(flashback) Do you really understand me ?! (ft. Loukas)

J’étais assis à ce bar depuis combien de temps, une demi-heure, peut-être une heure, à vrai dire, j’avais totalement perdu la notion du temps. Je ressassais juste quelques-uns de mes souvenirs alors que je portais plusieurs verres à mes lèvres. Une vodka, un Scotch, et quoi encore ? Ça aussi, j’avais perdu la notion qui me permettait de compter le nombre de verres ingurgités. Mon regard se perdait dans le fond de mon verre comme si celui-ci trouvait une solution aux tourmentes de mes nuits. Morphée n’avait pas voulu de moi cette fois-ci et je me sentais presque outré de son refus, après tout, j’avais besoin de dormir pour une fois. Contrairement aux autres soirs, je n’avais pas envie de compagnie féminine, je n’avais pas non plus envie de me retrancher dans une soirée où j’aurais fini totalement arraché, non, j’avais juste envie de boire quelques verres avant de rentrer et de me laisser tomber dans mon lit, seul. Soudain, un liquide se déposant sur ma main et mes fringues venait me sortir de mes pensées. Je relevais alors légèrement la tête pour voir le mec à côté de moi s’excuser. Je portais alors mon verre à mes lèvres pour le finir. J’aurais pu m’énerver, non j’aurais dû, car c’était mon caractère, j’aurais dû lui mettre une branlée comme je le faisais avec chacune des personnes me faisant un minimum chier, mais ce soir était le soir de toutes les exceptions non ? « Il n'aura pas fait long feu. Barman, deux autres verres s’il vous plaît. » Je regardais alors le barman me servir deux verres, puis je tendais le second à mon voisin de bar pendant que l’autre essayait ses dégâts. « À la tienne ! »

Ce soir était mon sort, celui où j’avais tout simplement baissé le masque, celui où les fantômes de mon passé ressurgissaient sans crier gare. J’avais juste envie de boire un verre, puis un autre, et encore un, l’alcool était devenu une addiction, comme la drogue, ou les femmes, et j’essayais de me sevrer ne serait-ce qu’une soirée. Pour l’alcool s’était foutu, j’étais déjà à mon troisième whisky et j’avais descendu les précédents sans vraiment m’en rendre compte. C’est sans doute pour ça que je n’avais pas envie de me battre ce soir, que j’avais fait tomber les armes. L’alcool me rendait pourtant foncièrement mauvais, encore plus si j’avais pris de la coke, mais il faut croire que ce soir était une exception. Trinquant, je portais ensuite mon verre à mes lèvres, comme le voulais la tradition, et j’en buvais une grosse gorgée, le reposant ensuite sur le bar collant. Je faisais alors tourner mon verre entre mes doigts et me mettais à sourire en écoutant l’inconnu. Un problème ? Est-ce que j’avais une tête d’un gars ayant des problèmes ? J’étais épanoui dans ma vie, j’avais de l’argent, les femmes que je désirais, je faisais ce que j’aimais, et pourtant, rien n’allait, du moins tout ne roulait pas forcément. Je relevais alors vers la tête vers mon voisin de bar et lâchais « Juste envie de changer les habitudes. » Oui car d’habitude j’aurais été sur mon canapé, avec deux femmes dans les bras en train de fumer et de boire jusqu’à ce que mon foie me rende totalement malade. « Et toi, qu’est-ce qui t’amène, une femme, un passé houleux ? »

Les sentiments étaient quelque chose que je ne comprenais pas, moi je n’avais pas d’attache, pas de boulet qui me rappelait sans cesse d’une copine m’attendait dans ses draps froids, le fait d’être volage me faisait peut-être dormir seul parfois, mais uniquement lorsque j’en avais envie. Et puis à quoi bon s’enfermer, s’attacher avec une seule femme si je pouvais avoir dans mes bras les plus beaux mannequins du monde ? La vie était peut-être mal faite pour certains qui ne trouvaient pas l’amour, mais moi j’étais heureux d’être comme je suis, volage. « Dans le mille. Soignons le mal par le mal ! » Disais-je en levant mon verre à la hauteur de mon visage, lui adressant un léger signe de tête. Je le finissais alors en même temps que lui et le claquais sur le bar dans un soupire de satisfaction. Je recommandais alors deux autres verres, je roulais sur l’or, les tournées n’étaient pas un problème, et je sentais que ce grand mec blond avait des choses à me raconter. Je me tournais alors légèrement vers lui et fronçais les sourcils, je l’observais alors longuement, il y a des choses qui ne trompent jamais. « Tu faisais partie de quelle armée ? »

Il y a des choses pour lesquelles l’instinct ne trompe jamais. Plus j’observais ce mec, plus je savais qu’il y avait une certaine droiture chez lui, une certaine autorité que je connaissais bien. Durant mon service militaire, j’en avais vu des vertes et pas mûres, il faut dire que j’avais connu le trou bien plus que l’accumulation de la peine de toute mon infanterie, après tout ce n’était pas ma faute, s’il y a bien quelque chose que je détestais, c’était recevoir des ordres de mecs bedonnant aux cheveux grisonnants qui se pensaient supérieur. En humilier certains m’avaient presque fait perdre ma place au sein de l’armée, mais j’étais insouciant à l’époque, je m’en foutais totalement. « Félicitation pour ta promotion alors ! » Je levais mon verre avant de le reporter à mes lèvres pour faire brûler encore un peu plus ma gorge sèche. Je souriais largement, évoquer l’armée me rappelait des tas de souvenirs, des bons comme des mauvais, ça me rappelait surtout toutes les conneries que j’avais faites, comme me retrouver par erreur dans l’armée Britannique, me faisait soigner par eux. Je repensais alors aux cicatrices qui parsemaient mon corps, et aux débris de mortiers toujours dans mon corps. « Yep ! »

Ce soir, la partie fêtarde, totalement légendaire, s’était tout simplement évaporée, j’étais comme un gars normal, dans un bar miteux, très discret, à enchaîner les verres et à parler à un inconnu, à parler de ma vie privée qui plus est, chose que je ne faisais jamais d’habitude. Mais je sentais, étrangement, qu’il partageait un peu ma peine, si peine il y a eu, bref je sentais que quelque chose me liait à lui d’une certaine manière, et je n’avais pas tort. « On a toujours le choix non ? » Je fronçais les sourcils en attrapant mon verre, j’avais parlé trop vite, c’était sorti tout seul, et visiblement à sa tête, ce n’était peut-être pas la réponse qu’il attendait. Je reposais alors mon regard sur le bar, j’aurais été à sa place, j’aurais certainement foutu mon poing dans la gueule du mec qui m’aurait dit ça, après tout, je détestais ce genre de phrase. Je me contentais alors de hausser les épaules, comme s’il ne s’était rien passé, pour faire table rase de cette minute. « Disons que je passais plus de temps au trou qu’autre chose, oh et puis il y a ça aussi… » Je posais alors mon verre après avoir pris une gorgée, puis je soulevais mon tee-shirt pour lui montrer mon torse et mon abdomen criblés de cicatrices.