(+ Minnie) if there's a God, he hates me

Eventine n’avait jamais prétendu avoir un caractère facile. Il ne commençait que rarement à attaquer autrui, mais une fois qu’on lui cherchait des poux et que l’on perdait son estime, bonjour l’ambiance pour la récupérer. En vérité, il avait d’autant plus mal pris la réaction de Minnie car au départ, le beau brun n’avait pas pensé à mal. Il voulait préserver ce trésor qu’elle avait encore à offrir en lui offrant le choix de prendre son temps, de ne pas prendre cette décision si importante sur un coup de tête et quelque chose lui disait qu’il aurait mieux fait de se taire… mais le problème, c’est qu’il s’en serait voulu après coup et aurait presque eut l’impression d’avoir profité d’elle. Eventine avait bien assez d’occasions pour culpabiliser sans pour autant s’en rajouter une supplémentaire. « Je dis ça parce que c’est exactement ce que tu m’as fait sentir alors que je voulais justement le contraire ! Je ne suis pas une nénette, je ne peux pas comprendre ce que c’est qu’une première fois mais j’ai au moins un tant soit peu de respect vis-à-vis de toi pour te laisser le choix de m’offrir ta virginité ou pas ! Mais justement, je suis trop bon trop con puisque même en essayant de bien faire, je m’en prends plein la face ! » reprit-il avec colère, la toisant de tout son haut et dieu sait combien il paraissait plus grand encore que d’ordinaire dans ces moments là. « Quand bien même je t’aurais considérée comme une vierge, qu’est-ce que ça change ?! Tu trouves ça insultant ? Au contraire, ça prouve que tu prends ton temps, que tu veux être sûre de toi, mais le problème c’est que je ne peux pas dire un mot sans que tu ne m’offres l’une des envolées lyriques dont tu es l’experte ! » Deux fois qu’elle lui offrait ce genre de douche écossaise et pour Eventine, c’était un peu la douche de trop en vérité. Il avait autre chose à faire que se prendre la tête pour rien alors qu’il n’avait rien fait de mal… « Arrêtes ton cinéma, tu te fous de la Monarchie peut-être mais en me sortant un discours du genre « mais t’inquiètes de toute façon je vais bientôt me faire prendre par le premier venu » c’est fou ce que ça te donne du crédit à mes yeux ! Mais merde, tu n’as toujours pas compris que ce qui me plaît chez toi, c’est ton naturel ?! Tu me donnes parfois l’impression d’être un mec normal et c’est pile ce dont j’ai besoin en ce moment. Pas que tu cherches à me faire réagir avec ce genre de phrase facile insupportable ! » D’accord, il n’y allait par le dos de la cuillère mais fondamentalement, il cherchait à lui faire passer un message. Jouer la gamine ne la mènerait nulle face à quelqu’un ne côtoyant que ça. En revanche, le naturel, c’est ce qu’il y avait de plus beau chez elle. « Tu veux que je reste ? » lui demanda-t-il d’un air fermé alors qu’il se trouvait à la limite de quitter les lieux, tenant la clenche de la porte entre ses mains.

Eventine s’était toujours targué de ne pas être la rancune incarnée et pourtant, buté comme il savait si bien l’être, il ne passait pas outre la réaction de Minnie. En l’espace de quelques secondes seulement, elle lui avait fait croire qu’elle le voulait pour mieux le repousser avec une virulence dont il ne l’aurait pas crue capable. Mais sans doute ne devrait-il pas être étonné : non seulement elle devait être diablement confuse mais il ne l’était pas moins de son côté. Ce fut sans doute pourquoi ses nouvelles paroles l’adoucirent légèrement, bien qu’elle ne pouvait pas le voir car il lui tournait toujours le dos. Dans le genre buté, le beau brun se posait là mais il ne s’agissait pourtant que d’une nouvelle façon de se protéger. N’importe qui en aurait fait autant à sa place, dans la position où il se trouvait et à cause de la maladie lui rongeant en prime le cœur. « Je ne t’aurais pas maudite ni jetée si tu m’avais expliqué simplement les choses, Minnie. Je pensais t’avoir déjà prouvé que je ne suis pas quelqu’un qui juge à moins qu’on ne me pousse à le faire et ça me met d’autant plus en rogne que tu m’aies poussé à ce point à avoir un jugement incomplet sur ta personne. Dans quelle langue il faut te le dire ? Que tu sois vierge ou pas, ça ne change rien pour moi, je ne t’en apprécie pas moins et je ne t’estime pas moins. Arrête de croire que ta virginité définit ce que tu es car, et je pense que je ne t’apprends rien, tu finiras par la perdre mais ta personnalité unique, elle, sera toujours là » reprit-il d’un ton nettement moins froid, moins colérique, preuve qu’il commençait à s’apaiser mais aussi à réfléchir quant à la portée des paroles qu’il avait eu. « Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu m’as juste poussé à me défendre en m’attaquant… je n’aurais jamais tenu pareil discours si tu ne m’avais pas attaqué en premier, bien que cela ne pardonne pas forcément le fond de mes paroles, parfaitement injustes. Je voudrais juste que tu arrêtes de croire que je vais te juger, te matraquer ou que je suis là pour te faire du mal car c’est faux. Je te respecte et t’admire, Minnie, bien plus que tu ne sembles le penser. » Eventine prit subitement une grande inspiration pour mieux se retourner, certes le visage toujours sérieux et le regard aussi profond que perçant, mais il venait tout de même de refermer la porte. Les propos de la jolie anglaise avaient fini par transpercer la carapace qu’il avait remise autour de son âme, de son esprit et de son cœur et bien qu’il n’ait fait que trois pas vers elle, il s’agissait déjà d’un effort non négligeable pour lui. Cela prouvait, entre autre, que sa colère n’était plus aussi vive et qu’il ne se soustrayait pas à ses responsabilités vis-à-vis de leur dispute.

« Je risque de me vexer si tu prétends que je ne suis rien d’autre qu’une balance… je pensais t’avoir déjà prouvé que tu pouvais me faire confiance et je signale que je t’ai confié pire, notamment au sujet de ma maladie ! Toi, si d’aventure quelqu’un d’autre que moi l’apprenait, tu pourrais inverser la tendance, moi c’est ma carrière qui serait finie alors je pense que tu peux relativiser un peu. Ceci je n’avais pas l’intention de le « crier sur tous les toits » comme tu dis si bien, les potins ne m’ont jamais intéressé » reprit-il d’un air plus piqué, car Minnie collectionnait définitivement les maladresses ce soir. Eventine choisit de ne pas lui tenir rigueur de ce manque manifeste de confiance mais ça ne voulait pas dire qu’il oubliait ses paroles, bien au contraire. Pour cela, il possédait au contraire une mémoire plutôt extraordinaire. Il avait simplement l’intelligence de ne pas se vexer durement pour si peu : il mettait plutôt cela sur le compte du trouble qu’elle devait très certainement ressentir. « C’est bien là tout ton problème Minnie. Tu t’indignes face au fait que l’on te flanque une fausse image, mais c’est exactement ce que tu es en train de faire avec moi. Qui te dis que je me comporte comme un prince ? Tu ne me connais pas. J’évite de te juger alors fais preuve de la même malice, tu te protègeras de ce genre de situation stérile à l’avenir… je me fiche de ma position justement. A choisir, je préfère être le violoniste que le prince, car c’est ce qui compte en premier dans mon existence mais ça, je pense que tu l’as compris depuis longtemps. Les galas, le paraître, la fausseté… je n’en n’ai rien à secouer alors non, je ne considère pas que je réagis comme un prince. Vivre la vie solitaire que je mène me convient très bien, ne va pas t’imaginer que je suis sans arrêt accompagné. La majeure partie du temps, il n’y a qu’en mon majordome que je place une confiance aveugle » lui apprit-il aussitôt histoire de bien remettre les pendules à l’heure et qu’elle n’aille pas faire des amalgames n’ayant pas lieu d’être à l’avenir. Il se laissa cependant guider par Minnie, qui venait de s’emparer de sa main jusqu’à la cheminée, portant toujours ses fringues trempées, collant désagréablement à sa peau bronzée. « Je ne dis pas non aux cookies » reprit-il avant de commencer à se déshabiller, grelottant à moitié bien qu’il se soit retenu jusqu’ici histoire de préserver sa fierté.

« Je sais que je peux avoir entièrement confiance en toi, si je n’en n’avais pas été certain je ne me serais jamais confié à toi. Mais puisque tu es au courant de quelque chose de primordial chez moi, tu peux être assurée que rien ne filtrera de mon côté » crut-il bon de préciser vu qu’apparemment, Minnie ne semblait pas persuadée que son secret soit bien gardé avec lui. Eventine n’avait pourtant jamais été une balance dans son existence toute entière, pas alors qu’il ne connaissait que trop bien la valeur d’un secret dans leur monde. Sans doute n’avait-elle besoin que d’être rassurée… « Tu as peur d’être rejetée et donc tu précises que tu ne veux pas que cela sorte, pas même de ma bouche, je ne te blâme pas mais je ne suis pas de ce genre là et j’espère juste que tu en as conscience, c’est tout. Vu comment tu t’es exprimée, je préfère préciser ! » reprit-il aussi calmement que possible même si cette discussion finissait par l’épuiser à la longue : le beau brun n’aimait pas se répéter en général et là, depuis que Minnie avait eut son envolée lyrique, il n’avait l’impression de ne faire que cela. Chose qui ne l’empêcha pas de se déshabiller quitte à ce que ce soit sous le regard de la demoiselle, tant pis, il mettait sa pudeur dans sa poche inexistante avec son mouchoir par-dessus car ses vêtements trempés, il ne pouvait tout bonnement plus les supporter à vrai dire. « A priori ils me vont, tu as eu l’œil ! » Eventine lui fit un sourire relativement taquin face à son compliment qui lui fit bien évidemment plaisir et acheva de le détendre, surtout que même s’il n’en n’avait jamais fait mention, les cookies et lui, c’était une grande histoire d’amour. « Quand bien même ce serait prêt dans plus longtemps à priori je ne suis pas pressé, reste à savoir si toi tu vas supporter ma présence ! Sinon tu as tapé dans le mille, les cookies, c’est mon biscuit préféré. »

Eventine n’était ni cruel ni aussi intransigeant que bien d’autres jeunes hommes de son âge. Voilà pourquoi il s’était lui-même retenu de partir pour mieux poursuivre et terminer la conversation qu’ils avaient actuellement. A ses yeux, leur relation pouvait se traduire par un échange de bons procédés et rien qu’en cela, ils n’avaient rien à craindre. Le beau brun savait que son secret était bien gardé avec Minnie tout comme la jolie anglaise pouvait être intimement persuadée que rien ne filtrerait jamais de sa bouche. « Sauf que je ne t’aurais pas rejeté Minnie, c’est toi qui t’es éloignée toute seule » précisa-t-il tout de même d’une voix douce, sans brutalité, afin qu’elle comprenne que s’il respectait parfaitement ses raisons, ses craintes et autres réflexes maladroits, il n’en demeurait pas moins qu’il n’avait pas fait un seul geste pour la repousser et n’avait jamais escompté le faire d’ailleurs, à moins qu’elle ne le lui demande en premier. « En usant la force ? Pour l’instant je vais me mettre sagement devant la cheminée et éviter de violenter une femme, sinon je vais passer pour une brute épaisse et avinée, ce serait moche pour moi ! » rigola-t-il de bon cœur non sans se passer une main dans son épaisse chevelure bouclée brune. Il faisait toujours cela en cas de brève gêne, ce qui était le cas car Eventine mettait toujours un certain temps à passer outre une dispute, il n’y pouvait rien, c’était fondamentalement son caractère. « Je ne dis pas non pour dormir ici si tu acceptes que je te serve de bouillotte, promis mes mains resteront sages je dors très souvent dans le même lit que ma meilleure amie et il ne se passe jamais rien. J’ai l’habitude d’être dans le lit d’une fille en tout bien tout honneur aussi il ne faut pas croire… ce ne serait pas prudent de repartir par une pluie torrentielle et je n’ai pas envie que Gauthier me repasse encore un savon, j’avoue. Quant au fait que tu sois nulle en cuisine… ce n’est pas mon cas alors si tu le souhaites, je te ferai un petit quelque chose tout à l’heure. »