(flashback) Do you really understand me ?! (ft. Loukas)

« C’est plus sensé alors. » Je me contentais de hausser les épaules, visiblement son choix le ravissait, pourquoi s’étaler là-dessus ? Je ne voulais pas être intrusif dans sa vie privée, et ce n’était pas mon genre après tout, pas plus que celui de venir dans un bar picoler et discuter avec son voisin de tabouret, mais il fallait bien des exceptions à la règle non ? Je buvais alors mon verre cul sec et reprenais la conversation de l’armée qui visiblement nous rapprochait plus que je ne pourrais le croire. Je soulevais alors mon tee-shirt pour lui montrer les nombreuses petites cicatrices sur mon abdomen. Je laissais alors mon vêtement retomber tout en commandant un autre verre au serveur, c’était mon… impossible de déterminer, j’avais arrêté de compter à partir du second verre. « Disons que je n’aime pas recevoir d’ordre. Mortiers. » Je faisais alors la moue en me contentant de le regarder. Je me souviendrais toujours du jour où j’avais ouvert les yeux sur l’infirmière blonde qui m’avait sauvée. Elle me pensait anglais, tout ça parce que j’avais échangé un uniforme pour passer le temps, c’était stupide, mais en même temps je ne regrettais pas. « Ça plaît aux femmes. » Me contentais-je de dire à propos des cicatrices.

L’armée avait été une période à la fois sensée et stupide dans ma vie. Pourquoi j’avais choisi de partir ? Je l’ignorais, on m’avait légèrement poussé à y aller aussi, c’était soit ça, soit la taule et être déshérité. J’étais une tête brulée à l’époque, et à vrai dire, je l’étais toujours, je n’avais pas changé d’un poil. En face de moi, ce mec avait l’air parfaitement droit, on sentait presque qu’il pouvait donner des ordres dans le regard. C’était le genre de mec que je détestais d’habitude, le genre à hurler dès qu’une mèche de cheveux soit en bataille et non cirée comme on le demandait. C’était… ça que je détestais. Pourtant ici, je me sentais pas mal, je me sentais dans mon élément, je pouvais parler de l’armée avec lui, comparer nos expériences, disons que ça changeait de mes conversations de d’habitude. Je soufflais longuement, posant mon regard sur le verre en face de moi afin de réfléchir. D'un ton plus vague, je lançais « ça l’était, d’une certaine façon, j’ai toujours aimé cogner sur des types, et donner des ordres, avoir le droit de tout dire, tout faire, de l’autorité en quelque sorte. » Sauf que ça, je l’avais déjà avant d’aller à l’armée, donc au final, celle-ci n’avait pas servi à grand-chose. C’était une expérience comme une autre. Je lâchais un léger rire en reposant mon regard sur mon interlocuteur, histoire de lui montrer que je plaisantais... quoi que.

Je savais désormais que ce mec donnait des cours à Harvard, j’avais beau ne pas encore l’avoir croisé, je comptais bien ouvrir l’œil, après tout ce n'était pas tous les jours que l’on pouvait boire des verres avec un prof ainsi que parler de souvenirs rendant nostalgique. Il avait fait l’armée, moi aussi, et même s’il avait plus d’expérience que moi de ce côté, ce n’est pas pour ça qu’il pétait plus haut que son cul contrairement à certains commandants que j’avais pu fréquenter, c’est ça, entre autres, que j’appréciais chez lui. « Peut-être, j’en sais rien. Cette époque est révolue dans tous les cas. » Je n’avais pas vraiment abandonné l’armée, à vrai dire tout s’était passé très vite. Mon changement de costume, le tir de mortier, mon hospitalisation chez les Anglais, puis mon retour à New York pour régler les affaires de mon père avant qu’il ne fasse mettre en prison, puis ma venue à Harvard, un chemin plus que simple et classique. « Et toi alors, raconte-moi un peu. » Je me tournais légèrement vers lui, m’accoudant au bar afin de mieux l’écouter, après tout, je venais de lui raconter mon épopée, j’avais hâte d’entendre la sienne.

Me confier n’était pas mon genre, et a priori pas celui de mon interlocuteur non plus, en même temps, je ne voulais pas m’étaler sur sa vie, juste prendre part à ce qui pouvait être nos souvenirs communs. Je l’interrogeais alors vaguement sur son histoire, à lui de choisir s’il désirait vraiment m’en dire plus, et visiblement il était d’accord. Je l’écoutais attentivement pendant qu’il me racontait en quelques mots son parcours. Il était donc dans l’armée de l’air, je veux dire, pilote, quelque part j’admirais ça. « Ça devait être pas mal. » Bien sûr l’armée avait son lot de bonnes et mauvaises choses, mais piloter devait être quelque chose d’absolument passionnant. Personnellement j’avais plus l’habitude de me faire balader dans le jet de mon père qu’autre chose, mais prendre les commandes d’un avion de chasse, je n’aurais pas dit non. Disons que je l’enviais sur ce coup. Je portais alors mon verre à mes lèvres pour le finir en me rappelant un 14 juillet auquel j’avais assisté sur les Champs Élysées de Paris, je me rappelais des avions dessinant le drapeaux Français dans le ciel, il n’y a pas à dire, ça avait de la gueule.

« Comme je te comprends… » Je soufflais longuement en fixant les bouteilles en face de moi. Je fronçais alors ensuite les sourcils, qu’est-ce qu’il me prenait ? Ce n’était pas du tout mon genre de balancer des phrases du genre, bien au contraire. J’aimais ma vie, je l’adorais, j’avais une vie de pacha, la vie rêvée, et pourtant j’étais là, à me plaindre ? J’arquai alors un sourcil pendant que je partais de mes pensées. Le fait était peut-être dû à cause de la découverte de ma demi-sœur, que mon père, l’ancien maire de NY actuellement en taule n’était pas mon père biologique, déjà que je n’avais pas vraiment eu de famille… En parlant de famille, j’avais également appris que j’allais père parce qu’une conquête tombée enceinte par miracle était contre l’avortement, à croire que le destin voulait faire de ma vie un soap mouvementé. Je secouais alors légèrement la tête histoire de me remettre sur la terre ferme. Je me raclais alors la gorge et répondais « Je suis un simple étudiant, plusieurs coachs m’ont remarqué après l’armée, je tiens le club de boxe, je suis dans l’équipe de football, je mène une vie de débauche, bref la belle vie. »