Blind Training {Dixie et Nicholas}

Cela ne faisait pas bien longtemps que j'étais revenue de l'hôpital. Trois semaines et demi, tout au plus? La première semaine, j'étais restée enfermée chez moi, dans ma chambre chez les Mather. J'avais peur de sortir. Je sentais déjà d'emblée à cet instant là que tout le monde saurait pour mon accident et que tout le monde n'hésiterait pas à s'en «prendre à moi» maintenant que j'avais la faiblesse d'être aveugle. Je n'avais pas demandé à l'être, ça m'était arrivé, comme ça, et je ne comprenais toujours pas pourquoi la porte du restaurant était bloquée lors de l'incendie alors que j'étais pourtant sortie de l'endroit seulement quelques minutes avant que l'accident se déclenche à vitesse fulgurante. Bref, trois semaines et demie plus tard, j'avais décidé de sortir un peu, de me réhabituer à le train de vie habituel ici, entre les murs de l'Université. Il faut dire que ça faisait du bien de respirer l'air frais d'ici, ça me manquait, oui. Banal, mais vrai.

Pourtant, l'un des défauts qui me jouait des mauvais tour c'était mon orgueil et le fait que je sois têtue. Très têtue, même. Je ne voulais pas qu'on me prenne pour faible ou qu'on sache rien qu'en me regardant que j'étais aveugle (si l'on omet le fait que je traînais avec moi un bâton d'aveugle mais que j'essayais de délaisser, la majorité du temps...). C'est pourquoi je voulais continuer à agir normalement, comme je le faisais avant l'incident. Agir normalement voulait dire : s'entraîner comme avant. Alors aujourd'hui, je m'étais décidée à aller au gym du campus afin de m'entraîner un peu. Comment j'y parviendrais? Je n'en avais pas la moindre idée, mais je finirais bien par trouver un moyen de réussir sans paraître trop ridicule... Arrivée sur les lieux, changée et tout le kit habituel, je me dirigeai lentement et avec précaution vers l'une des machines à laquelle j'allais souvent. Il suffisait de choisir la bonne barre et les bons poids et soulever tout cela pour me muscler les bras. Pourtant, puisque je ne voyais absolument rien, comment pouvais-je arriver à déterminer les poids que je prenais et où je devais placer la barre? Cela me frustrait et m'enrageait tellement que j'en avais presque les larmes aux yeux. J'entendis cependant une voix une bonne dizaine de minutes plus tard, dans mon dos. - Besoin d'un petit coup de main? Je reconnaissais la voix, mais je n'arrivais pas à l'associer à quelqu'un. Pourquoi? Parce que je ne pouvais pas voir de mes propres yeux c'était qui, et mon accident et mon retour à la «normale» était trop récent pour que je développe mon audition, sens qui me serait très utile à l'avenir... Je stoppai donc tout mouvement en analysant la voix afin de ne pas passer pour une folle. -Salut Dixie. Toujours aussi en forme, dis donc. Je ne pouvais pas voir la bouteille d'eau que le jeune homme me tendait. Ni le sourire qu'il m'offrait. Ni comment la machine fonctionnait. Pourtant, je reconnus finalement la voix, du moins, je crois. « Nick?! C'est toi? Je... oui, faut bien préserver ce p'tit morceau de femme que je suis! » dis-je en riant légèrement, me passant une main dans ma queue de cheval. Je ne voulais pas lui dire ce qui m'était arrivé. Je ne voulais pas, mais il finirait bien par s'en rendre compte, après tout, on s'était toujours entraînés ensemble et là, c'est comme si je venais ici pour la toute première fois... « Ça va, toi? T'es toujours aussi bien fait toi, ein! », ajoutai-je alors en me mordant la lèvre : je ne pouvais absolument rien voir, mais c'était évident qu'il avait toujours son corps d'enfer, quoi! Alors là-dessus, je ne pouvais pas me tromper. Espérons ne pas trop éveiller les soupçons sur mon état...