You are my father, but you abandoned me | Kaleb & Nikolaï

Une journée de cours venait de s'achever, j'en avais clairement ras-le-bol, sachant qu'en plus de ça ce soir je travaillais encore tard, de toute façon j'étais obligé de me tuer la santé au boulot, sans quoi je n'avais aucun moyen de payer mon loyer. Je sortais alors de cours tranquillement, sans me rendre compte qu'on me suivait jusqu'au parking de l'université. Cette vie passée ne cessera donc jamais de me pourrir l'existence. Alors que j'étais sur le point de rentrer chez moi, mon ancien dealer arriva à mes côtés accompagné de deux de ses potes. Ça faisait de nombreux mois que je devais le payer, je pensais qu'il m'avait oublié mais visiblement non. À peine le temps de m'expliquer que le dealer en question me frappa un bon coup en pleine face, un coup que bien évidemment je lui rendais en colère. Mais rapidement ses deux potes m'ont rué de coups afin de me mettre à genoux, m'attrapant chacun un bras pour me tenir devant mon ex dealer qui m'insultait de tous les noms, me faisant très bien comprendre qu'il en avait marre d'attendre son argent. Va te faire enculer. Répondais-je simplement avant de lui cracher à la face. Sans plus attendre il commença alors à me mettre une bonne droite, suivie d'une gauche et ainsi de suite, le sang commençant à couler de mon nez, incapable de répondre à cause des deux autres types me tenant par les bras.

Avec un verre dans le nez et une clope au bec, je venais de me garer pour aller à un cours de russe après avoir passé une aprem en réunion dans mon nouveau pôle de l'armée. C'était pas facile de bosser à distance pour la russie ou l'ukraine, mais avec les ambassades c'est pas non plus très compliqué. Au moins je côtoyais toujours plus ou moins des personnes de mon pays, ça ne me dépaysais pas trop. Mais ma femme me manque toujours autant, et ça, rien ni personne ne pourra la remplacer ou combler le manque. A part peut-être mon fils. C'est pour lui que je suis venu aux Etats-Unis et j'avais pas été foutu de lui annoncer qui j'étais vraiment pour lui encore, alors que j'avais déjà parlé avec lui, mais non, moi le mec de l'armée j'avais soudainement plus du tout de courage, et pourtant j'en avais eu quand je jouais encore au petit pilote de chasse. D'ailleurs j'apercevais des types un peu plus loin dans le parking et je crus reconnaître mon fameux fils .. Merde putain c'est lui, qui est en train de se faire tabasser. Je me suis alors mis à courir vers eux, et ais attraper par le col de leur manteau, les types qui s'en prenaient à mon garçon. Ils n'avaient aucune chance face à moi. Je suis grand et carrément bien entraîné depuis bien longtemps. Je les relâche et les poussant violemment, tellement qu'ils s'écroulèrent à terre. Dégagez. Lançais-je simplement mais froidement.

Je sais me battre et me défendre, mais que faire contre trois mecs ? Pas grand-chose si ce n'est recevoir les coups encore et encore. J'essayais tant bien que mal de me débattre, mais les coups me faisaient presque perdre connaissance, cependant quelqu'un arriva en courant vers nous, dégageant les types qui me tabassaient. Monsieur Grygorenko le nouveau professeur de russe, il me prenait beaucoup moins la tête que le précédant qui était toujours sur mon dos à cause de mes notes pas toujours au top. Sans lui je serais peut-être dans un état pire que celui-là. Merci. Disais-je en reprenant doucement mes esprits, m'aidant du sol pour me relever. Je prenais un bon bol d'air frais avant de passer ma main sur mon nez, essayant de stopper le saignement. Mon regard se tournait vers mon professeur. C'est peut-être trop vous demander, mais si vous pouvez éviter d'en parler au Doyen .. J'ai un passif assez important et avec une embrouille de plus, je risque de prendre cher. Oh oui j'ai un sacré passé ici, pas mal de conneries même si je me suis clairement calmé depuis ma cure, mais je préférais tout de même éviter une histoire de plus, même si son rôle de professeur lui ordonnait probablement de faire part d'une telle histoire au Doyen de l'université.

Le voir à terre, mon enfant, celui que je n'avais jamais pu connaître, ne me réjouissait pas le moins du monde. Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas comment réagir, comme toujours à vrai dire, faut dire que je suis pas le plus doué pour les relations humaines. Je le regardais donc simplement se relever, alors qu'il pissait le sang, incapable de faire le moindre mouvement ou de dire autre chose. Je restais simplement de marbre, alors qu'à l'intérieur je me posais des tonnes de questions et que j'étais tétanisé par cet être qui pouvait facilement me ressembler. Il me demanda par la suite de ne pas en parler au Doyen, vu qu'il n'avait pas été un élève très modèle par avant, et ça bien sûr je ne le savais que trop bien. Je secouais légèrement la tête en signe d'acquiescement. Ne t'en fais pas. Qu'est-ce qu'ils te voulaient ces types ?! Lui demandais-je presque tel un ordre. L'armée reste dans mes gênes et surtout ceux d'un commandant. Je n'allais tout de même pas traiter mon fils comme un soldat, mais pour éviter tout rapprochement à ce que je suis réellement pour lui, c'était ma seule défense.

Qu'il garde cet épisode pour lui, ça me rassurait légèrement. Non pas que j'avais peur du Doyen, j'avais simplement peur de décevoir une nouvelle fois ma mère si je venais à me faire renvoyer suite à une énième connerie. Elle a tellement fait pour moi, elle s'est même démenée pour trouver un moyen de me payer une cure de désintoxication, je me devais alors de tout faire pour éviter de la rendre de nouveau malheureuse. Il me demanda ensuite ce que me voulaient ces types, sur un ton assez froid qui ne me faisait pas réellement peur, étant donné qu'au fond j'étais souvent comme ça moi aussi. Des connaissances d'une vie passée .. Disais-je un peu froidement, ça me fait toujours autant mal de repenser à cette vie, à ces journées de défonce tout ça pour oublier celle qui m'a tellement apporté dans ma vie. Je leur dois de l'argent, mais ça ne se reproduira pas, je vais trouver un moyen de payer ma dette et ils n'auront plus aucue raison de revenir. Concluais-je. Je me voyais mal dire à mon professeur que je devais de l'argent à un dealer, même si mes propos pouvaient clairement le laisser comprendre. Je tirais légèrement sur mon pull pour pouvoir essuyer mon nez qui saignait toujours autant, j'ai pris une bonne correction.

Je voyais bien qu'il essayait de cacher un maximum ses problèmes face à moi, mais parce qu'il me considérait seulement et simplement comme un prof. J'avais envie de tout lui avouer, de l'engueuler comme j'aimerais le faire pour mon gosse, comme je l'ai fait souvent avec ma fille, mais non, je ne pouvais pas, je n'y arrivais pas, alors je le regardais simplement et je voyais mon reflet dans un miroir quand il parla de cette façon froide et neutre. Ça me faisait presque sourire, mais je crois que même le coin de ma bouche ne s'était pas dressé. Seulement quand il rajouta qu'il devait de l'argent à ces types, je me suis mis à stresser de l'intérieur, ayant peur qu'il n'ait replongé dans la drogue et que cette cure que je lui avais payé n'avait servi strictement à rien Tu vas pas me dire que t'as replongé dans la drogue gamin ?!? C'était sorti tout seul, légèrement avec le ton haussé, mais toujours de façon aussi froide, je n'arrivais pas à me laisser aller naturellement alors là on avait sûrement juste l'impression que j'avais un balai dans le cul, encore plus que d'habitude. Sisi un aspirateur je dirais plutôt, mais pas sûr que mon gosse apprécie ce que je viens de dire. J'avais merdé, mais maintenant c'était trop tard.

Je n'ai jamais été ce genre de type qui croque la vie à pleine dent, même si j'ai eu quelques périodes plus joyeuses, comme ces deux merveilleuses années aux côtés de ma bien-aimée, mais aujourd'hui c'était différent. J'avais beau me forcer à sourire devant mes potes, devant ma mère, je n'en restais pas moins blessé et détruis de l'intérieur. Puis soudainement après ma courte explication, il me demanda si j'avais replongé dans la drogue. Replonger dans cet enfer ? Plusieurs fois cette idée m'a traversé l'esprit, mais je lutte contre mes vieux démons et je ne compte pas abaisser les bras maintenant. Non ! Je n'y touche plus depuis des mois .. C'est juste que j'ai jamais eu les moyens de payer auparavant. Et ce genre de gars ça n'oublie jamais les dettes qu'on leur doit.. Disais-je en le regardant dans les yeux, puis d'un seul coup une question me trotta dans la tête. Comment sait-il ? Comment sait-il que j'ai arrêté la drogue ? Puisqu'il m'a demandé si j'avais replongé dedans, c'est qu'il était au courant du reste. Pourtant il était à Harvard que depuis un mois si je ne me trompe pas. Comment vous savez que j'ai arrêté ? Demandais-je en fronçant les sourcils oubliant pratiquement le sang coulant de mon nez et s’incrustant sur ma peau.

Avec la réaction qu'il me donna, au moins j'étais sûr qu'il n'y avait pas touché depuis sa désintox, mais aussi j'ai bien cru qu'il n'allait pas tilter ce que je lui avais dit, parce que je ne suis pas sensé être au courant, il ne me semble pas que au bout d'un mois n'importe quel prof sache tout de la vie d'un étudiant. Mais voilà, même en restant de marbre face à ce qu'il m'avait dit avec juste un simple hochement de tête pour lui faire comprendre que je le croyais, il me posa LA question. Bon ok, là je suis foutu. Mais je ne dis rien, je ne fais rien transparaître, de toute façon j'y suis jamais arrivé. A la place je lui disais On ferait mieux d'aller te nettoyer ton nez avant que ... Non ça sortait pas, j'avais juste baisser le ton de ma voix et m'étais dirigé vers lui, posant ma main derrière son épaule pour qu'il me suive jusqu'à l'infirmerie.

Je ne comprenais réellement pas comment il pouvait savoir pour mon abstinence à la drogue et à l'alcool. J'attendais alors une réponse, mais finalement rien, il me proposa seulement de soigner ma blessure. Très franchement j'en avais pas besoin, mais je le suivais tout de même pour avoir une réponse. À l'intérieur de l'infirmerie je pris moi-même ce dont j'avais besoin, commençant à laver le sang sur mon nez. Vous n'avez pas répondu à ma question .. Disais-je en continuant de laver ma blessure. Une fois cela fait je laissais tout sur l'espèce de petite table pour me retourner vers lui. Mon regard se fixa au sien, non pas pour le défier ou quoi que ce soit, simplement pour lui faire comprendre que j'attendais une réponse, car c'était réellement étrange qu'il connaisse cette partie de ma vie, la partie la plus sombre. Vous savez quoi de moi au juste ? Même si c'était mon professeur, je n'allais pas lâcher l'affaire avant d'avoir eu ma réponse.

Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me suive sans s'énerver ou sans poser davantage de questions, mais ça me faisait plaisir qu'il m'écoute un minimum. On pourrait toujours parler une fois que son nez aura arrêté de couler, parce que c'était bien la chose qui me dérangeait. Non pas la vue du sang, mais que mon fils soit blessé. Parce que je n'ai peut-être pas eu l'occasion de pouvoir l'éduquer, je veux apprendre à le connaître parce que je l'aime déjà comme ma fille. C'est assez étrange et je n'arrive même pas à me l'expliquer moi-même. Une fois à l'infirmerie et son nez nettoyé, il repartit à l'attaque et je ne pouvais que le comprendre. Il me fit savoir que je n'avais pas répondu à sa question alors je suis allé m'asseoir sur un des fauteuils de la salle d'attente et ais écouté sa question de nouveau, pour me mettre à réfléchir aux mots justes tout en le regardant fixement, sans défaillir, sans émotion. Le principal. Je connais surtout ta mère, enfin, je l'ai connu au lycée. J'étais ... amoureux d'elle. Mon regard se baissa, perdu dans mes pensées dans mes souvenirs, je n'arrivais pas à continuer mon récit. J'arrivais pas à le lui dévoiler, mais il allait bien falloir le faire.