(+ Mallory) Pas la bonne personne !

Une serviette aux hanches, j’attachais mes cheveux dans une couette sommaire. Je n’avais pas envie de les tremper après, c’était la merde pour les démêler et je n’avais pas furieusement envie de crier au secours. « Franchement, ce n’est pas juste pourquoi les mecs ont l’eau chaude et pas nous ?! » râla une étudiante dans le couloir. J’eu un petit sourire narquois aux lèvres : les mecs ont la classe, c’est tout ! Bon, ce n’est pas tout ça mais j’avais un petit irlandais à titiller pour commencer au mieux cette journée après avoir passé plus de deux heures avec lui en musculation. Je ne sais pas à quoi il carburait ces derniers temps mais ce connard allait me crever avant la fin de l’année – faut dire que j’étais sportif sans l’être ces derniers temps. « Pouetpouet qui est là !! » m’exclamais-je en rentrant dans ce qui normalement aurait dû être sa cabine de douche. Malheureusement, j’avais beau tâtonner, masser, malaxer, ce que j’avais dans les mains n’avaient rien de masculin. « Putain Charly, tu as changé de sexe ou quoi ? » marmonnais-je l’air con sans pour autant enlever mes mains d’où elles étaient. En mode bloqué ? Totalement. « C’est pas mon connard d’irlandais, c’est ça ? »

Mallory était une petite filoute dans son genre. Puisque l’eau chaude semblait avoir déserté les cabines de douches féminines, la jolie anglaise s’était glissée chez les hommes, en toute discrétion, et profitait d’une douche salvatrice après un jogging des plus corsés. Hors de question que d’être un poids mort alors qu’elle commençait bientôt son stage à la criminelle, grâce à l’appuis de son oncle… d’ordinaire Mallo détestait le piston mais là, ce dernier avait été nécessaire. Autant dire que la belle blonde soupirait de bien-être avant de n’écarquiller puissamment les yeux, à l’attente d’une voix on ne peut plus masculine dans sa cabine et… de la présence de deux mains contre sa poitrine. « Je ne suis ni un connard ni un irlandais » précisa Mallo, ne sachant pas si elle devait être hilare ou bien lui défoncer le nez. Il valait mieux éviter de faire des vagues tout de suite maintenant… elle prit donc sur elle, se moquant éperdument de son tatouage couvrant l’intégralité de son dos : il n’y avait qu’à espérer que sa chevelure en cache la majeure partie. « Vous voulez bien me lâcher les seins ou vous allez continuer à les masser ? Non que je sache comment réagir ! »

Là où j’avais les mains, je ne pouvais guère me faire d’illusion quant au sexe de la personne partageant ma douche. C’était effectivement pas du tout mon connard d’irlandais comme j’aimais l’appeler. Merde ! Ce crétin avait encore dû recevoir un appel de son copain et il était parti sans passer par la case douche. Bah après tout, s’il puait comme un chameau, ce n’était pas mon problème. « Ah ? Je peux deviner la nationalité ? » demandais-je sans me démonter tandis que je soupesais la poitrine. « C’est pas une poitrine russe ni espagnole… européenne quand même non ? » lâchais-je comme si de rien n’était alors que je n’en menais franchement pas large mais grande gueule comme j’étais, je ne pouvais que m’enfoncer. « Bah c’est que je ne sais pas où mettre mes mains alors au moins, elles servent à quelque chose. Si vous voulez, vous n’avez qu’à mettre un peu de gel douche et je m’occupe du nettoyage ! » rétorquais-je avec aplomb. « Par contre quel que soit votre réaction, si vous pouviez éviter junior et ses deux bonnes soeurs, ça m’arrangerait car j’ai pas furieusement envie de pisser pour le moment et comme c’est le seul moyen pour calmer la douleur… »

C’était bien sa veine… alors que Mallory se contentait juste de prendre une douche le plus innocemment du monde, il fallait qu’un abruti vienne non seulement squatter sa cabine mais en prime lui faire un massage poitrinaire en règle ! Encore un peu et elle croirait que c’était sa manière de draguer mais si tel était le cas… boudiou qu’elle plaignait presque ce pauvre bougre pour en être réduit à de tels extrêmes ! « Pourquoi, la nationalité vous intéresse ? » répliqua-t-elle avec un rien de dédain dans la voix, se retenant de justesse de lui en flanquer une dans le pif histoire qu’il ait du mal à respirer pour des semaines. Merde, on ne tâtait pas la poitrine d’autrui impunément ! « Minute papillon… vous me proposez de me laver ? J’ai l’air sale à vos yeux ? J’peux me débrouiller toute seule pour me doucher, virez donc vos sales pattes ! » Puis cela fit légèrement tilt. Un tout petit peu seulement… son accent, il était peut-être irlandais avec un peu de chance, et si elle voulait s’en débarrasser, il suffisait de mentionner sa nationalité pour obtenir gain de cause, même si auparavant elle se munit d’un peu de gel douche dans sa main au cas où, pour pouvoir répliquer. « Je suis anglaise. Vous avez deux seins anglais entre les mains ! »

« J’aime bien savoir, y a rien de mal à connaitre la provenance… Vous savez, avec toutes ces histoires de vache folle, vaut mieux prévenir que guérir » plaisantais-je avec un léger sourire narquois aux lèvres même si pour le coup, j’osais pas trop enlever mes mains de sa poitrine. Je savais que la mandale n’arriverait pas très lentement après. « Ouais ben mes sales pattes ne seraient pas là où elles sont si vous n’aviez pas squatté les douches des mecs alors hein… Et puis en même temps, quand on prend une douche, c’est que c'est nécessaire » marmonnais-je pour mieux la lâcher dans seconde qui suit. « Une anglaise !! J’aurais dû le savoir, y a qu’une anglais pour être casse-couille comme ça… Bon, je peux prendre ma douche tranquillement maintenant ? Non parce que pour la peine : là j’en ai vraiment besoin » râlais-je en gardant les mains à moitié en l’air sans savoir trop quoi en faire. Pourquoi fallait-il que cette femme soit désirable… « Manquerait plus que ça soit une Eliot tiens ! » baragouinais-je.

La provenance… il n’y avait bien qu’un irlandais pour réagir de cette manière car Mallory se moquait bien de sa nationalité, à ses yeux il était surtout un abruti ayant squatté sa douche pour faire pouetpouet là où il ne fallait pas ! « Il n’y avait pas d’eau chaude chez les nanas ! Je suis allée là où il y en avait, mais je ne suis pas rentrée dans votre douche que je sache alors hein… »fit-elle remarquer avant d’avoir un geste un peu plus virulent qu’elle ne l’aurait cru face à sa réponse et à son insulte, lui balançant du gel douche directement dans les yeux. Pour le coup, Mallo s’était effectivement retournée, cachant ainsi son tatouage si précieux couvrant son dos avant de soupirer parce que ce parfait inconnu possédait une… réaction typiquement masculine. « Bingo je suis Eliot pourquoi tu es Mather ? » passa-t-elle au tutoiement avant de s’emparer de sa main pour l’approcher d’elle mais pas en vue de lui faire des avances… plutôt de lui rincer illico presto les yeux. « Désolée… mauvais réflexe. Laisse-moi faire sinon ce sera encore pire, laisse trente secondes cette histoire de haine pourrie Angleterre/Irlande ! »

« Ouais ben c’est pas une raison quand même ! » râlais-je avant de me prendre une rafale de gel douche dans les yeux. Aussitôt une vive chaleur s’empara d’eux et il me fallait tout mon self control pour ne pas l’éjecter de la douche histoire d’offrir mon visage au jet d’eau. « Putain de bordel de merde !! Ce n’était pas obligé ça !! » grognais-je sans plus rien voir tandis que je sentais sa main s’emparer de la mienne. « Ouais ben c’est toi qui m’a agressé l’anglaise alors c’est facile à dire » maugréais-je tandis qu’elle m’aidait à rincer mes yeux. Elle avait quand même de la chance que certains de mes réflexes n’aient pas surgis à l’improviste sinon, j’étais bon pour avoir à expliquer à ma mère pourquoi, j'avais encore flingué quelqu'un sans raison. Oh, ce ne serait certainement pas le dernier dommage collatéral auquel j'aurais à faire face. « Putain que ça brûle ! » grognais-je en me frottant les yeux rougis du mieux que je pouvais. « Non moi je suis Winthrop »terminais-je quand même par répondre à sa question.

« Faut bien une excuse pour m’emmerder, pas vrai ? » lâcha-t-elle à moitié hilare car Mallory n’était pas du genre à pleurer dans les chaumières pour un type pénible… elle gérait la chose comme une grande fille, tel qu’on lui avait appris dans le crew. Une bien longue histoire que celle-ci… et qui l’avait poussée à avoir à son tour certains réflexes plutôt brutaux ! « Ben fallait pas venir me masser les seins aussi ! » maugréa-t-elle avant d’essayer de lui rincer abondement les yeux du mieux qu’elle pouvait mais vu qu’il n’arrêtait pas de grogner et de se les frotter, il rendait la chose d’autant plus difficile. « Winthrop, tout pour plaire dis-moi ! » lâcha-t-elle avec ironie avant de l’obliger à revenir sous le jet d’eau d’un geste plus sec, pour mieux faire preuve d’une grande douceur lorsqu’elle lui rinça à nouveau ses yeux. Un vrai paradoxe, cette jolie anglaise… en plus de ne pas être mal foutue, un peu comme lui d’ailleurs. « Laisse-moi faire et ça brûlera moins, vire tes mains ! »

« Comme si je me suis dit : tiens rentre dans la douche et va faire pouetpouet à une anglaise ! Je pensais emmerder mon pote point barre. C’est pas ma faute si ce sont tes miches qui ont trinqué et puis, c’est pas comme si ça t’avait déplu, on peut pas dire que la claque soit venue rapidement » marmonnais-je tandis que je continuais de me frotter les yeux comme pour atténuer le feu qui me ravageait. C’était vraiment pénible et je n’aimais pas avoir les yeux fermés car c’était à ce moment-là que les images revenaient en force. Ce n’est pas pour rien que je passais le plus clair de mon temps à souffrir d’insomnie ou à me bourrer la gueule pour oublier. « Mais bien sûr, j’ai tout pour plaire moi madame, je suis pas une schtroumpfette sans jupette et avec un sacré tatouage » répondis-je tandis qu’elle me poussait à nouveau sous la flotte pour mieux me rincer les yeux avec une certaine douceur qui me fit froncer les sourcils. « Et j’en fais quoi de mes mains ? » lui demandais-je avec un sourire sarcastique avant de tout simplement les poser sur ses hanches. « Quoi, c’est un endroit comme un autre ! »

« On peut pas dire que ça t’ait déplu non plus mossieur je peux pas blairer les anglais ! Franchement, on peut pas dire que ton corps soit pas réactif l’ami ! » Et il l’était toujours vu que Mallory ne l’avait pas flanqué sous la douche froide. C’était encore plus évident pour lui que ça ne pouvait l’être pour elle, si d’aventure elle s’était trouvée en position pour ressentir un quelconque désir face à sa caresse… qui n’avait pas été désagréable, autant être honnête. « Non t’es juste une blondinette avec des belles boucles ! » répondit-elle non sans papillonner des yeux, plus amusée que blessée par ses remarques. Il en fallait plus pour la déstabiliser… après tout, il avait vu son tatouage, ouais et après ? Il ne savait sûrement pas à quoi cela correspondait. « Et après tu vas te plaindre que je suis anglaise ! Tant que tu les laisses là j’ai envie de dire… laisse-toi faire que j’te soulage au moins ! » Enfin, elle parlait des yeux évidemment… sans savoir que ce parfait inconnu pouvait déformer tout ce que Mallo pourrait dire.