CODY&JACKIE ❥ allo bleeker bobo.

L’accidentée ne pouvait ni se lever, ni même rire à cause des multiples bobos qu’elle avait additionné. Et pourtant, elle avait envie de rire, vraiment envie de rire. Arrête de dire des conneries, j’ai mal. pouffa la Lowell, qui était à l’origine de toute cette histoire sur le caniche qui s’en allait porter plainte, naturellement. La question à propos de son enfant arriva bien vite au milieu de la conversation, elle lui était apparue au moment même où elle avait posé ses mains sur son ventre. La voix étranglée de son meilleur ami lui répondit qu’il ne savait pas. Son poing se resserra. Elle connaissait trop bien Cody depuis ses années, elle savait lorsqu’il mentait, elle savait lorsqu’il cachait des choses. Il avait ce tic de cligner plus rapidement des yeux. Cody.. dit-elle en penchant légèrement la tête, un peu plus inquiète. Tu sais… Est-ce qu’il va bien ? répéta-t-elle un peu plus fermement, prête à hurler pour qu’un médecin vienne lui dire comment allait son bébé, le petit être qui grandissait en elle depuis deux mois passés.

Voilà. Cody revenait dix ans en arrière quand, au collège, il se tapait toujours les rôles pourris dans la comédie musicale de l'école. Il n'avait pas le droit de jouer l'héroïque Roméo, le courageux Tristan, le brave Hercule. Il se coltinait l'arbre. Le putain d'arbre en arrière-plan, dont on ne verrait pas la différence s'il s'agissait d'un décor en plastoc. Le pire, c'est qu'à la moindre erreur, au moindre mouvement, il se faisait engueuler car l'arbre était censé rester immobile, ne pas faire de vague pour ne pas faire d'ombre aux personnages principaux. Encore une fois, Cody vivait l'expérience traumatisante de l'arbre, ce rôle pourri dont personne ne veut. Il détestait. Il voulait mentir, s'enfuir … Mais ça ne servait à rien. « Je suis désolé. » murmura-t-il en s'humectant les lèvres, incapable d'en dire plus. Il n'était pas triste pour cet enfant. Il était triste pour Jackie qui, même s'il s'agissait d'une erreur, s'y était grandement attachée.

Un coup de massue sur la tête. Ca aurait été franchement pareil que les mots qu'il venait de prononcer. Je suis désolé. Son bébé n'était plus là, disparu, envolé. Jackie n'était plus deux mais bel et bien une seule à nouveau. Elle voulait pleurer, mais les larmes ne montaient pas. Elle voulait parler, crier, se blâmer mais ses lèvres qui bougeaient ne produisaient aucun sons. Son regard se perdit sur la petite fenêtre de la chambre. Dehors il faisait beau, une légère brise semblait soufflée, agréable surement, les oiseaux chantaient. Et ici, dans cette chambre, elle apprenait que son bébé n'était plus qu'un souvenir. Son pou s’accéléra, et Jackie déglutit, de plus en plus assoiffée. Alors.. c'est fini avant même que ça ai commencé ? souffla-t-elle, tristement. Non, c'est pas vrai. J'te crois pas. Il peux pas être plus là. Hein dit ? Dit moi que c'est pas vrai Cody ! Les mots s'enchaînaient, elle avait le souffle coupé. J't'en pris, dit moi qu'c'est pas vrai. répéta-t-elle alors que les larmes lui montaient aux yeux, commençant à perler le long de ses joues.

Dire que Cody n'avait aucune idée de ce que ressentait Jackie était une grave erreur. Sa fille, il l'avait perdu. Pire que ça, même. Son ex la lui avait enlevé, l'empêchant cordialement de lui parler, de la toucher, ne serait-ce que lui parler. Il avait vécu dans une prison de cristal pendant plusieurs mois et oui, aujourd'hui c'était réglé, aujourd'hui, il avait la garde de Jess … Mais à quel prix ? Des mois de souffrance, de dépression intense, à ressasser les longues années passées avec sa fille, réduites en bouillie par une Maggie en furie. Il connaissait cette douleur, celle de perdre un enfant, sûrement plus que Jackie. Mais il laissa ses cicatrices et son vécu de côté pour lui murmurer ; « T'étais pas prête à en avoir un … Tu … Tu ... » Pourquoi n'avait-on pas écrit 'consoler ta meilleure amie qui vient de faire une fausse couche pour les Nuls' ? « Tu auras une belle famille. Avec un gars qui t'aime, avec un gars qui t'accompagnera, avec un gars qui te raccompagnera d'ailleurs. Tu … Je suis désolé, mais … Non, ne pleure pas, tu … Je crains. » fit-il en cherchant des yeux une boîte de Kleenex, légèrement en panique.

Non, c'était bel et bien vrai. Elle avait supplié à Cody de lui dire que tout ceci n'était qu'un mensonge, une bêtise, une blague de mauvais goût. Franchement, elle aurait préféré. Pas prête. Peut-être avait-il raison.. Même si sa décision avant l'accident penchait plus pour le garder, elle avait longuement hésité à avorter. C'était peut-être un signe du destin qui lui disait que ce n'était pas le moment pour elle d'être maman. Sa carrière professionnelle allait surement commencé après l'obtention de son diplôme et un bébé dans les pattes n'était surement pas le meilleur plan, surtout en tant que maman célibataire. J'étais prête. Pourquoi tu dis que j'étais pas prête ? Comment tu peux savoir si j'étais prête ou pas ? pesta-t-elle envers Cody. Non, elle ne devait pas s'énerver contre lui, elle ne le voulait pas. Il n'avait rien fait, ce n'était nullement sa faute ce qui lui arrivait. Une belle famille, un gars qui t'aime, un gars qui t'accompagnera.. Elle ferma les yeux, chassant l'image de Cody et elle de sa tête. Non, non, non, fallait vraiment que ça cesse ses visions qu'elle avait d'elle plus proche de Cody. C'était trop bizarre, et pas désagréable non plus d'un côté. Arrête, tu y est pour rien Cody. Tu crains pas. C'est pas toi. dit-elle en reniflant, essuyant d'un revers de la main les quelques larmes qui s'étaient échappées de ses yeux. J'ai pas envie d'y croire Cody, j'ai pas envie de croire que j'aurais pas d'enfant dans 6 mois et demi. Je m'étais trop attaché à ce p'tit monstre, j'le voyais déjà dans mes bras, dans son berceau, dans tes bras, ceux de Joan et ceux de Marika.. J'nous voyais déjà nous promenant dans Cambridge, au parc, au zoo.. Cody ! En deux mois et demi, Jackie s'était attaché plus qu'il ne le fallait à son bébé. Et pour cause, elle était tellement flippé d'avoir les mêmes problème que sa mère qu'être enceinte lui avait apporté tout plein de bonheur. Enfin, après avoir réalisé quoi.

Cody était prêt à tout accepter, il était prêt à se transformer en punching-ball humain si tant est que ça faisait du bien à Jackie. Il ne voulait que son bonheur, et même si son bonheur avait été détruit en l'espace d'un accident. S'il avait toujours su que Jackie ferait une excellente mère – il l'avait vu avec Jess, ça se voyait, ça se savait – il était persuadé que ce n'était pas le moment. Ce n'était pas son moment. Pas avec cet enfant sorti de nulle part, qui aurait dû grandir sans père, sans cette attache nécessaire à son bon développement. Tentant d'ignorer son mépris, il répondit en gardant son calme ; « T'avais pas ce regard qu'avait Maggie quand elle attendait Jess. » Maggie l'avait souvent pris pour un mec qui ne la regardait pas assez, qui ne montrait pas son amour … Bon Dieu si. Il ne l'avait jamais trouvé aussi belle qu'au moment où il l'avait mise en cloque, même s'il ne ressentait déjà plus d'amour pour elle. Il ne voyait pas chez Jackie les traits de femme épanouie que portait si bien Maggie, et ça c'était un signe. Elle évoqua cette vie qu'elle avait imaginé avec cet enfant à ses côtés et Cody sentit comme un déchirement dans sa poitrine. Ou plutôt, une greffe. Comme si on lui remettait en place cette partie qu'il avait perdu, maintenant qu'il était certain de récupérer Jess dans quelques jours. C'est vrai, ça faisait rêver la vie de famille. Il ne devait pas craquer, il ne devait pas céder. « Je te prêterais Jess. Vous irez au zoo, vous irez voir Joan et Marika … Un jour elle aura son premier copain, ses ragnagnas, elle aura besoin d'un soutif et je vais pas pouvoir gérer ces choses-là ! » Il essayait de lui donner de l'espoir autant qu'il le pouvait, de la faire sourire. Il serait là pour elle, toujours. Elle ferait une nounou parfaite, c'était certain. Une mère parfaite. Quand le moment viendrait.

Ce p'tit, Jackie s'y était attaché parce qu'elle savait que lorsqu'il viendrait au monde, elle aurait quelqu'un à aimer, à chérir, quelqu'un qui ne lui tournerait pas le dos de si tôt, quelqu'un qui lui donnerait autant d'amour qu'elle lui en donnerait. En fait, elle s'y était attaché par pur égoïsme. En le perdant, elle perdait tout ça, tout ce qu'elle attendait depuis des années : de l'amour. Alors oui, il avait raison. Et elle tourna la tête en soupirant, posant ses yeux sur la petite porte fermée. T'as jamais cautionné ce bébé de toute façon. Normal que tu n’ai pas vu ce regard.. Elle se voilait la face, c'était tellement plus simple que d'avouer qu'il avait raison. Et puis, elle n'aimait pas dire qu'il avait raison, il serait trop fier après et elle s'en mordrait les doigts d'avoir avoué. Quand on regardait la chose de plus près, les deux amis s'opposaient sur leur vie de famille. Tandis qu'un allait récupérer son enfant incessamment sous peu, l'autre le perdait. Ironie du sort. Les yeux rivés sur la poignée de la porte - elle attendait surement inconsciemment qu'un médecin rentre pour lui dire tout ce qu'il se passait, qu'elle ai l'avis d'un pro', un vrai - elle écouta Cody lui parler de Jess, et de tout ce qui l'attendrait quand elle sera plus grande. Un maigre sourire sur les lèvres, elle retourna la tête vers son meilleur ami. J'espère que d'ici tout ça, tu te seras trouvé une fille bien, une belle-mère pour Jess, la femme qui lui expliquera toutes ces choses là. Et puis Jackie aussi du coup. Elle tendit sa main, la posant sur celle de Cody. Et puis franchement, je t'ai toujours imaginé en train de répondre à ta fille qui te demandait ce qui était le mieux entre les tampons et les serviettes ! avoua-t-elle en riant doucement.

Il est vrai que Cody n'avait pas consacré énormément de temps à sa meilleure amie depuis sa grossesse. Elle portait cet enfant dans ce ventre, il ne le portait pas dans son cœur. Il avait donné son avis, on ne pouvait pas le blâmer pour sa sincérité. Aujourd'hui, qu'elle lui renvoie dans la gueule ses discours, il ne l'acceptait pas trop. Il essayait de la rassurer, d'éliminer ses remords du mieux qu'il pouvait en lui signifiant que ce n'était juste pas le moment propice pour connaître les joies de la maternité et la voilà qu'elle répondait avec mépris. OK. « Ouais. Parce que c'était une connerie. Tu l'aurais regretté toute ta vie. Et tu le sais. » lâcha-t-il tout aussi violemment qu'elle, entrecoupé de soupir d'exaspération. Si elle n'était pas agréable avec lui, il ne le serait pas avec elle. Son accident n'excusait pas son manque de respect. Chhhhh. Il ne fallait pas qu'ils s'énervent, pas dans une salle d'hôpital. Surtout, le combat ne serait pas équilibré … Cody avait une gueule de bois, lui. Heureusement, les mœurs s'adoucirent et la jeune femme avoua qu'elle espérait que son meilleur ami se trouve une fille bien. Il aimerait aussi. Mais si toutes les filles qui l'intéressaient se liguaient pour bien montrer qu'elles n'en avaient rien à foutre de sa gueule, du moins pour aller plus loin que de l'amitié, il risquait de ne pas la trouver, la fille bien. « Un jour viendra. » Lui aussi, il se séparerait de son célibat quand il serait prêt. Il grimaça en imaginant Jess lui poser des questions lorsqu'elle découvrira ses premières règles. Oh non putain. Machinalement, il posa ses mains sur ses oreilles, comme pour les boucher et ferma les yeux et s'exclamant comme un enfant ; « Ah naaaaan tais-toi s'il te plaît ! Je ne veux pas imaginer çaaaaaaa c'est pas le rôle du père ça ! » Non mais vous imaginez Cody, au rayon serviette, analysant chaque emballage pour choisir LA marque qui correspondra aux besoins de sa fille ? Plutôt crevé. Faites que d'ici dix ans, ils soient heureux, casé, sans avoir besoin de se soucier des problèmes de filles de sa fille.

Ils auraient pu jouer au ping-pong de la vérité sur le bébé de Jackie pendant longtemps, mais ça finirait mal et la Lowell n'en avait pas envie. Et puis de toute façon, l'enfant n'était plus là, ça ne servait plus à rien d'épiloguer pendant cent sept ans sur la bêtise ou non que c'était. Elle souffla, agacée de savoir qu'il avait raison. Lorsque ce fameux jour viendra, Jackie sera très heureuse pour lui, pour Jess, pour sa p'tite famille quoi. Elle ne souhaitait que ça, son bonheur. Alors ouais, c'est un peu gnangnan, mais c'est ce qu'elle voulait pour lui. Pour Joan. Pour Marika. Pour tout ceux qui lui étaient cher en fait. Tu m'la présenteras ce jour là, hein ? fit-elle avec un petit regard acéré qui en disait long sur ce qu'elle ferait dès qu'elle aurait son nom et son prénom. Jackie devenait un véritable petit agent secret lorsqu'il s'agissait des petites amies de Cody. Elle voulait savoir si elles étaient assez bien pour lui, même si au fond Cody s'en balançait de son topo qu'elle lui tenait à chaque fois, mais c'était plus fort qu'elle. Ses copines, elle les aimait pas. Jackie se mit à rire un peu plus devant Cody qui refusait d'imaginer cette période qu'il n'aurait pas d'autre choix que d'éviter avec sa fille. Alors c'est quoi ton rôle ? Intimider les garçons qu'elle ramènera chez toi ? fit-elle d'un air taquin. J'suis sûre que t'es ce genre de père en fait ! Le genre trop hyper protecteur qu'à pas envie qu'un mec puisse toucher à sa fille. Elle était persuadée que lorsque Jess ramènerait un copain à la maison, Cody lui poserait tout un tas de questions sur ses intentions envers sa fille. Pauvre garçon, il partirait en courant devant l'horrible papa Bleeker. Le pire, c'est qu'il serait tout content de dire qu'il venait d'épargner à sa fille des problèmes de coeur. Non sérieux, vous l'voyez pas comme ça Cody ? Oh mais trop que oui !

On venait de passer du bébé disparu aux futures copines de Cody. Euh … Après réflexion, Cody préférait encore s'engueuler avec Jackie au sujet de sa grossesse, le sujet semblait tellement plus léger que ça. Non parce que vous voyez, quiconque serait fier de présenter sa petite amie à ses meilleurs amis. Cody ? Non. À chaque fois, elle divulguait des commentaires mesquins quand la dite-personne avait le dos tourné, comme s'il avait le don de ne ramener que des filles que Jackie ne pouvait supporter. Du coup, il avait envie de poser son véto, là, maintenant, tout de suite. « ça va de soit. » répondit-il finalement en serrant les dents. Ah ce mec, il ne pourrait jamais mettre en compétence sur son CV 'sait dire non'. Ce petit intermède permit au Lowell de se détendre, si bien qu'il s'enfonça dans la chaise qu'il squattait depuis toute à l'heure. Perdu dans ses pensées, il fixait le rideau blanc de l'autre côté du lit de la jeune femme, sans pouvoir s'empêcher d'imaginer l'état du gars de l'autre côté. Il ne le connaissait pas mais s'il était vraiment responsable de l'accident de Jackie, il risquait de ne pas beaucoup l'aimer. Elle le tira de ses songes. « Tu vois, j'lui referais des scènes du parrain, genre habillé tout en noir, le sourire jusqu'aux pieds, des grosses chevalières à chaque doigt et un chat sur mes genoux. J'veillerais à ce que Jess reste célibataire tant qu'elle vivra sous mon toit. » Pauvre fille, elle ne savait pas ce qui l'attendait. « Et toi, je veux que tu ailles dans mon sens, genre aucun conseil pour l'aider avec les garçons, si ce n'est qu'elle ne doit pas en embrasser sinon elle se transformera en crapaud. Le conte de fée à l'envers. » En plus, ça pourrait inspirer une histoire pour le prochain métier de Jackie.