there's something inside you, it's hard to explain ~ anastasia

The Middle East. Midnight. Comme tous les jeudis soirs, Bleeker optait pour les longues et tumultueuses soirées étudiants, entraîné bien évidemment par une bande de copains qu'ils s'étaient fait dans sa promo. Ils étaient tous plus jeunes que lui – inutile de rappeler que Cody, malgré son âge, n'était qu'un petit première année de rien du tout – et forcément, il se laissait influencer … Ou pas. Bleeker n'était pas le dernier à abuser sur la bouteille, loin de là. Après avoir tourné toute la soirée dans les bars du coin, le petit groupe avait trouvé refuge dans le Middle East, cette salle de concert très classe qui devenait proie à une razzia sans nom dès lors que les étudiants débarquaient en meute. Il y avait des musicos pas mal sur scène ; Cody faisait un peu de musique – signification ; il avait une guitare qui ne servait qu'à draguer – et malgré son alcoolémie indiscutable, apprécia ce rock. Traîné contre son gré pour retrouver le comptoir, Bleeker s'immobilisa une seconde en apercevant une perruque blonde au loin. Ouais, même dans une foule en perpétuel mouvement comme ce soir, il reconnaissait Anastasia. Elle avait un truc cette fille, vraiment. Dommage qu'elle soit prise de nausée de dégoût plutôt que d'effluve de désir chaque fois qu'elle avait le bonheur de croiser Bleeker. Oui, ce mec est un bonheur, seulement elle ne s'en rend pas compte. Personne ne s'en rend compte, pauvre de lui, allez, une petite bière l'aiderait à oublier ses peines d'amour. Un coup de coude dans le bassin, son pote lui souffla ; « La blonde là-bas nous regarde. Je pense qu'elle me regarde. Je peux tenter ma chance tu crois ? » Machinalement, Cody opta pour un rire moqueur et s'empressa de riposter, voyant qu'il parlait d'Ana ; « Arrête de boire. T'as autant de chance d'avoir une fille comme ça que de croiser Michael Jackson en tong au bord de la plage. » Il ne valait mieux pas qu'il se fasse de  faux espoirs ; de un, Anastasia était odieuse et de deux, elle avait l'air d'apprécier avoir une distance de sécurité entre elle et Blee.

Habituellement, je ne traînais pas trop dans ce genre de soirées, de peur d'être repérée par les dizaines d'hommes qui me recherchaient. Appart ça, j'avais la belle vie que tout le monde rêve d'avoir. Qui n'aurait pas envie de me ressembler, sérieusement ? Ce soir là, j'avais enfilé une tenue habillée tout droit sorti de l'esprit de Yves Saint Laurent, quiconque me connaît un minimum savait que j'aimais être à la pointe de la mode. La robe noire que je portais arborait mes formes à merveille et j'en étais ravie, même si la plupart des gens de ce bar semblaient complètement à l'ouest. Certes, l'endroit était bondé d'étudiants mais beaucoup fumaient leurs pétards et buvaient à gogo. Pour une fois, je n'avais pas trop bu, me contentant de rester au bar avec une fille de ma classe d'histoire. On discutait tranquillement, jusqu'à que j'aperçoive ce gars, que je connaissais à peine en vérité. Il ne m'avait pas encore vu, c'est pourquoi j'en profitai pour le regarder un peu. Bon, il n'était pas si mal finalement.. Non non non, je n'ai pas pu coucher avec cet homme, ce n'est pas possible. Je soupire et à cet instant là, le dénommé Cory se tourne vers moi en parlant à un de ses potes. Je ne lui adresse aucun sourire et tourne mon visage vers le barmaid - bien plus agréable à regarder je l'admet. Je commande une tequila et me lève de mon tabouret, informant cette fille que je ne reverrai probablement jamais que je revenais - ou pas.. D'une démarche sexy et sûre de moi, j'arrive à sa hauteur avec un sourire disons.. faux ? « Quel plaisir de te voir ici. » En y réfléchissant, je ne sais même pas pourquoi je me suis pointée vers lui. Idiote. Je bois une gorgée de ma tequila, le fixant toujours intensément. « T'as mauvaise mine, encore plus que d'habitude. » Je commençais déjà à l'emmerder. Pourquoi j'agissais ainsi avec lui ? Cory devait surement avoir une tête à ramasser mes moqueries, je suppose.

Il en avait vu défiler des filles bizarres, un peu perturbées. Parfois, il parvenait à les cerner et souvent, il s'en foutait complètement. Pour le moment, après s'être retourné le cerveau maintes et maintes fois, Cody n'était pas très sûr de la signification du comportement d'Anastasia à son égard. Il n'était pas non plus le mec le plus répugnant du monde, inutile donc de le toiser comme s'il avait une énorme pustule au milieu du visage. Il crut halluciner quand elle débarqua avec sa démarche de biatch. D'un coup, il était persuadé que ça allait être sa fête et pourtant, il ne pensait pas avoir fait quoique ce soit de mal, si ce n'est que la regarder une seconde. UNE fraction de seconde. Qu'elle était susceptible cette grande blonde vêtue comme toutes les meufs hautaines à la Fashion Week. Information à savoir : draguer à la Fashion Week est carrément im-pos-sible. D'entrée, Ana balança une pique face à un Cody qui restait stoïque, optant pour ne pas se laisser surprendre avec ses grands airs. « T'es vraiment venue jusqu'ici pour me parler beauté ou je peux espérer une conversation d'un niveau un peu supérieur ? » Bim. Lui aussi pouvait se montrer cassant. Elle n'avait pas le monopole de la méchanceté.

J'avais été surprise entrain de le regarder, et ça ne me plaisait pas du tout. Habituellement, c'est moi qu'on regarde et pas moi qui fixe des garçons.. comme lui. Tout ce dont je me souviens de la soirée passée avec lui, c'est qu'on avait bien rigolé dans un bar. Pourquoi je ne me souvenais pas de la nuit qu'on avait passé ensemble ? C'était tout de même dingue. En à peine quelques secondes, je me retrouvai devant lui pour l'emmerder comme je le fais à chaque fois. Je n'osais pas lui demander la vérité, car il préférait en jouer que de me raconter clairement cette nuit. Je le dévisage à ses paroles, m'empêchant de lui rire au nez - tout de même. « Tu sais que je t'adore, c'est pour ça que je suis venue. » Je lui adresse un petit clin d'oeil accompagné d'un magnifique sourire complètement faux et m'appuie contre le mur de la salle. « Y'en a pas un pour rattraper l'autre dans ton groupe de potes, c'est affligeant. » dis-je, me mordillant la lèvre comme si j'étais gênée. Le taquiner m'amusait plus qu'autre chose, même si au fond, je voulais savoir le fin mot de cette nuit agitée.. ou pas.

Ana devrait être un sujet pour les étudiants en psycho. Sérieusement, elle serait un cas très intéressant et peut-être que si on l'étudiait un peu, Cody comprendrait mieux ce que signifiait tous ses faits et gestes, ses approches puis ses rejets, sans parler des sarcasmes qu'elle distribuait à la pelle. Perplexe, il se mordilla la lèvre inférieure en l'écoutant affirmer qu'elle l'adorait ; « C'est pas tout à fait l'impression que tu m'as donné quand tu m'as jeté dehors l'autre fois mais ouais, on va dire que tu m'adores. » À sa façon quoi. Pas sûre que Cody supporte davantage son adoration qui ressemblerait vachement à du masochisme dans son cas. Après chacun ses délires, mais il ne mangeait pas tout à fait de ce pain-là. Quand elle eut terminé de provoquer Cody, elle s'attaqua à son groupe de pote qu'elle dénigra sans pudeur. Oh décidément, quelle générosité, il y en avait pour tout le monde ! Bleeker vint perturber son champ de vision pour qu'elle arrête deux secondes de regarder la bande là-bas et se concentre sur lui. De toute façon, c'est Cody qu'elle préférait, sinon elle ne serait pas venue lui parler. Puis même niveau charme, y a pas photo ; qui peut résister à ce nez de cochon couplé à ses yeux de merlan frit ?  « C'est pas ce que tu disais la dernière fois. » la taquina-t-il, n'hésitant par à rappeler que LUI il avait encore tous ces souvenirs de la nuit passés ensemble. En même temps, quand la nuit se résume à des ronflements et une bataille pour savoir qui aura le plus grand bout de couette, inutile de ressasser pendant des heures.

En fait, je trouvais cet homme plutôt mignon. Mignon dans le sens gamin, vous voyez ? Il avait certainement le même âge que moi mais caractériellement, je lui en aurais donné six. Je sais pas, j'avais l'impression qu'il était ailleurs, hors de ce que je lui mettais dans la tronche à longueur de journée. Je sais qu'agir comme une peste, ce n'est pas bon pour se faire des amis, mais c'est assez sympa finalement. « Je suis toujours sincère. » dis-je à Cory avec un clin d'oeil. Faux, totalement faux. Je pouvais l'être, mais certainement pas avec lui et surtout en ce moment. Il avait le don de m'énerver encore plus quand il ouvrait la bouche, je trouvais qu'il en faisait déjà assez sans sortir un mot. Je bus cul sec ma tequila et la posa sur une table quelconque. Fallait pas trop me chauffer quand même. Je décide donc de m'approcher plus près de son visage, un sourire faussement amusé accroché à mes lèvres. « Ah oui ? Et qu'est-ce que je disais la dernière fois ? » Derrière cette question, que j'espérais anodine, je voulais réellement savoir ce qu'on a fait cette nuit là. Ah l'alcool, pas très bon pour la mémoire.

 Cody doutait de la sincérité d'Anastasia comme il doutait de la mort de Michael Jackson. Pour lui, le roi de la pop était en train de se la couler douce dans un chalet au Népal, ayant préféré la sagesse des moines tibétains à la foule de paparazzi qui le harcelait. Et cette théorie tenait la route, ne dites pas le contraire. Sentant qu'il prenait le dessus sur elle, il n'hésita pas à user de cette position de force en arborant un sourire à la Robin Thicke (quand il n'a pas les pieds devant la gueule, parce que là ça fait psychopathe). « Que tu m'aimais bien, que j'avais un joli sourire, que je te rappelais le chiot que tu avais quand t'es entrée au collège. » VE-RI-DIQUE. Tout ça, elle l'avait dit. Bon, aujourd'hui encore, il ne savait pas comment le prendre le truc du chiot mais il avait préféré se dire que ça ne devait pas être une insulte bien méchante après tout. Il conclut en n'approchant son visage du sien, les pupilles malignes et le ton provocateur ; « Donc si, je rattrape bien tous les autres. » Elle n'avait pas le monopole du comportement de biatch. Il se recula vite. Trop peur de se faire mordre par Ana.

Suite à ce qu'il venait de me dire, je me décomposais comme jamais. Moi, Anastasia, j'avais dit tout ça ? Ce n'était pas possible, même dans mes cauchemars les plus fous, je n'aurai pas sorti ces paroles de ma bouche. Je croise les bras sur ma poitrine, exaspérée par cet homme qui croit me connaître. Je lui avais même parlé du chien que j'avais à l'époque, mon dieu quelle honte. J'avais vraiment fait fort ce soir-là, à moins que Cory me baratine.. on ne sait jamais. « Désolée pour toi mais j'avais un bouledogue. » Je hausse les épaules avec un sourire vainqueur, ravie du pique que je venais de lui adresser. « C'est vrai que t'as un sourire plutôt pas mal, les dents un peu déplacées mais bon. » Je tire la grimace, faisant mine de le reluquer sans gêne. Faut avouer qu'il est mignon quand même, mais pourquoi je m'entête à l'emmerder ainsi ? Quand il osa s'approcher de moi, je retiens mon souffle et ricane à ce qu'il me dit. Il ne m'arrive même pas à la cheville, il peut toujours rêver le pauvre. « C'est vrai que toi, t'as eu la chance de passer la nuit avec une bombe comme moi. » Toujours assez proche de lui, je me met en avant comme j'aime si bien le faire, attendant qu'il rajoute une couche sur notre folle nuit d'amour !

 Bouledogue, cochon d'Inde, raton-laveur … Tout y passait avec Cody. Pas grave, il avait toujours rêvé d'un bouledogue, il trouvait ça charmant avec la mâchoire disproportionnées, les pattes trop courtes, les yeux de gros blasé de la vie … Tout Cody. Il sourit exagérément, ne prenant pas en compte toutes les méchancetés qui pouvaient s'échapper de sa si jolie bouche. « Oui enfin heureusement, c'est pas moi qui ai les yeux d'un junkie qui vient de prendre trois grammes de coke. » On va dire que son regard lubrique faisait partie de son charme, tout comme les dents inclassables de Cody. Parlons de la nuit. Cette nuit qui n'avait rien eu de bien croustillant malheureusement si on prend en compte le fait qu'ils s'étaient endormis comme de grosses merdes dès lors qu'ils avaient eu un lit à proximité. Franchement, génial ce moment avec la 'bombe comme moi'. Ne souhaitant pas lui davantage de fleurs, il répondit, le ton sceptique ; « Je ne sais pas si c'est vraiment de la chance … Mais ça va, c'était sympa. » Il haussa les épaules avant d'avaler une gorgée de sa bière, toujours l'oeil rieur planté sur Ana.

Il était allé trop loin, et j'espère qu'il s'en rende compte vu le regard noir que je lui lançais. Je détestais qu'on me compare à une droguée depuis ma cure, et encore plus de la part d'un minable comme lui. Pour qui se prenait-il ? Il ne savait rien de moi, et il avait surtout encore moins le droit de me dire des choses pareilles. Je m'approche lentement, très lentement de son pauvre visage et m'arrête à quelques centimètres de ses lèvres. Mon regard est toujours aussi sombre et énervé. « T'avises pas de me redire ça, compris ? » J'arque un sourcil, buvant d'une traite ma tequila pour enfin me reculer de Cory. Je ne fis même pas attention au vague compliment qu'il me faisait, repartant vers le bar sans aucun regard pour le Lowell. Oh que oui, j'étais carrément énervée et il fallait vraiment qu'il sorte le grand jeu pour me reconquérir. Une fois installée sur un tabouret, je commande cette fois-ci deux tequilas au barmaid, pour oublier tout ça. J'allais encore finir complètement bourrée et qui sait, encore dans le lit de cet abruti !