(+ Eventine) Je perds les mots et mon coeur quand je te vois

Un léger sourire flotta sur mes lèvres. Un sourire rêveur qui ne faisait que démontrer toute la douceur de ma personnalité mais également mon côté innocent. Je n’avais pas conscience de l’effet que je pouvais produire chez les hommes mais il était certain d’une chose… Je ne produisais absolument rien en lui et c’était là tout le problème. Cela faisait des années que je me mourrais d’amour pour cet homme qui n’avait jamais eu plus d’un regard pour moi, la pauvre groupie du violoniste. « Vous savez, j’ai l’habitude. Je suis un aimant à catastrophe, c’est pour ça que j’ai toujours une boite de pansement dans mon sac » osais-je plaisanter en sa présence non sans rougir. Si grand-mère me voyait sûrement me rabrouerait-elle mais qu’importe, je voulais vivre l’instant présent car je savais qu’il ne se reproduirait plus. « Le travail ne m’effraie pas monsieur… Il me faudrait simplement connaitre les goûts de votre future compagne » tentais-je de rester digne en toute occasion même si mon cœur se brisait de voir son élu se lier à une autre.

« C’est drôle, il se trouve que je suis toujours équipé de ce genre de chose » avoua-t-il avec malice. D’où lui venait ce genre de réflexe et pourquoi, mystère et balle de golf mais fondamentalement, il s’en moquait bien. « Vous saignez très légèrement sur le genou, sûrement votre escapade dans l’arbre ! » déclara-t-il non sans sortir un mouchoir en tissu brodé à ses initiales, complètement immaculé, qu’il gardait sur lui une fois de plus par réflexe plus que par besoin véritable. « Vous pourriez en avoir besoin, gardez-le » lui proposa-t-il avant d’écarquiller puissamment les yeux pour mieux éclater d’un rire cristallin et franc cette fois-ci, qu’il ne put malheureusement retenir. « Pardonnez ma rustrerie mais vous vous fourvoyez : je ne serai pas le marié ! Il ne s’agit pas de ma compagne, Thaïs est juste une amie pianiste, la fiancée de mon meilleur ami. Et pour l’anecdote complètement, elle attend même leur premier enfant donc non, je suis juste un participant et à moitié organisateur car il ne veulent pas perdre de temps et il se trouve que j’ai une bicoque suffisamment spacieuse. Qu’est-ce qui vous a fait imaginer ce genre de choses avec Thaïs ? »

Il avait toujours des pansements sur lui ? Nous étions donc faits l’un pour l’autre. D’accord, la théorie était un peu tirée par les cheveux mais qu’importe, je voulais y croire, j’avais besoin d’y croire encore un peu. Cependant, toute pensée cohérente déserta mon esprit quand il m’offrit son mouchoir en tissu. « Blessée ? Genou ? Hein ? » bafouillais-je en me retenant de sautiller sur place. Je baissais la tête en direction de mon genou pour voir le sang perler un peu d’une petite égratignure. « Oh mon dieu je saigne, je saigne !» paniquais-je aussitôt avant de plaquer ma main pour arrêter l’hémorragie impressionnante de trois gouttes. Je n’aimais pas le sang, cela me donnait toujours la nausée et l’envie de tomber dans les pommes mais heureusement, je fus courageuse aujourd’hui. « Désolée. Aime pas le sang » boudais-je en refusant pourtant de salir le beau tissu de cette manière. Néanmoins, quelques instants plus tard, j’entendis la plus belle des mélodies : son rire. J’en restais totalement scotchée avec un sourire tendre. « Euh… je sais pas… Comme ça.. » rigolais-je bêtement heureuse en me passant une main dans mes cheveux. Ce n’était pas sa future femme, ce n’était pas future femme !!! YOUPI !! « Je suis trop contente… euh d’organiser ses noces !! »

Eventine fut presque surprit qu’elle n’utilise pas son mouchoir mais plus encore de voir sa réaction. D’accord, il y avait trois gouttes de sang mais quand même… ceci étant, en homme préparé, il ne manqua pas de sortir un pansement de sa poche, à croire qu’il portait sa vie dans son baggy ample bien que ce ne soit pas tout à fait vrai : il manquait son violon tout de même ! Il se pencha donc, sans un mot, déposant illico presto le pansement sur le genou de la demoiselle avant d’y faire un bisou magique sitôt le pansement déposé. « Il paraît que les bisous magiques sont efficaces, dixit ma petite sœur Alexandra » fit-il, tout fier d’avoir pu tester au moins une fois car sauvage comme il était, les occasions de se présentaient pas si souvent hormis pour sa petite sœur justement. « Je suis sûr que vous allez l’adorer. D’ailleurs, je lui proposerai sûrement de venir vous voir directement pour vous donner plus de détails, ce sera plus rapide. »

Non effectivement, je ne comptais pas salir ce précieux tissu par du sang. Hors de question, cette pièce de tissu allait rejoindre ma collection privée de goodies en tout genre que je collectionnais de lui. Cela faisait sûrement psychopathe mais je ne pouvais pas faire autrement. J’étais sa première fan, la présidente de son fan-club bien que j’avais fondé ce même club sous mon second prénom pour éviter d’être grillée. On aurait pu s’attendre à ce que justement, je ne livre des détails croustillants sur sa personne vu que je le côtoyais de loin mais non, ma loyauté sans faille s’y refusait. « Mais…mais..Oh » murmurais-je aussi rouge qu’une tomate trop mure tandis qu’il déposait un bisou magique sur ma blessure. Oh mon dieu.. Au feu ! Je fais une combustion spontanée. « Oui tout ce que vous voudrez » murmurais-je par la suite totalement sur la lune avec un sourire des plus rêveurs. Il m’avait embrassé. Sur le genou mais quand même !! J’étais au paradis. « Vous.. voulez toujours de moi ? Euh je veux dire, vous avez besoin de mes services votre altesse ? » lui demandais-je bêtement.

Eventine n’avait qu’à peine remarqué son rougissement, qu’il trouvait par ailleurs ravissant, et préféré ne pas noter ce dernier pour éviter de la gêner. A la place, il lui sourit simplement, jouant à nouveau avec les pages de son énorme pavé de bouquin tandis qu’elle lui demandait de façon presque ambigüe s’il avait toujours besoin d’aide. « Peut-être serait-il plus prudent que je vous raccompagne, il ne faudrait pas que vous vous rompiez le cou sur un obstacle sur le chemin » avoua-t-il non sans commencer à marcher de son propre chef, n’ayant pas pour habitude de revenir sur une parole donnée, sans compter qu’ils étaient à quelques mètres de la maison tout au plus. « Serait-ce présomptueux de ma part d’aller jusqu’à supposer que vous étiez jalouse de Thaïs ? Je n’irais pas jusqu’à dire que vous vous êtes déjà montrée froide mais vous étiez plus distante qu’avec moi, quand j’y réfléchis. »

« Je… d’accord votre altesse » n’osais-je pas le contredire tandis que je trottais vers lui pour le rattraper, marchant silencieusement à ses côtés jusqu’à ce qu’il reprenne la parole pour me poser une question qui me tua sur place. Il ne m’avait quand même pas demandé si j’étais jalouse n’est-ce pas ? J’avais été victime d’une hallucination auditive n’est-ce pas ? Oh mon dieu qu’est-ce que j’allais pouvoir lui répondre, je ne savais absolument pas mentir sans que cela ne soit inscrit au fer rouge sur mon front. Limite à côté de moi Pinocchio pouvait jouer à menteur menteur. « Je n’ai aucune raison de jalouser une compagne de son altesse… Je ne suis que votre employée de maison votre altesse… » marmonnais-je en baissant la tête, essayant de ne pas pleurer. Si je lui avouais la vérité, il allait me renvoyer et ma grand-mère me tuerait. Non le pire serait qu’il rigole ou qu’il me rejette même si je ne demandais rien en retour que de pouvoir l’aimer en silence. « Oui.. » répondis-je finalement, fataliste.

De toute façon, Eventine n’aurait pas accepté un « non » comme une réponse possible. Il décidait une chose, il fallait s’y plier bien qu’il ne soit aucunement injuste en la matière et qu’en l’occurrence, se faire accompagner par ses bons soins jusqu’à l’entrée de la maison, il y avait justement pire. « Sûrement était-ce présomptueux de ma part » avoua-t-il, n’ayant aucunement honte de s’être avancé à pareille supposition même si Mikhaila finit par lui avouer, s’il lisait entre les lignes, qu’elle avait effectivement jalousé Thaïs. Bah, elle ne serait ni la première ni la dernière, mais le pourquoi du comment lui échappait pour le coup. « Vous n’êtes pas la dernière vous savez ! Beaucoup jalousent Thaïs et personnellement, ça me fait marrer… elle a un fiancé encore plus jaloux qu’elle et pourtant, il paraît que ce n’est pas peu dire. Vous étiez jalouse pour quelle raison si ce n’est pas indiscret ? Ne vous sentez pas obligée de répondre. »

Oui je jalousais cette femme mais pas parce qu’elle était belle et talentueuse mais tout simplement parce qu’elle occupait une place dont je rêvais en secret depuis des années. Personne n’imaginait combien il était dur d’aimer quelqu’un en secret, dans le plus grand anonymat, d’être si proche et pourtant si loin en même temps. Eventine ne faisait jamais attention à la jeune femme qui prenait soin de lui, qui changeait les draps de sa chambre pour mettre ses préférés dès que son arrivée au manoir était annoncée. Il ne regardait pas plus cette jeune femme qui cuisinait avec amour ses plats préférés. Non, j’étais invisible pour lui et le resterait sûrement après cette conversation. « De tout de manière votre altesse, ce n’est pas comme si cette conversation restera dans votre mémoire » soupirais-je avec un brin d’amertume dans la voix, chose si rare pour être notifiée. « Je la jalouse pour la place qu’elle occupe près de vous monsieur » lui dis-je en plongeant mon regard dans le sien. « Veuillez pardonner cette familiarité, je n’ai pas à vous tenir ce genre de propos monsieur. S’il vous plait, oubliez tout ceci » murmurais-je en baissant la tête.

Eventine était loin d’être la méchanceté incarnée, c’était même tout l’inverse mais il n’acceptait les critiques que de gens francs du collier à vrai dire. L’amertume pour l’amertume lui déplaisait au plus haut point et c’est la raison pour laquelle il s’arrêta aussitôt de marcher avant de réagir non moins vite et sans équivoque : « Ce qui signifie ? » lança-t-il d’un ton nettement plus froid et distant, sans pour autant que celui-ci soit dur en soit mais Mikhaila allait vite apprendre qu’il n’était pas intelligent de le prendre à rebrousse poil à moins d’avoir quelque chose de concret à lui reprocher. « Vous jetez le chaud et le froid et je dois avouer que pour cette partie de la conversation, c’est particulièrement désagréable. Vous sous entendez avec amertume que j’aurais oublié ces mots sitôt que vous aurez quitté ma vue, mais vous me demandez vous-même de les oublier ensuite… dans un premier cas je passe pour un petit con égoïste, dans le deuxième vous m’inciter à quelque chose… si vous avez quelque chose à dire vous le dites, j’ai bien assez de gens qui marmonnent et chuchotent dans mon dos pour supporter cela de vous alors que je ne pense pas vous avoir traité avec irrespect » conclut-il sans même vouloir entendre la suite : finalement, elle serait tout à fait en mesure de reprendre son chemin seule au château, quant à lui, il tourna les talons direction le jardin, avec lenteur, après avoir rouvert son bouquin. Il était trop tôt pour jouer du violon.