(+ Ryan) my wonderful soldier

La question de Ryan la prit de cours. Anna ne s’attendait en aucune manière à ce que ce sujet vienne sur le tapis, bien qu’il faille avouer qu’à de très nombreuses reprises, il lui avait effleuré l’esprit. Ils se connaissaient depuis tellement d’années et avaient toujours été si proches que la jolie russe ne savait plus à quel moment son affection pour lui s’était transformée en amitié indestructible… mais il allait sans dire que le jeune homme réveillait en elle une problématique s’étant souvent imposée à elle, à un moment où ce n’était ni simple pour l’un, ni évident non plus pour l’autre. « Oh Ryan… » murmura-t-elle subitement car loin d’elle l’envie de lui faire du mal en lui répondant non et pourtant c’était la seule réponse qu’elle pouvait lui offrir. Désormais, Samuel faisait partie de sa vie et Anna recommençait peu à peu à trouver un équilibre qu’elle avait longtemps cherché. « Il y a quelques années je t’aurais dit oui sans hésiter. Je sais que nous avons vaguement essayé d’être un couple mais pour moi c’était un peu plus qu’un essai, j’avais de vrais sentiments pour toi et j’aurais voulu que ça marche, de tout mon cœur… mais je sais aussi que ton métier aurait fini par être un problème. J’admire le militaire que tu es, mais tu pars souvent pendant des semaines sans nouvelles et tu me connais, j’ai besoin de stabilité, tout comme Moira… moi-même je suis quelqu’un de très occupé et dans l’état actuel des choses, ça ne pourrait pas marcher, je pense que tu le sais aussi bien que moi. Je n’ai pas envie de perdre notre amitié… s’il y avait eu une chance que cela marche entre nous, je t’aurais suivi au bout du monde. Mais je ne pense pas qu’une telle chose aurait pu nous être offerte… » Anna avança sa main pour caresser un instant sa joue, espérant lui avoir répondu avec autant d’honnêteté que possible. Qui plus est, elle espérait que l’aveu de ses sentiments passés ne le blesserait pas… « Tu es ma famille Ryan. Je n’ai pas envie de te perdre et je ferais n’importe quoi pour que tu sois heureux. Moira aussi à sa façon, j’en suis certaine. Tu es indispensable pour nous. »

Anna poussa un ouf de soulagement : il n’était pas vexé… l’espace d’un instant, elle avait bien évidemment craint le pire, car ce genre de vérité n’est que rarement bonne à dire en général. Une chance que Ryan soit suffisamment fin d’esprit pour comprendre que ce « non » ne sonnait pas la fin de leur amitié, bien au contraire, mais plutôt comme une chance qu’ils puissent être toujours là l’un pour l’autre, fidèles à cette amitié indestructible qui les unissaient depuis de très nombreuses années maintenant. Inutile de s’encombrer le cœur avec des regrets n’y ayant pas leur place : la jolie russe voulait croire qu’une fois ce sujet clos, ils n’en reparleraient plus jamais et ne s’occuperaient que de passer leurs habituels très bons moments ensemble. « Tu me rassures… loin de moi l’idée de te blesser Ryan, tu sais très bien que c’est la dernière chose que je veux faire ! Cependant j’ai également une question pour toi… peut-être est-ce parce que tu en parles ou bien la curiosité mais est-ce que tu m’as aimée ? Ou était-ce simplement pour toi une passade afin de combattre la solitude ? » Anna se sentait ridicule de poser une telle question mais elle voulait savoir si cela n’avait été que passager pour lui, si son métier était plus important que leur histoire et si, par conséquent, elle avait pris la bonne décision en s’éloignant et en privilégiant avant tout leur amitié. Il s’agissait d’un moyen comme un autre de faire le deuil définitif du passé en sachant… en bon chirurgien qu’elle était, elle ne supportait pas l’inconnu et à vrai dire, cette question la hantait depuis bien trop longtemps pour qu’elle lui tourne le dos maintenant. « J’ai juste besoin de savoir moi aussi » avoua-t-elle sans pour autant perdre la douceur qui peuplait les traits de son visage, et non sans éclater de rire à sa proposition. L’avantage avec l’américain, c’est qu’il ne perdait ni le nord, ni l’est, ni l’ouest et encore moins le sud ! Mais c’était bien sa plus grande qualité… entre bien d’autres. « Tu as trois billets pour ce soir ?! Tu plaisantes c’est mon joueur de hockey préféré ! Et comment que je suis partante ! Cela tombe parfaitement en prime, ce soir je n’ai pas de garde de prévue… tu calcules toujours parfaitement ton coup, quel talent ! » s’amusa-t-elle à lui répondre alors qu’un joli sourire la rendait d’autant plus rayonnante en cet instant. « Le premier match de Moira en prime, ça se fête ! »

« En quoi Sam n’a-t-il pas respecté le seul choix qu’il avait à faire ? Je ne comprends pas… oh je ne t’ai jamais maudit pour ton engagement pour l’armée et l’ai même toujours respecté, Ryan. C’est pour ça que je ne me suis jamais imposée à toi, que je me suis effacée progressivement, parce que je savais qu’entre moi et l’armée tu choisirais toujours ton devoir car tu fais partie des hommes d’honneur. Je ne dis pas que je n’aurais pas aimé que cela se passe différemment mais je ne suis pas sûre que cela aurait été possible… bien que c’est difficile de ne pas croire à un ignoble gâchis en entendant que finalement, alors que j’ai longtemps cru que pour toi notre histoire n’avait pas d’importance, tu as tout de même eu des sentiments pour moi. » Anna lui offrait néanmoins un sourire sincère, touchée par ce discours qu’ils se tenaient mutuellement bien qu’elle ait encore du mal à démêler la foule d’informations qu’ils partageaient pour l’heure. Tout aurait pu être bien différent si seulement ils s’étaient parlé mais à l’époque, Anna avait également de nombreuses choses à gérer notamment au niveau de ses études et par conséquent, garder le silence pour éviter de souffrir lui était apparut comme une solution nettement plus viable. « A vrai dire, je ne t’ai pas forcément tout dit à propos de Moira… tu te souviens, il y a deux ans, c’est la dernière où l’on a… vécu une nuit ensemble et juste après tu embarquais pour une mission qui a duré des mois et des mois. Je n’avais aucune nouvelle, et j’ai presque fini par me faire une raison. Quand tu es revenu, Moira était née et je t’ai proposé d’être le parrain… sauf que je t’ai menti Ryan, il n’y avait pas d’autre homme à ce moment là. Mon trésor que tu tiens actuellement dans tes bras, c’est aussi le tien… » Là aussi, difficile d’annoncer une chose pareille mais à sa décharge, bien que porté par ses très nombreuses bonnes intentions, le jeune homme n’était pas aussi présent qu’un père devait l’être, surtout pour un enfant en bas âge. Anna avait souhaité protéger leur fille, sans doute en s’y prenant de la pire des façons mais pouvait-on la blâmer pour cela ? Moira n’avait jamais manqué de rien et la jolie russe n’avait pas davantage privé Ryan de la voir, même s’il ne connaissait pas toute la vérité… « Je vais avoir du mal à ne pas vous confondre alors ! Je plaisante, je n’ai jamais eu de mal à vous reconnaître à vrai dire… vous n’avez pas tout à fait la même voix. »

Anna s’attendait à ce que Ryan soit choqué, en colère, hurle, lui réclame réparation mais non, ce fut l’émotion plus que la colère qui se mit à prédominer sur son visage. Elle écarquilla d’ailleurs deux grands yeux surpris lorsqu’il éclata en sanglots, la poussant à choper aussitôt la boîte de mouchoirs qu’elle gardait toujours en cas de besoin pour des patients anéantis… mais là, son meilleur ami n’était pas un patient et elle ne lui tenait pas un discours au jargon médical extrêmement difficile à comprendre, elle lui offrait plutôt la vérité de sa vie bien que la jolie russe ait conscience de s’y prendre… un peu tard. Mieux vaut tard que jamais, comme dit l’adage. « Te détester ? D’accord je ne dis pas qu’il n’y a pas eu beaucoup de colère en moi surtout que j’ai accouché toute seule mais c’est plutôt toi qui aurait toutes les raisons de me détester… je ne voulais pas que tu ne fasses pas partie de sa vie mais te l’annoncer des mois après, c’était trop dur. Je ne dis pas que je n’aurais pas voulu que tu sois présent mais le passé c’est le passé. Revenir sans arrêt dessus ne nous ferait pas avancer. » Techniquement parlant, Moira avait trouvé un père dans la personne de Sam, qui lui l’emmenait partout, était toujours présent y compris lorsque Anna était débordée de boulot mais il n’était pas son père biologique pour autant. Entre Ryan et la petite, il y avait toujours eu une connexion inexplicable et indestructible. « Tu sais très bien qu’avec la princesse ça a toujours été à part. Elle a toujours eu besoin de toi et toi d’elle, tu n’as jamais remarqué ? Mais je suis d’accord, lorsque je la regarde c’est avant tout toi que je vois en elle » avoua-t-elle non sans tenter un sourire bien qu’elle ne sache plus très bien à quel saint se vouer. Anna espérait juste avoir fait le bon choix en lui avouant toute la vérité… « Comment tu te sens ? »

Anna n’éprouvait pas de regrets. Sûrement recommencerait-elle exactement la même chose si c’était à refaire, car dans le fond elle avait voulu protéger Moira avant toute autre chose et elle savait mieux que personne à quel point Ryan était surtout marié à son travail. Pouvait-elle lui jeter la pierre ? Non car elle était sûrement pire bourreau de travail qu’il ne le serait jamais. Mais d’un autre côté, dès que son petit trésor était malade, en peine ou quoi que ce soit d’autre, même au beau milieu d’une opération, la jolie russe accourait en mode maman poule, que dis-je, en mode louve prête à grogner, mordre et griffer pour protéger son petit. Sa princesse n’avait jamais manqué d’amour et quelque chose lui disait que cela ne risquait pas de changer. « Moira ne parle pas encore très bien, elle n’a qu’un an et demi ! Mais fais preuve de patience, ça viendra. Tu pourras venir la voir aussi souvent que tu le souhaites bien sûr, et j’avoue t’avoir proposé de venir avec moi au séminaire car je sais qu’elle sera bien avec toi et cela te permettra de passer du temps avec elle avant de repartir. Je ne sais pas exactement quand tu vas repartir ni pour combien de temps mais au moins… tu sais qu’il y a une sorte de famille qui t’attend quelque part. » Il n’y avait pas le moindre équivoque dans l’esprit d’Anna : Samuel restait l’homme de sa vie mais cela ne voulait pas dire qu’elle allait rayer complètement Ryan de la vie de Moira. Cela lui demanderait simplement un peu d’organisation mais si tout le monde mettait du sien, tout restait possible… « Tu sais qu’elle n’est jamais fatiguée si tu veux jouer avec elle ? Elle est oùùù Momooooo ? Elle est làààà ! » Anna quitta temporairement son masque habituel de contrôle et de froideur pour faire de petites grimaces qui firent rire aux éclats la fillette. Qu’est-ce que la brunette adorait son rire…