Maelys + Deux âmes esseulées peuvent-elles se consoler?

Bukowski Tavern. Je ne sais pas trop ce que je foutais là ce soir mais je m’y trouvais, c’était plus qu’une évidence. Au moins, il servait de la bonne bière et puis voir du monde, être plongé dans l’ambiance, cela pouvait toujours me faire du bien. Non, je n’étais pas en train de me sociabiliser, cela se saurait le jour où je deviendrais quelqu’un de sociable. Je cherchais simplement à tuer la soirée avant de transpirer au cours d’un sempiternel jogging pour tuer la nuit. Quelle idée d’être insomniaque mais en même temps, ce n’était pas comme si on me donnait le choix et comme je n’étais pas un adepte des cachetons… La solution du sport était toute trouvée à moins que je trouve une compagnie féminine pour la nuit. Je n’étais pourtant pas un beau parleur mais il semblerait que mon côté ours des cavernes plaisent à certaines femmes et je n’allais pas me priver d’une étreinte, de mettre fin même de manière fugace à ma solitude. Toutefois, j’étais un peu sceptique quant à mes chances de trouver une compagne pour la nuit car il en était toujours ainsi : une nuit sinon rien. Je ne voulais pas remplacer Mary dans mon cœur et encore moins dans ma vie mais je n’étais pas un moine pour autant. J’avais besoin de sensualité mais aussi de tendresse et d’attention car on avait oublié le jour de ma naissance de me priver de tout sens moral ou social et même si je n’étais pas doué en la matière, je ne pouvais pas m’en passer. Une femme passa près de moi et je l’interpellais. Elle avait l’air de travailler ici sinon tant pis pour moi, je n’étais pas à une boulette près. « Excusez-moi. Quel est le plat du chef ce soir ? » demandais-je d’un ton froid sans arborer ne serait-ce qu’un sourire. Inadapté social vous dis-je.

Il était assez tard, je venais de m’en rendre compte en jetant un coup d’œil circulaire. Pour beaucoup, les clients en étaient au dessert mais qu’importe, je ne comptais pas m’éterniser ici même si j’ignorais toujours pourquoi mes pas m’avaient conduit dans cet établissement. Peut-être avais-je senti l’odeur des plats et affamé, j’étais entré à moins que ce ne soit l’excuse bateau : j’ai vu de la lumière. De tout de manière qu’importe la raison dans le fond, j’étais ici alors autant commander un truc à manger et repartir aussi sec. Je captais une des serveuses. Mignonne avec un charmant sourire mais également une vraie tornade car à peine avait-elle donné le plat du jour qu’elle repartait en coup de vent, me laissant la bouche légèrement entrouverte, les sourcils froncés. Nous aurions pu gagner du temps si elle m’avait simplement laissé le temps de commander mais j’attendais sagement, jouant avec les clés de ma moto qui m’attendait quant à elle sagement devant. Aussi, lorsque la serveuse revint vers moi, je l’attrapais par le poignet pour l’arrêter. « Je crois que je me contenterai d’une simple bière merci. » lui adressais-je la parole d’une voix grave avant de la relâcher. Si j’avais su qu’il fallait amener un filet de pêche pour attraper les jolies serveuses, je me serais équipé avant de venir pensais-je non sans ironie. Une nouvelle fois, j’attendais la serveuse sans nom car je n’avais pas pris le temps de lire son prénom sur son badge mais qu’importe tant qu’elle m’amenait ma pression.

Cette jolie serveuse était directe, c’est le moins qu’on puisse dire et je l’observais calmement essayant de savoir ce que j’allais bien pouvoir répondre. « Je ne sais pas pourquoi je suis ici. On va dire soirée ennuyante. Cela me parait un bon compromis. » répondis-je. Je ne pouvais pas trop lui dire que je vivais un chagrin d’amour car ce n’était pas la vérité du moins en partie. Mary était morte lors des attentats donc techniquement, elle m’avait quitté mais pas de son plein grès. Est-ce que cela comptait comme un chagrin d’amour quand la personne décédait et que vous vous retrouviez comme un con place de la concorde avec votre solitude qui vous bouffait de l’intérieur ? Aucune idée et pour ainsi dire, je m’en foutais totalement. L’important était que ma bière se trouvait devant moi et que je pouvais la siroter comme bon me semblait. La demoiselle semblait d’humeur badine. « Je ne partirai pas sans avoir fini ma bière donc vous avez encore quelques minutes devant vous » haussais-je les épaules. Peut-être que cette nuit, je ne rentrerai pas seul songeais-je avec un certain amusement bien que c’était rare que cela commence ainsi. Finissait-elle son service dans peu de temps pour qu’elle me demande de ne pas fuir ?! Sûrement sinon cela risquait d’être difficile de se parler entre deux additions. En l’attendant, je sortais mon portable pour regarder les différents messages que j’avais. La plupart venait de mon frère et de ma petite sœur.  

Les derniers clients s’en allèrent et je commençais à me sentir un peu de trop dans cette ambiance calme et silencieuse. Toutefois, je l’entendais s’activer alors je présumais qu’elle voulait que je reste si bien que je terminais néanmoins ma bière histoire de m’occuper les mains et l’esprit. En tous les cas, si ce n’était pas une invitation en bonne et due forme, je voulais bien me faire moine bouddhiste pensais-je avec amusement tout en la regardant avec un léger rictus séducteur tandis que je me levais, déployant ma musculature pour la rejoindre au fond de la salle sur un canapé. « Quel est ton prénom car je ne vais pas te nommer jolie serveuse n’est-ce pas ? » repris-je la parole en dardant sur elle un regard à la fois moqueur et amusé. C’est fou comme je pouvais me montrer différent selon les moments. D’ordinaire, j’étais un homme plutôt calme et froid mais lorsqu’une femme me plaisait, je pouvais me transformer en séducteur du moins en apprenti séducteur car je partais du principe que je n’allais pas m’inventer une autre personnalité simplement pour séduire. « Tu travailles ici ou cela t’appartient ? » demandais-je. Elle me paraissait jeune pour tenir un tel endroit toute seule mais nous étions proche d’Harvard alors toutes les possibilités étaient justement possible. Toutefois, je ne lui donnais pas plus de vingt-trois ans.  

« Caleb. » répondis-je à sa question sans m’étendre sur le reste car je n’étais pas là pour la juger. Je ne la connaissais pas le moins du monde alors porter un jugement serait pour le moins hasardeur. Du moins c’était ainsi que je voyais les choses. « C’est toujours plus agréable d’avoir quelque chose à faire que peindre la girafe » ajoutais-je néanmoins avant de la voir se rapprocher. Mon sourire ne se fit que plus marqué tandis que j’adossais sur le côté au canapé pour pouvoir en quelque sorte continuer à lui faire face. « En tous les cas, tu ne sembles pas être du genre cinglée ou psychopathe à moins que tu ne caches bien ton jeu. Dois-je commencer à m’inquiéter pour le fait d’être seul avec toi ? » plaisantais-je tout en conservant cette allure sobre. On me disait souvent que j’avais tout d’un glaçon mais cette force tranquille que je dégageais pouvait également être perçue autrement. Tout dépendait du point de vue, je dirais. « Je veux bien prendre un verre si tu trinques avec moi. » répondis-je en plongeant mon regard dans le sien. « Cabot. Ais-je tort ? » tentais-je le coup puisque je savais dorénavant qu’elle était étudiante. Dans un même temps, ne venais-je pas de dévoiler par cette question que j’en étais un du moins que je connaissais les confréries ?