Konrad&Anna + how are you in this december ?

Le boulot de chirurgien n’a rien de reposant et le premier qui prétend le contraire, sûrement se prendra-t-il un bistouri de la part d’Anna en plein front. Mais cette fois-ci, le fait de courir entre les couloirs de l’hôpital où elle avait été récemment embauchée en tant que titulaire n’avait pas pour but de sauver une vie, plutôt d’être le moins en retard possible à son rendez-vous prévu avec le jeune Konrad. Il s’agissait d’un élève de l’université Harvard que la jolie russe avait plus ou moins pris sous son aile, et pour lequel elle ne manquait jamais aucun entretien de contrôle, bien au contraire. « Monsieur Sheffield, nous y allons ? » lança-t-elle à la volée d’un ton aussi peu essoufflé que possible alors qu’elle venait juste de quitter le bloc opératoire suite à une opération qu’elle avait menée de main de maître six heures durant. D’ailleurs, elle avait toujours son calot chirurgical fétiche sur la tête, qu’elle ôta pour remettre en prime sa blouse blanche dès lors qu’ils furent dans son bureau et qu’elle put donc mettre de côté le vocabulaire soutenu et autres formules de politesse n’ayant plus lieu d’être. « Je t’en prie, installe-toi. Désolée du retard mais malheureusement, suivant les urgences je ne suis pas toujours maîtresse de mon emploi du temps… alors, entretien du mois de décembre ! Avant de passer par la partie barbante à savoir prise de sang et compagnie, je voudrais que tu me parles un peu de toi… comment vas-tu de façon générale ? » Anna le gratifiait de l’un de ses rares sourires, et rien que pour cela, il pouvait s’estimer chanceux : elle ne faisait pas toujours preuve d’autant d’empathie envers ses patients mais Konrad n’était pas n’importe lequel.

Oh Anna savait que Konrad n’était pas du genre à râler à propos d’un tout petit retard, après tout il n’était pas sans savoir la vie de dingue qu’elle menait ET devait très certainement se douter du nombre d’urgences gérée en sa qualité de neurochirurgien mais déjà qu’en temps normal elle avait toujours le réflexe de s’excuser pour son manque de ponctualité, c’était plus exacerbé encore en présence du jeune homme. Elle s’assit donc à son bureau, le regardant droit dans les yeux en analysant chaque terme qu’il pouvait bien employer. Sans savoir pourquoi, elle n’avait qu’une peur : celle qu’il recommence ses conneries et ne parvienne pas à se rater cette fois. « C'est-à-dire, merdique ? Tu as vécu un évènement en particulier récemment ou c’est plus… un sentiment général qui revient ? » Bah, côté vie merdique Anna pourrait en parler des heures durant mais en l’occurrence, le projecteur n’était pas tourné vers elle et bien que Konrad ne soit pas un patient comme les autres, le moment n’était pas venu de partager des confidences. Il fallait qu’il fasse ce pas en avant d’abord, qu’il se confie, vide son sac même si cela lui paraissait tout aussi merdique que ce sentiment qu’il semblait avoir actuellement. « Tu peux tout me dire, tu sais. Je ne pense pas que je serai choquée et puis… ça ne te feras sûrement pas de mal bien au contraire. »

« Donc en fait, si je comprends bien, tu ne regrettes pas d’avoir rompu mais plutôt de ne pas pouvoir retrouver d’anciennes amitiés ? » Tant pis, Anna allait s’improviser mini psy pendant quelques minutes car il fallait qu’elle sache déjà comment il allait d’un point de vue mental. Le reste suivrait nettement mieux, et notamment sa santé si le mental était là… chose qui ne semblait pas aussi évidente que cela à vrai dire. « Peut-être est-ce normal que les personnes dont tu parles réagissent un peu… épidermiquement parce qu’ils ont pu se sentir abandonnés par toi. Ceci dit, un échec n’est pas nécessairement la fin de tout : peut-être que tu peux retenter une approche différente, essayer d’en voir plusieurs ensemble, pourquoi pas organiser une soirée et les inviter ? Tu connais leurs goûts, leurs passions ? En général, les gens sont plus sensibles à ceux qui les connaissent, après tout, on dit bien « qui se ressemble s’assemble ». Mais ce qu’il faut avant tout c’est que tu sois patient. C’est plus facile à dire qu’à faire j’en ai conscience mais ils réagiront peut-être différemment demain, après demain ou le jour suivant qu’aujourd’hui. Le temps adoucit les mœurs. »

Effectivement, avec la vie qu’avait eu Konrad, d’autres auraient abandonné à moins. Anna la première, d’une certaine façon, bien qu’il ne soit aucunement question d’elle. « Je ne dis pas que le temps est toute la réponse, et je sais très bien ce qui t’es arrivé… je dis juste que tout le monde ne réagit pas forcément au même rythme » précisa-t-elle tout de même afin qu’il ne se braque pas en ayant mal interprété ses propos. « Mais passons à la suite, nous y reviendrons plus tard si tu le souhaites ! » Anna se releva de son bureau, l’incitant à la suivre dans la pièce jointe à son bureau, s’avérant être une salle de consultation. Elle recevait généralement des patients ayant besoin de l’aide d’un neurochirurgien, et bien que ce ne soit aucunement le cas de Konrad, elle préférait être le médecin à le suivre. Après tout, elle connaissait son passif sur le bout des doigts et était diablement bien placée pour savoir qu’il avait besoin d’être en confiance pour que le suivi soit efficace. « Allonge-toi confortablement, je vais juste de faire une prise de sang pour vérifier le fonctionnement de ton foie, de tes plaquettes, globules et autres. Tu as récemment pris quelque chose dont je devrais être au courant ? Ça m’évitera bien des recherches si tu es précis. »

« N’avoir rien fumé c’est une chose, tu n’as rien pris non plus d’autre ? » Ce n’est pas à un vieux singe que l’on apprend à faire la grimace. Non pas qu’Anna soit experte ès drogues, surtout qu’elle n’avait jamais rien pris de son existence, mais il n’empêche qu’elle connaissait sur le bout des doigts tous les effets néfastes des substances illicites et leurs conséquences à long terme… ce n’était pas pour rien qu’elle surveillait Samuel comme du lait sur le feu à cause de l’alcool. « Normalement, deux semaines sans rien devraient te donner d’assez bonnes analyses à priori mais je ne dis pas que tes excès avant ne vont pas se voir d’une manière ou d’une autre. Mais si tu n’as rien pris pendant aussi longtemps, pourquoi ne pas chercher à arrêter ? » demanda-t-elle, par curiosité, tandis qu’elle lui faisait le garrot d’avant piqûre.