JUDILLIE > replongeons en enfance.

C’est pas parce que je n’avais pas fait la morale que ça ne voulait pas dire que je ne m’inquiétais pas pour ma meilleure amie. Au contraire même. Je savais ce que c’était d’être accroc à la drogue. Je savais à quel point c’était dur d’être clean et je savais parfaitement ce que ça faisait d’avoir envie de replonger dès que quelque chose n’allait pas. Mais je m’en voulais énormément de ne rien avoir vu. J’avais clairement l’impression d’être un meilleur ami de merde. « Dis toujours, mais j'peux rien te promettre. » Je me pinçais la lèvre et je regardais Aaron en attendant quelques secondes. Comment est-ce que j’allais lui demander ça au juste ? Sans que je ne manque trop de tact. Je me raclais alors un peu la gorge, finissant alors par demander. « Est-ce que tu continues ? », balançais-je avant de regardant Billie. « Est-ce que tu te drogues encore ? » Non parce que si elle continuait malgré son overdose, je comptais bien intervenir. Je m’en fichais de devoir la renvoyer en désintox sans lui demander son avis. J’avais réussi une fois, j’allais réussir une deuxième fois. C’était pour son bien que je voulais faire tout ça au fond. Pour qu’elle arrive à être libérée de cette merde.

On était là pour s'amuser tous les deux, aller faire des sauts périlleux sur un trampoline et profiter d'Aaron un peu pendant qu'il était libre de ses séances de chimio, mais ça n'effaçait rien, il ne fallait pas que je l'oublie. Mes erreurs, ma rechute dans la drogue, mon overdose, le fait que j'aie menti à tout le monde pendant plusieurs mois .. tout ça, c'était bel et bien présent et ça planait au-dessus de nous comme un vilain nuage. Je savais pertinemment que sa question allait se porter là-dessus. Je n'avais pas réellement fait d'autre connerie à priori, donc .. hey, Sherlock. Tentant de rester détendue, mais sentant mon corps se crisper quand même, j'attendis sagement que ça tombe. « Est-ce que tu continues ? Est-ce que tu te drogues encore ?» C'était l'une des premières choses qu'Alex m'avait demandé à mon réveil, donc je m'y attendais un peu. Là, j'avais le choix : lui mentir ouvertement ou avouer. Parce qu'évidemment, je continuais. Evidemment. Soupirant, je m'arrêtai de marcher et fis un quart de tour pour me trouver face à lui. « Et si .. on oubliait cette histoire pendant une heure ou deux ? » lui demandai-je avec un sourire timide, malgré cet aveu non prononcé. C'était ma façon de lui demander de ne pas approfondir le sujet, ma façon de lui avouer que oui, je continuais malgré tout.

Je ne pouvais pas ne pas lui demander. Je ne voulais pas l’engueuler, je ne voulais pas qu’on se dispute, qu’elle se fâche, qu’on hausse le ton… j’voulais vraiment qu’on passe un bon moment. Mais avant qu’on fasse les cons comme on avait si bien l’habitude de le faire, je voulais être sûr et avoir une réponse à cette question qui semblait essentielle. Je vis tout de suite à son regard et à sa posture que ma question la gênait. Elle n’avait même pas besoin de répondre, rien qu’à son attitude, je comprenais que la réponse était oui. Et ça me foutait froid dans le dos, parce que j’étais terrifié à l’idée qu’elle refasse une overdose. Si elle avait été jusqu’à faire une overdose, c’était qu’elle était une grosse, grosse consommatrice. Elle s’arrêta de marcher et je fis de même, me tournant pour être face à elle et à mon fils. « Et si .. on oubliait cette histoire pendant une heure ou deux ? » Je fronçais les sourcils et j’hochais la tête, « Si tu veux, mais t’y échappera pas Billie.. » Et j’espère qu’elle était consciente que j’étais prêt à la faire interner de force dans un programme de désintox une fois rentrés à Cambridge. Je me remis alors à marcher, glissant mes mains dans mes poches, « Bon, c’est encore loin ? », demandais-je avant de me mettre à sautiller, « J’veux faire du trampoline j’veux faire du trampoline ! »

« Si tu veux, mais t’y échappera pas Billie.. » Oh ça, je m'en doutais un peu. Mais même si je m'en doutais, ça ne m'empêchait pas d'avoir peur des réactions de mon meilleur ami. J'veux dire, en juillet j'avais replongé et il n'avait pas attendu que je fasse une overdose pour m'envoyer à coups de pied au cul en centre de désintox. Alors là .. bordel et dire que si j'avais su me contrôler ce fameux Samedi, ne pas prendre une dose trop forte qui m'avait fait basculer, j'aurais probablement pu continuer à leur cacher jusqu'à prendre la décision moi-même de m'arrêter. Enfin ça, c'était si je décidais un jour d'être clean à nouveau. « Deux heures, Jude. » C'était tout ce que je demandais, deux heures avec mon meilleur ami. J'étais heureuse de voir qu'il acceptait, heureuse de le voir se mettre à sautiller partout, impatient. « Bon, c’est encore loin ? » Je fis un fin sourire et si je n'avais pas eu Aaron sur la hanche, j'aurais sautillé de joie avec lui. « J’veux faire du trampoline j’veux faire du trampoline ! » Cette fois, je rigolai de bon cœur, montrant du doigt un bâtiment gris à une centaine de mètres. « C'est juste là, on y est presque. » Moi aussi j'avais envie de faire du trampoline, j'avais un trop plein d'énergie à dépenser. « Je vais t'éblouir, je sais faire des salto. » dis-je en levant le menton, prenant un air fier.

« Deux heures, Jude. » Je me contentais d’hocher la tête sans rien ajouter de plus. Deux heures, c’était noté. Deux heures top chrono même. J’espérais qu’elle avait au moins conscience que je ne jouais pas le mec méga chiant parce que ça m’amusait, au contraire. Je trouvais ça plutôt ironique d’être celui qui lui donnait toujours un gros coup de pied dans le cul concernant la drogue, sachant que je n’étais pas mieux du tout. Et sachant qu’elle l’avait elle même fait un an et demi plus tôt. Mais c’est comme ça que ça marche une amitié, non ? On s’entraide. Je changeais alors de sujet (sans pour autant l’oublier) pour demander si on était encore loin du gymnase. Ma meilleure amie pointa un bâtiment gris en me disant, « C'est juste là, on y est presque. » Un sourire se dessina sur mes lèvres alors qu’elle ajouta, « Je vais t'éblouir, je sais faire des salto. » J’éclatais de rire, « Ah bah j’ai hâte de voir ça tiens ! » Je me penchais vers Aaron pour déposer une bise sur sa joue, « Et toi ? T’as pas hâte de voir tata Billie faire un super salto ? Elle t’apprendra, j’en suis sur. » On approcha le bâtiment et je laissais Billie l’ouvrir, reprenant Aaron dans mes bras pour ne pas qu’il la gêne à ce moment-là.

Il avait accepté de me donner deux heures de tranquillité et je me sentis aussitôt libérée d'un poids. Même si c'était court, c'était toujours ça de pris. On arrivait près du gymnase et je voulus me la racler un peu, donc je lui parlai des saltos que j'avais appris à faire récemment. Je rigolai avec lui, haussant les sourcils pour voir ce qu'il allait répliquer. « Ah bah j’ai hâte de voir ça tiens ! » Tu m'étonnes ! Hey, j'étais capable de faire ça sans me péter une jambe et c'était beau, quand même. « Et toi ? T’as pas hâte de voir tata Billie faire un super salto ? Elle t’apprendra, j’en suis sur. » dit-il à Aaron en le reprenant pour me libérer les mains. J'attrapai les clés et ouvris la porte, la tenant pour qu'on se faufile à l'intérieur du gymnase. Je trépignai, complètement surexcitée. « Allez, allez ! » Fermant derrière eux, je filai ensuite à toute vitesse à travers les agrès et jetai mes chaussures aux pieds du trampoline. Ni une, ni deux, je montai dessus et commençai à rebondir en faisant face à mon meilleur ami. « Come oooon ! » le pressai-je en ralentissant le rythme, me préparant au moment où il voudrait glisser Aaron sur la toile.

Je ne comptais pas vraiment remettre le sujet sur le tapis tout de suite. Parce qu’on était là pour passer un bon moment tous les trois. Mon rôle de meilleur ami n’était pas uniquement de lui faire la morale quand elle faisait quelque chose de débile. Mon rôle de meilleur ami consistait aussi à lui changer les idées, histoire qu’elle ne broie pas du noir. Une overdose ça n’est pas rien, et j’étais bien placé pour savoir que si elle avait recommencé à se droguer, c’était parce que tout n’allait pas bien dans sa vie. Arrivant près du bâtiment, je repris Aaron dans mes bras pour la laisser ouvrir une petite porte. « Allez, allez ! » Je me faufilais à l’intérieur alors qu’Aaron éclata de rire, certainement en voyant Billie aussi surexcitée. Elle se mit alors à courir vers le premier trampoline visible et je sentais Aaron s’agitait dans mes bras parce qu’il voulait la suivre. Je la rejoignais quant à moi tranquillement, « Come oooon ! », dit-elle alors qu’elle sautait comme une petite fille sur la toile. Je ris et je posais Aaron à terre, « Attends, faut enlever tes chaussures » Je l’asseyais sur le bord dur du trampoline pour lui retirer ses sandales et je l’aidais à se lever pour aller près de Billie. « Fais comme Billie, sautes ! » Aaron regardait la demoiselle faire et il explosa une nouvelle fois de rire. Il n’avait même pas besoin de sauter puisque les sauts de Billie le faisait rebondir.

Courant comme une dératée, je n'avais pas hésité à me jeter sur le trampoline, rebondissant sur le dos pour me remettre sur mes pieds. Bras dans l'air, je continuai mes rebonds, regardant mon meilleur ami arriver en compagnie de son fils. « Attends, faut enlever tes chaussures. » Je sautais moins rapidement, moins violemment aussi et continuai de réduire la force de mes rebonds jusqu'à ce qu'Aaron puisse enfin grimper avec moi. « Fais comme Billie, sautes ! » Gloussant de rire, je sautais le plus doucement possible histoire de ne pas le faire valdinguer, mais il rebondissait quand même grâce à moi. Je me mis à genoux près de lui, attrapant ses petites menottes entre les miennes. « Allez, plus haut. » dis-je en le regardant sauter avec précipitation. Puis j'interpellai Jude en le regardant. « Tu viens, papa ours ? » Ben oui, après tout c'était d'abord pour lui que j'avais déniché ce gymnase, alors s'il se contentait de regarder ..

C’était excellent de voir Aaron qui n’avait même pas besoin de sauter pour rebondir sur le trampoline. Rien que les rebonds de ma meilleure amie le faisaient rebondir et je voyais bien sur son visage qu’il était heureux. C’était la plus belle des récompenses sérieusement. Il avait une année tellement difficile (et je culpabilisais à mort d’ailleurs car c’était à moitié de ma faute) que je faisais tout ce que je pouvais pour pouvoir voir un sourire s’afficher sur son visage. Billie se baissa pour prendre ses petites mains dans les siennes en lui disant, « Allez, plus haut. » Aaron éclata de rire et il essaya de sauter. J’applaudissais mon fils alors que ma meilleure amie me demanda : « Tu viens, papa ours ? » J’hochais la tête et je retirais mes chaussures pour arriver sur le trampoline. « Mh… tu penses pas qu’y’a un poids maximal à ne pas dépasser ? » Je ris,« Pas que j’dis que t’es grosse hein, mais j’ai pas envie qu’on pète le bidule ! » Je baissais les yeux vers Aaron qui, insouciant, continuant de gigoter sur le trampoline pour essayer de rebondir.

J'étais heureuse de pouvoir enfin passer un peu de temps avec Aaron. Depuis qu'il avait commencé sa chimio, je n'avais pas pu le voir. La dernière fois que je l'avais vu, c'était pendant l'épidémie, quand j'étais allée passer quelques heures avec lui alors que Jude devait aller en cours. J'avais d'ailleurs eu la frousse de lui avoir refilé quelque chose quand je m'étais fait enfermer en quarantaine quelques jours plus tard. God, ç'avait été affreux. Ça me faisait aussi un bien fou de me retrouver avec mon meilleur ami, j'avais peur qu'on perde encore notre relation suite à mon overdose et pourtant, on était ici aujourd'hui, à rire aux éclats. Je le pressai pour qu'il nous rejoigne et il s'exécuta après avoir retiré ses chaussures. « Mh… tu penses pas qu’y’a un poids maximal à ne pas dépasser ? » Je secouai la tête en riant, continuant de sautiller avec Aaron. « Pas que j’dis que t’es grosse hein, mais j’ai pas envie qu’on pète le bidule ! » Je rigolai et me remis sur mes pieds, tenant toujours les mains de son fils dans les miennes. « Non, en trampoline ils font souvent des compétitions en duo et vu comme ils sautent comme des malades, je pense qu'on est larges. » Je levai une main vers son ventre et le tâtai comme s'il avait une bedaine en rigolant. « À moins que t'aies pris quelques kilos en cachette. »