(+ Caleb) Que deviennent, que deviennent les Valses de Vienne...

Faire le mur. Cela devenait une habitude pour la jeune demoiselle de treize ans mais pourtant, là, Thaïs ne se trouvait pas dans son horrible famille à Dublin mais bien en voyage linguistique en Allemagne, elle n’avait donc aucune raison d’agir de cette manière. Disons simplement que les habitudes ont la vie dure, et puis la jolie blondinette voulait explorer les environs baignés par la lumière de la lune. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant une clairière de toute beauté, bien que celle-ci ne soit pas déserte. Au loin, un jeune garçon sûrement à peine plus âgé qu’elle, chantonnait en dansant. Il était… tellement gracieux que Thaïs en eut les larmes aux yeux. Hélas, elle dévoila sa présence en marchant malencontreusement sur une brindille sèche qui craqua dans un bruissement sonore. « Non n’arrêtez pas… c’était tellement beau… »

J’en avais marre. Encore une fois Stefen m’avait poussé à bout et bien entendu, je m’étais une nouvelle fois fait punir par mon père. Je détestais quand il avait ce regard où se mêlait une certaine déception. Il s’attendait à ce que je sois comme lui, capable de contrôler mes émotions, à canaliser ma colère mais je n’y arrivais pas, j’en étais incapable et puis mon frère m’énervait tellement. Stefen ne pouvait pas s’empêcher de nous mettre en compétition et bien entendu, il faisait tout pour me sortir de mes gonds et me faire perdre –et comme chaque fois, il avait réussi. Alors, comme d’habitude, je me rendais dans la clairière où je savais que je pourrais être seul et m’exprimer librement comme à cet instant précis où je chantais tout en dansant, me fichant bien de ne pas être parfait niveau technique. Il n’y avait personne…enfin presque parce que devant moi se trouvait une petite brune aux yeux bleus. « C’est faux, je ne chante pas bien… Qui es-tu ? » lui demandais-je intrigué, la tutoyant comme si je ne supportais pas la distance qu’elle nous imposait.

Thaïs était d’une timidité quasi maladive à cette époque, voilà pourquoi elle n’avait pas osé le tutoyer d’emblée malgré son âge. Oh elle s’était quand même exprimée en allemand, partant du principe qu’elle n’était pas venue jusqu’ici pour parler sa langue maternelle… mais ce jeune inconnu l’impressionnait. Elle s’approcha tout de même, pour ne pas paraître impolie et lui offrit un timide mais non moins présent sourire. « Moi je trouve que vous avez une voix magnifique au contraire. Je suis ici en voyage linguistique, dans la famille Krauss, et je m’appelle Thaïs. Hem… si vous préférez que je vous laisse seul, n’hésitez pas à me le dire, je ne m’attendais pas à trouver quelqu’un. »

« Non tu peux rester. A une condition… arrête de me vouvoyer, j’ai l’impression d’être un vieux chnoque » lui souriais-je doucement. Elle était vraiment belle avec son regard intimidé et son air de ne pas y toucher. D’ordinaire, les gens avaient tendance à ne voir que Stefen ou ma petite sœur alors oui, égoïstement, j’avais envie de garder cette fille près de moi, un peu. « Je m’appelle Caleb… Tu parles bien allemand au fait »la complimentais-je avant d’embrasser la clairière du regard. « Il n’y a jamais personne d’habitude enfin à part moi… c’est un peu comme un refuge »

« Oh pardon… d’ordinaire on me juge un peu transparente alors je me plie au moins à la politesse des gens » avoua-t-elle avant de se rapprocher encore, tendant sa main. « Enchantée Caleb, vraiment, et merci pour le compliment. Je n’ai pas un bon accent mais j’essaie au moins de pouvoir me faire comprendre… et ton refuge est vraiment paradisiaque » avoua-t-elle en achevant de s’approcher de lui, comme incapable de le quitter du regard.

« Transparente ? Pourtant tu es mignonne » rétorquais-je avec une certaine innocence. En général, les jolies filles étaient souvent les premières sur lesquelles, les garçons allaient. Du moins, c’est ce que j’avais tendance à observer. « Enchantée aussi Thaïs » lui dis-je en serrant sa main dans la mienne pour mieux lui faire un baise main. Mon père faisait toujours cela aux femmes et ça avait l’air de plaire alors pourquoi pas. « Tu peux rester ici autant que tu veux, cela me dérange pas de le partager avec toi »

Thaïs ne manqua pas de rougir à son compliment. « Il faut croire que tu es le seul à le penser mais… c’est gentil » avoua-t-elle avant de lui serrer vivement la main, s’étonnant diablement qu’il lui fasse un baisemain. Cela ne la fit rougir que de façon plus marquée, alors qu’elle était charmée par cette grande première. « Tu dansais vraiment superbement tout à l’heure… est-ce que tu accepterais de m’apprendre ? Je sais bouger de façon très approximative et sans technique, alors… »

Elle rougissait. C’était marrant car Thais devait bien être la première à rougir devant moi. D’ordinaire, les filles ne me calculaient pas vraiment du moins, avant que ma mère ne m’inscrive à cette histoire de boysband débile qui avait fait fureur durant plus d’une année avant que je n’arrive à faire entendre raison à mes parents. « C’est sincère en tout cas »haussais-je les épaules avant de pencher la tête sur le côté. « Si tu veux… Tu veux faire quelle danse ? Il y en a plusieurs mais je pense que la valse pourrait te plaire »

« Je n’en doute pas » avoua-t-elle, légèrement troublée, avant de prendre le taureau par les cornes et de lui demander de lui montrer son talent en danse. « Je veux bien une valse ! C’est romantique et très beau… par contre je ne sais pas du tout si je vais être douée pour ça et contrairement à toi, je chante très, très faux » reprit-elle en éclatant de rire pour détendre l’atmosphère.

Je lui souriais. J’appréciais beaucoup son humour mais aussi sa fraicheur, c’était tellement dépaysant que je m’approchais d’elle. « Je chanterai si tu veux » lui dis-je avant de prendre sa main pour la poser sur mon épaule. « Garde ta main là et ta tête comme cela »murmurais-je en l’aidant à avoir un léger cadre avant que je ne prenne son autre main dans la mienne et que glisse l’autre à sa taille. « C’est une valse en trois temps, tu n’as simplement qu’à te laisser guider par moi » ajoutais-je avant de lui faire esquisser quelques pas pour qu’elle comprenne le principe.