Les choses étaient bizarres. Evannah ne comprenait pas tout à fait comment elles avaient pu dégénérer et elle n’aurait jamais pensé qu’elle finirait comme ça avec Andy. Elle n’aurait même jamais pensé qu’entre eux ça irait plus loin qu’un simple bonjour échangé quand elle le croiserait quelque part, tout du moins quand elle ne l’évitait pas. Elle regarda une minute autours d’elle, et elle attrapa un haut qui trainait au pied de son lit, après s’être relevée. Elle l’enfila en vitesse, et ellelle tendit ensuite la main afin qu’elle puisse prendre le paquet de cigarettes et le briquet qui trainait sur la table de chevet. Elle en prit une qu’elle alluma bien vite, et une fois qu’elle eu avalé une bouffée de fumée, elle sourit quand elle entendit la remarque d’Andy, toujours allongé à côté d’elle. Elle souffla à l’opposé du jeune homme, de sorte qu'il ne se prenne pas la fumée au visage, et elle se tourna ensuite vers lui pour lui répondre, amusée. « Ah oui ? Et je peux te demander comment tu me voyais ? ». Elle était amusée quand elle lui répondit, et elle se demandait vraiment s’il la voyait comme une jeune fille calme et bien rangée. Elle continua de sourire alors qu’elle se demandait ce qu’il pouvait bien penser d’elle, mais elle perdit bien vite son sourire, pour une mine un peu plus grave. « J’ai besoin de me changer les idées, et ça m’y a aidé », avoua-t-elle, finalement. Elle n’était pas du genre à parler d’elle, bien au contraire, et elle regretta de lui avoir dit. Elle ne s’en formalisa pas plus que ça cependant, bien trop habituée à se foutre complètement de l’avis des autres. « Oublie ce que j’ai dit », dit-elle après avoir pris une nouvelle bouffée de fumée. « C’est pas important ». Et puis en fait, si, ça l’était, mais elle ne voulait tout simplement pas l’avouer. Pour elle, parler d’elle n’était pas important du tout, bien au contraire, c’était plus un inconvénient qu’autre chose. Elle n’avait pas été habituée à ce que l’on parle d’elle, ou qu’on porte tout simplement attention au fait qu’elle pouvait ne pas aller bien. Elle faisait ce qu’on lui disait, et personne ne se souciait du reste. C’était nul. « La fumée te dérange pas ? ». Ce n’était qu’un moyen de parler d’autre chose, voilà tout. Et elle espérait que ça fonctionne.

Evannah ne comprit pas vraiment pourquoi Andy fronçait les sourcils, au début tout du moins, et puis son visage se décomposa totalement quand il lui parla de photos. C’était une blague ? Elle blémit à vue d’œil, et elle se leva d’un bond, après s’être complètement rhabillée. « T’es pas sérieux, là ? Des photos ? Quelles photos ? », demanda-t-elle, un peu trop précipitemment peut-être. « Ne me dis pas que… », elle s’approcha de la commode qu’il lui montrait, et elle tira le tiroir, angoissée à l’idée qu’il ait vu les photos qu’elle gardait précieusement avec elle. Elle les avait rangées à la va vite la dernière fois qu’elle les avait sortie. D’habitude, elle les rangeait un peu mieux, mais là, elle n’avait pas pensé à y faire vraiment attention. Et puis elle n’aurait jamais pensé qu’Andy viendrait fouiller. Elle trouva le petit tas de photo au fond du tiroir, et elle ferma les yeux, alors qu’elle retenait quelques larmes. « Merde, Andy, mais pourquoi t’es venu fouiller ici ? Avec tous les endroits qu’il y a dans ma chambre il a fallut que tu cherches là… ». Elle essaya de se recomposer un visage calme, puis elle lui fit de nouveau face. « Pourquoi t’es venu ? Qu’est-ce qu’elle avait de si intéressant ma chambre pour que tu décides de venir chercher je ne sais quoi ? ». Là elle paniquait presque. « Tu pouvais pas… Je sais pas, venir m’enquiquiner dans le parc ou quand je sortais de cours ? Ou même… j’en sais rien.. ». En réalité elle n’en avait rien à faire qu’il soit venu dans la chambre, ni même qu’il ai fouillé. Ce qu’elle ne supportait pas, c’était qu’il ait vu les photos qu’elle voulait garder pour elle. « J’en reviens pas que tu les ai trouvées… ». Elle s’assit au bord de son lit, avant de se prendre la tête dans les mains. Elle passa ses mains sur son visage, puis elle regarda à nouveau Andy. Il devait vraiment avoir des questions à lui poser. « Qu’est-ce que tu veux que je te dises, exactement ? », lui demanda-t-elle, résignée. « Parce que je ne suis pas sûre d’être capable de pouvoir tout te dire… ». Elle inspira un bon coup, c’était peut-être finalement le moment de tout déballer. Mais elle n’aurait jamais pensé que ce serait à Andy qu’elle se confierait.

Evannah n’osait même pas regarder la photo qu’Andy lui montrait. Elle avait le regard triste, terne, pire que d’habitude en réalité, et elle n’arrivait pas à se résigner à lui dire qui il était. Elle avait une boule dans la gorge qui l’empêchait de parler, et elle réfléchit un moment à la façon dont elle ordonnerait ce qu’elle dirait, pour ne pas tenir un discours trop décousu non plus. Elle respira puis elle essaya de lui répondre, un peu perdue. « Il… Il s’appelle William », dit-elle simplement. Evidemment, ça ne l’aiderait pas à comprendre, mais elle faisait ce qu’elle pouvait. Elle repensait à ce qu'elle avait vécu quand elle était encore à Londres. Elle se souvenait de sa rencontrer avec William, et de la façon dont elle avait du quitter l’Angleterre. Elle était triste, trop triste, au point même qu’elle avait presque du mal à ne pas pleurer. Mais elle ne voulait pas pleurer. Pas parce que c’était Andy qui était à côté d’elle, mais parce qu’elle ne voulait pas que quelqu’un la voit faible. « C’est mon… mon ex… mari », articula-t-elle difficilement. Voilà, elle l’avait dit. Elle avait enfin craché le morceau. Elle n’avait plus parlé de lui depuis des mois, et là elle avait enfin réussit à reparler de lui. Et le pire, c’est que ça la rendrait encore plus triste. « Il est décédé l’année dernière ». Une larme coula à ce moment-là le long de la joue, et elle la balaya rapidement d’un revers de la main. « Je pense que tu sais l’essentiel ». C’était triste mais elle n’était pas loin de la vérité. Elle ne lui avait pas parlé vraiment de lui, mais ce qu’elle venait de lui avouer était le plus important. Elle sourit tristement et elle secoua légèrement la tête de droite à gauche, quand elle regarda la photo qu’il avait avec lui.

C’était trop dur de repenser à tout ça, à l’époque où elle était heureuse et libre de faire tout ce qu’elle voulait, lorsqu’elle était avec William. Elle avait eu tellement de mal à y repenser depuis des mois que là, à en parler, la douleur qu’elle pouvait ressentir était presque inimaginable. Elle avait tout gagné en rencontrant William – la liberté, la possibilité de faire ce qu’elle voulait, la vie dont elle avait toujours rêvé, des amis, des gens qu’elle appréciait -, et à présent, elle avait tout reperdu dès le moment où il avait disparu. Elle ne pouvait plus continuer de vivre comme elle l’avait fait quand il était encore là, et en vérité, elle n’avait même plus l’impression de pouvoir vivre tout court. Elle ne trouvait plus d’intérêt dans grand-chose, elle restait seule la plupart du temps, quand elle ne sortait pas faire la fête et se changer les idées. Elle était peut-être dépressive, mais elle s’en fichait complètement.

Elle ne remarqua pas vraiment l’intérêt que pouvait porter Andy à la photo, un peu trop plongée dans les souvenirs peut-être, et elle n’y fit attention que quand il lui demanda si la photo avait été prise à Londres. Comment il le savait ? Elle releva un peu le regard, fronça un peu les sourcils, et elle s’installa à côté de lui pour mieux voir la photo qu’il tenait dans les mains. Elle regarda le paysage derrière eux, qu’elle connaissait bien. Un sourire un peu attendrit sur les lèvres, elle regarda la photos avec un peu de nostalgie. Mais elle, elle connaissait vraiment l’endroit parce qu’elle y avait vécu. Un touriste n’y aurait peut-être pas fait attention. « Oui, c’est là qu’on vivait. On venait souvent se promener à cet endroit d’ailleurs. C’est drôle que tu reconnaisses facilement. Tu y as beaucoup vécu ? », l’interrogea-t-elle. L’accent british d’Andy était parfaitement audible quand il parlait, mais elle n’avait aucune idée de combien de temps il avait vécu en Angleterre, ni même la ville d’où il était originaire. « C’est drôle d’à quel point vous pouvez vous ressembler quand même… ». Et ce n’était pas peu dire. Evannah avait d’ailleurs manqué de peu de perdre connaissance le jour où elle avait croisé Andy pour la première fois. Et elle n’aurait jamais pensé qu’elle trouverait le sosie de William quelque part à Harvard. C’était même beaucoup plus que bizarre, elle en était presque terrorisée.

Elle l’écouta lui expliquer qu’il était né à Londres et elle continua de relever les ressemblances qu’il y avait entre les deux garçons. Et elle note aussi qu’en fait ils s’étaient croisés, tous les deux. Elle était arrivée à Londres au moment où il partait pour Harvard. Plus ou moins. « Oh… ok.. C’est un peu l’inverse de ce que moi j’ai fait. Je suis partie de chez mes parents pour débarquer à Londres. Et c’est là que je l’ai rencontré ». Et puis en fait il devait peut-être un peu s’en ficher de sa vie mais elle cherchait aussi à changer de sujet. Et on ne pouvait pas vraiment dire que ce qu’elle essayait de faire fonctionnait vraiment, vu qu’elle reparlait encore de William. « Enfin… en tout cas maintenant tu dois mieux comprendre pourquoi j’essayais de t’éviter depuis que je suis arrivée ici.. Je n’avais rien contre toi personnellement ». Quitte à discuter… Elle pouvait toujours essayer de se justifier. Mais ce n'était pas vraiment le sujet car ce qui les intriguait tous les deux c’était le fait qu’Andy ressemble comme deux gouttes d’eau à William. Et qui plus est, il semblait qu’ils avaient même vécu au même endroit pendant des années. C’était carrément bizarre… « Il était originaire de Londres, lui aussi… », dit-elle. Elle constatait toutes les ressemblances qu’il pouvait y avoir entre eux, et plus ils discutaient, et plus elle se rendait compte que leurs similitudes n'étaient pas uniquement physique. « Bizarre… », dit-elle, un peu mal à l’aise à présent. Il n’avait pas tort, c’était de plus en plus tordu. « Peut-être que vous… vous êtes genre comme des cousins éloignés au dixième degré, quelque chose comme ça et la génétique a fait que vous vous ressemblez ? », dit-elle plus pour rire que pour autre chose. « Je rigole », dit-elle un peu plus triste. Elle essayait de trouver une explication rationnelle à tout ce qu’elle venait d’apprendre mais elle devait se résoudre à se dire qu’il n’y en avait pas. Et elle ne croyait pas du tout à cette histoire de cousin éloigné. Elle voulait juste détendre un peu l’atmosphère. Elle parlait d’ailleurs avec lui bien plus librement que ce qu’elle aurait pu penser, tout d’abord. C’était étrange mais ça ne la dérangeait pas. Au moins il y avait quelqu’un pour l'écouter à ce moment, même si c'était pour en connaître plus sur William. « Ce serait vraiment une énorme coïncidence. »