plus graves pour elle…

« Pourquoi ils ne vous auraient rien dit ? ». Comment auraient-ils pu cacher le fait qu’ils avaient un jumeau alors qu’ils étaient dans la même ville ? Elle ne comprenait pas. Même pas ses parents qui, pourtant, étaient très doués pour cacher les choses, n’auraient pu lui cacher le fait qu’elle ait une jumelle. Pourquoi n’aurait-ils rien dit, ni à Andy, ni à William ? Elle se doutait bien qu’Andy ne devait pas avoir des liens très poussés avec ses parents, un peu comme tout le monde dans leur milieu, d’ailleurs, mais à ce point ? Imposer des décisions était une chose, cacher quelque chose de tellement important, c’était autre chose. C’était horrible. Et puis, comment auraient-ils pu vivre loin de leur fils ? Comment auraient-ils pu le laisser et ne pas se préoccuper de lui ? Elle se mettait à la place d’Andy, bien que difficilement, et elle était de nouveau triste, bien que ce soit un peu différent. Elle était triste pour Andy, maintenant, elle comprenait qu’il puisse être déboussolé, même si elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle le connaisse. « C’est horrible de vous avoir caché ça », dit-elle en ne prenant pas vraiment la peine de mâcher ses mots. Elle ne comprenait pas comment on pouvait mentir à ce point. Et puis pourquoi est-ce qu’ils les auraient séparés ? Pourquoi ne pas les avoir gardés tous les deux ? Andy avait de l’argent, beaucoup d’argent, et ses parents n’auraient pas eu de mal à élever un deuxième enfant… Les parents d’Andy n’avaient donc pas du abandonner un de leurs enfants, et il était possible qu’ils ne soient pas les vrais parents d’Andy… Elle était déboussolée. « Ca fait un peu beaucoup d’un coup, là.. », dit-elle finalement. Elle n’avait aucune idée de comment elle devait réagir. Et puis en plus elle n’avait pas franchement envie de voir Andy comme il l’était. « Tu penses que c’est possible ? », se risquait-elle à demander. Elle trouvait que c’était quand même un secret énorme, mais après tout, pourquoi pas ? Elle, elle était bien veuve alors qu’elle n’avait même pas vingt ans et les parents qu’elle avait faisaient tout pour camoufler ça. « On fait quoi ? », lui demandait-elle, toujours aussi perdue que ce qu’elle était un peu plus tôt. Elle n’arrivait pas à réaliser ce qui se passait et elle ne comprenait plus rien.

« Oui, certainement », dit-elle quand il lui proposa de changer de sujet. Et puis après tout, ça ne servait à rien d’épiloguer sur ce sujet. Ce n’était pas à minuit passé qu’ils arriveraient à élucider tout ça. Et puis ils auraient bien assez du reste de l’année scolaire pour en reparler. Voire même des autres années. Elle s’installa sur un fauteuil posé dans la chambre et elle termina la cigarette qu’elle avait commencée - et qu’elle aurait presque oubliée si la cendre ne lui était pas tombée sur le genou -, alors que Andy en allumait une. Elle le regarda prendre ses affaires, distraitement, alors qu’elle repensait toujours à cette histoire de jumeaux cachés, et puis elle lui jeta un coup d’œil étonné quand il lui parla du fait que ses fiançailles étaient brisées. Elle ne s’y était pas vraiment intéressée, mais elle savait qu’il était fiancé, de force, et que le mariage était pour bientôt. Mais elle n’était pas au courant de grand-chose d’autre. « Je ne m’en fiche pas », lui dit-elle avec un haussement d’épaule. Et puis après tout c’était tout à fait vrai, elle ne s’en fichait pas. Elle était surtout surprise qu’il lui en parle. Elle patienta, peut-être une minute, et puis elle reprit. « Tu veux en parler ? », elle lui demanda à tout hasard, et après tout, s’il lui en parlait, c’était peut-être parce qu’il avait besoin de parler à quelqu’un, et comme ils étaient là tous les deux et qu’il était quand même pas très tôt, c’était peut-être mieux de lui parler à elle que de chercher quelqu’un d’autre. Et puis elle trouvait aussi que parler de la vie des autres était beaucoup plus intéressant que de se préoccuper de sa vie à elle. Elle n’était pas trop curieuse et elle ne voulait pas non plus vraiment connaître la vie des autres, mais au moins elle pouvait penser à autre chose pour un moment, et ne pas continuer de déprimer pour toujours les mêmes choses. Et puis en réalité, elle appréciait de parler avec les gens. Ca changeait de quand elle restait toute seule. Même s’il fallait quand même reconnaitre que, pour le peu qu’elle était au courent, la vie d’Andy ressemblait plus à un feuilleton qu’à autre chose, entre le possible jumeau caché et les fiançailles annulées. « Enfin, évidement c’est comme tu veux… ». Il faisait comme il le voulait, elle ne se formaliserait bien évidemment pas s’il voulait uniquement rester là et ne pas lui dire d’avantage.

Etrangement, et bien qu’elle n’aurait pas pensé que ce soit possible, Evannah venait de trouver une personne qui, au niveau de sa vie privée, avait une vie encore plus pourrie que la sienne. Elle resta silencieuse pendant qu’il parlait, un peu surprise qu’il en soit à un tel point, et en un sens elle était désolée pour lui. A bien y réfléchir, ce ne devait pas être très facile de vivre ce qu’il avait vécu. Rien que le mariage arrangé, ce ne devait pas être bien gérable. Et elle se dit que, finalement, elle n’était pas si mal lotie. La situation qu’elle vivait n’était peut-être pas des plus agréables, mais néanmoins elle pouvait se dire qu’elle ne risqu’ait pas d’être mariée de force à un riche héritier, juste parce que ses parents l’auraient décidé. Après tout, qui pourrait bien vouloir d’une fille qui avait déjà été mariée ? Quel dommage qu’ils n’aient pas réussis à faire annuler son mariage. Ce devait être la chose qu’ils regrettaient le plus... Et en plus, elle espérait bien qu’ils ne chercheraient pas plus loin, et qu'il ne chercheraient pas à arranger quelque chose…

« Tes parents ont l’air d’être aussi cool que les miens… », dit-elle. Elle constatait ça platement, mais néanmoins un peu dégoutée pour lui. « Une chance qu’Elysia ait put t’aider, alors ». Etre déshéritée… Ce n’était même pas envisageable pour Evannah. Ou tout du moins, pas du moment qu’elle n’aurait plus d’argent. Elle avait toujours été élevée comme ça, et même si elle avait très bien vécu le fait de ne pas avoir un rond quand elle était en Angleterre, là, en plus de lui changer les idées, dépenser de l’argent lui permettait en quelques sortes de combler le manque. Elle n’irait pas jusqu’à dire que c’était plus facile, au contraire, mais au moins elle avait de quoi se changer les idées.

Elle ne put s’empêcher de rire quand il lui dit que les parent d’Elysia n’avaient certainement pas apprécié le fait qu’il n’ait pas hésité à tromper leur fille. « Je vois pas pourquoi », répondit-elle ironiquement, avec un sourire. Evidemment qu’ils n’avaient pas du apprécier. Ce n’était pas du tout étonnant. Mais d’un autre côté, ils auraient pu se douter que, s’ils n’avaient aucun sentiments l’un pour l’autre, ça aurait certainement pu arriver. « A mon avis, je me serais inquiétée si tu étais resté bien tranquile.. et plus particulièrement si tu ne l’aimais pas. Je ne pense pas que je t’aurais imaginé accepté l’avis de tes parents et ne rien dire… Mais je peux me tromper, évidemment ». Après tout, elle ne le connaissait pas plus que ça, et elle pouvait donc se tromper totalement sur son compte. Cependant, elle en doutait quand même un peu.

« Et ce qui est bien c’est qu’au moins maintenant tu peux te taper qui tu veux, comme tu veux et où tu veux. Enfin… je suppose ». A moins qu’il n’ait une nouvelle fiancée, ou même une copine, se dit-elle, amusée et sans se douter que ce soit possible.