(+ Priape) Docteur Zacharias je vous prie !

Il est de notoriété publique que Thaïs s’enthousiasme toujours pour tout et rien à la fois, mais cette fois, c’était pire que tout. Pour un peu, elle se surprenait à sautiller dans les couloirs de Harvard, incapable de tenir en place alors que les étudiants environnants semblaient aussi sombres que l’entrée d’un mausolée… et pour cause, les vacances venaient de se terminer pour laisser place au lot impie de chaque étudiant : examens, stress, horaires impossibles, travail personnel ressemblant aux douze travaux de ce bon Hercule multiplié par dix… en bref, il n’y avait bien que Thaïs pour irradier tel une étoile un pâle soir d’hiver. Mieux, elle savait exactement avec qui elle comptait partager sa joie passagère. Si elle ne faisait pas erreur, son « acolyte de médecine » devait réviser sous les rares rayons du soleil à la même table dans le parc du campus, et avec un peu de chance, elle allait l’y trouver avant qu’il ne soit pris par un cours ou toute autre obligation s’en approchant. « Priape ? » lança-t-elle d’une petite voix à la fois enjouée et timide pour éviter de passer pour une folle furieuse en s’esclaffant d’emblée. « Haha tu ne peux pas te cacher j’ai reconnu ton parfum ! » lança-t-elle de façon plus marquée, un sourire radieux étirant peu à peu ses lèvres alors qu’elle s’approchait précautionneusement de cette fameuse table dont elle avait fini par connaître l’emplacement exact par cœur à force de venir l’emmerder avec des détails pourris… et autres questions non moins existentielles. « Pas de panique, aujourd’hui je ne veux pas t’emmerder ni te poser de questions… juste te donner une bonne nouvelle ! Je peux m’asseoir, tu as deux minutes à m’accorder ? »

Thaïs éclata de rire. Elle adorait la répartie de Priape, c’était justement ce qui rendait leurs échanges tellement captivants à son sens. « Changer ?! Non celle-ci te vas très bien au contraire ! C’était un compliment je pensais que c’était clair mais je devrais peut-être revoir cette entrée en matière… » fit-elle, pour cette fois, les questions et les réponses en se frottant le menton d’un air légèrement pensif avant de ne lui offrir à nouveau un sourire des plus rayonnants. Par chance, la réponse suivante de son doc unique et préféré la poussa à s’asseoir aussitôt, toute guillerette qu’elle était à l’idée de passer à nouveau du temps à cette table. Thaïs se souvenait avec une précision extrême de tous les échanges qu’ils avaient bien pu avoir à cette fameuse table, et combien il l’avait rassurée même lorsqu’elle était à deux doigts de se petit suissider avec du yaourt bulgare. « T’es trop mignon, merci mon doc Zacharias !! » s’exclama-t-elle avant de ne prendre une grandissime inspiration pour lâcher la bombe de façon plus enjouée que jamais. « Je vais avoir un bébé pour septembre ! » La nouvelle lui était certes un peu tombée dessus mais cela faisait assez longtemps que la jolie blonde souhaitait posséder sa propre famille. Il s’agissait d’un challenge de taille, surtout pour quelqu’un d’aveugle comme elle mais bien loin de se laisser déprimer par ce genre de détail, bien que non insignifiant, elle conserva son sourire contre ses lèvres avant de reprendre, quasi imperturbablement : « Je l’ai appris à Noël, c’était un peu mon cadeau à moi… je voulais partager ça avec toi aujourd’hui parce que quand même, la plupart du temps je t’emmerdouille avec des questions faussement existentielle mais je n’ai pas envie que tu penses que je ne te prends que pour mon petit Larousse personnel… c’est mon petit bonheur enfin petit ÉNORME BONHEUR plutôt et même si j’ai un peu la trouille, je voulais que tu sois au courant !! »

Effectivement, cette nouvelle pouvait paraître incongrue, inattendue et tout ce que l’on voulait bien mais le désir d’enfant de Thaïs ne datait pas d’hier. A seize ans déjà, elle s’imaginait avec une belle et grande famille, à l’image du clan désastreux dont elle avait été obligée de faire partie jusqu’à son départ pour Cambridge. Bien évidemment, à cette époque là, elle ne souhaitait pas que ce soit pour tout de suite, mais rien que l’idée d’avoir une petite maison, un jardin, un chien et plein de petits bambins comblant la bicoque de rires adorables… Thaïs en frissonnait de bonheur. Il ne lui avait plus manqué que l’homme dans l’équation, à vrai dire. Caleb était arrivé totalement par hasard dans son existence et si au départ leurs échanges avaient été aussi divers qu’enrichissants, la jolie blonde s’était occupée de percer peu à peu sa carapace de colère et de froideur pour mieux dévoiler le nounours qu’il savait si bien être. Un vrai futur mari… en tout cas, elle l’espérait ! Mais pour en revenir à Priape, c’était devenu très rapidement une évidence que de partager cela avec LE jeune homme l’ayant soutenue bien au-delà des mots, même lorsqu’elle le gonflait à le harceler de questions médicales toutes plus farfelues et sorties du chapeau que toutes les précédentes réunies. Jamais il n’avait perdu patience en sa présence… et qu’est-ce qu’elle le remerciait ! « Merci à toi, je voulais vraiment partager ça avec toi parce que tu m’as énormément aidée et puis… ça me paraît tellement naturel ! » D’accord, Priape était aussi réservé que Thaïs s’avérait être extravagante et extravertie, mais à eux deux, ils faisaient une bonne moyenne tout de même. La preuve, il lui serrait à peine la main que l’irlandaise lui en caressait le dos du bout de son pouce, un sourire radieux étirant de plus en plus ses lèvres. « N’aie aucune crainte, j’ai un adjudent chef de futur copain en la matière ! Il me scrute tout le temps… à Noël, aucun aliment cru, pas d’alcool bien évidemment mais ça je le savait déjà, il essaye de me pousser à dominer mes envies débiles… j’ai pas mal de nausées mais surtout le matin. Par contre, qu’est-ce que je suis sensible aux odeurs… je veux dire, c’était déjà le cas avant mais là, c’est pire que tout ! Et ne t’excuses pas au contraire je trouve ça mignon !! J’ai fais tous mes bilans et tout est normal. Bon j’angoisse un peu quand même je t’avoue parce que c’est pas comme si j’avais le handicap le plus simple de la planète… mais j’essaye de me dominer et même d’être plus calme qu’avant, elle est pas belle la vie ? »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce bébé était voulu et que Caleb mettait largement la main à la pâte pour donner à un coup de main à Thaïs. La jolie blonde ne se plaignait pas, au contraire, et ce bien que son compagnon soit parfois… insistant sur certains points. Elle ne pouvait hélas guère l’en blâmer, cela prouvait d’ailleurs qu’il se sentait concerné par la création de leur famille et son agrandissement, au moins autant qu’elle… mais cela ne voulait pas dire pour autant que l’allemand pouvait comprendre ce que traversait l’irlandaise : Thaïs ayant été privée de sa vue six ans plus tôt, une grossesse était tout autant un bonheur qu’un synonyme de sourde angoisse. En parler avec Priape lui permettrait sans doute de débroussailler la chose, lui qui était toujours de si bons conseils et d’une écoute à toute épreuve… « Je sais bien, c’est exactement ce que mon gynécologue m’a dit… il se trouve que j’ai des hanches peu larges et par conséquent, si je prends trop de poids, cela risque d’être problématique le jour de l’accouchement. Je n’ai pas bien compris pourquoi mais vu que c’est lui le professionnel, je lui fais confiance il sait sûrement de quoi il parle ! » Thaïs savait pourtant que la question lui trottait toujours dans la tête et que cette dernière finirait forcément par ressortir à un moment donné, probablement lors de l’une de ses tristement célèbres crises de panique ! « Il fait tout ce qu’il peut et dieu sait combien je lui donne du boulot en bonne angoissée de la vie que je suis ! Mais ceci dit… j’avais justement envie de partager ça avec toi car c’est un beau moyen de te montrer que tu n’es pas uniquement mon petit Larousse Illustré personnel. Déjà parce que tu n’es pas petit d’après ce que j’ai cru comprendre, mais aussi parce que tu m’as toujours soutenue et ça compte énormément pour moi. » Que Priape s’y fasse : au naturel déjà Thaïs était d’une sentimentalité à couper le souffle, mais c’était cent fois pire depuis le début de sa grossesse. Les hormones n’arrangeaient sûrement pas la chose et, au contraire, l’accentuait de façon on ne peut plus manifeste. Mais cela lui sembla presque rien lorsqu’il la fit éclater de rire avec sa dernière remarque : au début, elle n’aurait jamais osé lui proposer une chose pareille, mais rien que pour le délire, elle serait tout à fait capable de tester la chose. « Comment ça pas compétent ? Ralala et moi qui pensait que tu allais me conseiller en laits maternisés… ceci dit j’hésite avec le fait d’allaiter, je ne sais pas. Je me pose un peu la question j’avoue. »

Thaïs & Priape

J’étais tellement heureux pour Thaïs, même si cette dernière avait de nombreuses inquiétudes, la nouvelle n’en restait pas moins excellente. Son gynéco, d’ailleurs elle devrait probablement en changer vu les conneries qu’il lui avait sorti, lui avait parlé de la taille de ses hanches et de l’accouchement. « Sérieusement ? Il t’a dit ça ? » repris-je avec une légère grimace. Bon la règle de confraternité était très importante dans le code de déontologie des médecins, je pouvais décemment pas critiquer mon confrère auprès de sa patiente, mais je ne pus néanmoins pas m’empêcher de rassurer mon amie : « Tu sais que tu as encore huit mois avant de penser à tout cela alors te tracasse pas. Et puis, dis toi qu’au contraire, des hanches larges laisseront plus facilement passer un beau bébé et tu auras moins de risque de devoir subir une césarienne… » La jeune femme me confia ensuite combien c’était important pour elle de partager cette bonne nouvelle avec moi. Sa réflexion sur ma taille m’arracha un petit sourire alors que la suite de sa phrase me toucha particulièrement. « Là tu fais de moi un grand dadais tout rouge… » fis-je en riant. L’humour comme défense face aux émotions, c’était du Zacharias tout craché. Je ne savais jamais vraiment comment réagir autrement face aux effusions de sentiments… Mon interlocutrice se mit ensuite à rire en s’amusant de mon manque d’assurance en ce qui concernait les soins de nursing des nourrissons. « Tu veux vraiment que l’on commence à parler de tes seins Thaïs ? » demandais-je, comprenant par là qu’elle essayait de me mettre mal à l’aise. Mais si elle voulait jouer à ce jeu là je le pouvais aussi. Je repris ensuite plus sérieusement : « Je suis sûr que tu auras des sages femmes géniales, très compétentes et à l’écoute pour te guider dans ton choix et t’expliquer tous les avantages et inconvénients de l’allaitement… »

CREDIT TO KAIJI FROM ILH

HRP:

« Ouais… j’ai essayé de me renseigner vite fait mais personne n’a été capable de me dire s’il avait raison ou si au contraire c’était juste un couillon qui avait réussi médecine par un miracle divin ! » Thaïs ne critiquait pas les études de médecine ni même lui jetait la pierre à vrai dire car ce médecin était très probablement compétent dans son genre, et dieu sait combien elle avait entendu parler de la dureté extrême des études conduisant à exercer la médecine mais en l’occurrence, ses arguments lui avaient semblé… stupides. Thaïs avait besoin qu’on la rassure et non lui mette en tête des idées débiles qui n’auront de toute manière pour but que de la paniquer plus encore, si toutefois une telle chose était possible. « Ah bon, j’ai de la chance finalement ? J’suis pas flanquée de travers ? Non parce qu’il m’a fait baliser sec ! Je me suis dit ça y est, avec mon bol habituel je vais passer sur le billard parce que je pourrais pas pousser… franchement je préfère la voie naturelle, mais j’imagine que toutes les femmes veulent la même chose ! Ceci dit tu as raison, huit mois, ça me laisse un peu de temps… » reprit-elle d’un ton légèrement plus sérieux, regrettant presque de ne pas pouvoir prendre quelques notes au passage histoire de ne pas en oublier la moitié en route. « Mais un grand dadais tout beau quand même ! » Thaïs serra d’autant plus sa main dans celle de Priape, aimant le complimenter car elle savait combien il pouvait être introverti parfois. « Ben quoi, dis tout d’suite que ma poitrine est pas belle, non mais ! Ceci dit… j’étais justement tentée de me rendre à l’hosto pour poser quelques questions à une sage femme parce que bien souvent il paraît que ce sont elles qui font tout le boulot, l’accoucheur ben… quand il est là c’est bien mais souvent il arrive après la bataille et elles s’occupent de rassurer les patientes, tout ça. Mais ça va faire grosse relou sur le retour si je les emmerde déjà alors que techniquement parlant je n’ai pas encore le plus petit changement physique pour l’instant… »

Spoiler:

Thaïs & Priape

La réflexion de mon amie m’arracha un petit rire. Oui, son gynéco avait pas l’air des plus brillants. « Tu sais si t’as le moindre doute sur lui, si tu te sens pas à l’aise, change de médecins. » lui conseillai-je. Puis sincèrement, j’avais pas vraiment un bon pressentiment sur lui vu les âneries qui lui avait raconté. « C’est ta grossesse, t’as le droit de vivre ces 8 prochains mois sereinement et encadrée par un professionnel en qui tu as confiance et avec qui tu te sentes bien. » Et puis Thaïs allait avoir besoin d’être rassurée. Si elle se faisait suivre par un doc stressé qui commençait déjà à la faire flipper par rapport à la taille de son bassin, on courrait droit à la catastrophe… « T’en fais pas pour ça… Je sais vraiment pas pourquoi il t’a raconté cela… En obstétrique ce qu’on aime pas c’est les hanches étroites donc… Et puis, si il a vraiment un doute concernant les dimensions de ton bassin, il te prescrira une radiopelvimétrie en fin de grossesse… Tu n’as pas à t’en faire pour ça pour l’instant. » Il était vraiment pas très compétent celui-là, voilà qu’il avait réussi à faire stresser Thaïs. Cela m'énervait. J’espérais avoir réussi à la rassurer un peu mais ce n’était pas gagné. J’espérais vraiment qu’elle irait consulter quelqu’un d’autre. « Si tu veux, tu peux te faire suivre directement par un des gynéco-obstétriciens de l’hôpital. Bon ils ont des plannings un peu chargés mais ils sont tous très compétents et au moins ils savent ce qu’ils racontent... » lui conseillai-je alors. Les compliments de Thaïs me touchèrent. Mais je n’étais pas très à l’aise et c’est pourquoi j’esquissai la chose en la taquinant. Mais la blondinette avait de la répartie. « J’ai pas dit ça Thaïs… Mais je vais pas te complimenter sur ta poitrine non plus, je tiens à ma vie ! » répliquai-je en riant. Je ne voulais pas m’attirer les foudres de Caleb, même si la relation que j’entretenais avec Thaïs était pour moi dénuée d’ambiguïté. J’avais un tempérament jaloux et je me mettais à sa place : en tant que petit ami, je n’aurais pas apprécié que l’un des amis de Caly lui fasse les éloges de ses seins… « Tu devrais vraiment les contacter, tu as le droit aux séances de préparation à la naissance. » Les cours de prépa n’avaient rien d’obligatoire mais je trouvais que pour une première grossesse c’était vraiment une aide précieuse. Et puis dans le cas de mon amie : jeune, encore étudiante et aveugle, elle allait vraiment avoir besoin du soutien et de la présence des sages femmes à ses côtés durant les mois à venir. Je tentais de lui expliquer en quoi ça consistait : « C’est des sortes de cours où les sages femmes t’expliqueront tout ce qu’il va se passer pour toi, pendant ta grossesse, pendant l’accouchement et après… Elles abordent même les questions de l’allaitement et tout. Tu peux déjà les appeler pour fixer tes rendez-vous, tu ne les embêteras pas. C’est leur métier tu sais. »

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