let the party go all night long (mathieu)

Ce n'était pas raisonnable de faire la fête aussi régulièrement, et je le savais pertinemment. J'étais venue à Harvard pour étudier sérieusement et pourtant, je passais la plupart de mes soirées à faire la fête avec n'importe qui. J'étais bien décidée à y mettre un terme un jour, mais pour l'instant, je profitais. Il faisait noir dans les rues de Cambridge et heureusement qu'une amie m'avait déposé en taxi devant chez moi. Je montai dans l'ascenseur en titubant. Je tenais mes talons dans une main et tentai de redescendre ma robe, qui ne cessait de remonter, de l'autre. Après plusieurs minutes d'efforts, je réussis à rentrer la clef dans la serrure et je pénétrai alors dans mon appartement. J'avais horriblement mal à la tête et je ne parvenais pas à tenir debout sans manquer de tomber. A croire que je n'avais pas bu que de l'alcool ce soir. J'avançai en touchant tout ce qui pouvait m'entourer afin de ne pas me prendre un mur, c'était sans compter les objets que je renversais sur mon passage.

Une soirée tranquille, voilà ce que Mathieu venait de passer. River n'étant pas dans les parages, il avait profité seul du confort de l'appartement, avait filé sous la douche en revenant des cours, s'était vêtu de façon confortable et avait potassé ses derniers cours de maths, puis il avait été interrompu par un appel de son père en provenance de France. Il avait ainsi récupéré les dernières nouvelles de la famille, pour la plupart des broutilles sans grand intérêt, mais bon, c'était toujours bon à savoir et ça donnait le sentiment d'être un peu moins loin les uns des autres. Il s'était ensuite couché tôt, comme un gamin de dix-sept ans ayant un couvre-feu, ce qui ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps. Bref, il s'était endormi et avait sombré dans un sommeil profond. Sommeil bien vite troublé. Du bruit. Mathieu ouvrit les yeux, d'or et déjà de mauvaise humeur. River, ça ne pouvait être qu'elle, il n'y avait pas dix-sept autres solutions. Mathieu tourna dans son lit et alla enfouir sa tête dans son oreiller avec un grognement de protestation. Le bruit n'était pas continu, mais sans arrêt, ça recommençait. Excédé, Mathieu sortit de son lit, uniquement vêtu d'un vieux pantalon en soie crème lui servant de pyjama. Se dirigeant dans sa chambre plongée dans l'obscurité tout en lâchant des sifflements de protestation quand il se cognait dans un coin de meuble, Mathieu ouvrit ensuite la porte de sa chambre et alluma la lumière dans le couloir, clignant des yeux, puis se retrouvant face à sa colocataire. Tu peux pas faire encore plus de bruit ? J'arrive pas à t'entendre. Lâcha Mathieu avec mauvaise humeur.

Je n'avais pas vraiment toute ma tête en ce moment. L'alcool et bien d'autres substances coulaient dans mes veines et mes yeux se fermaient petit à petit alors que je continuai à marcher dans l'appartement. Tout était plongé dans le noir et malgré mes efforts pour retrouver ma chambre, je ne parvenais qu'à me cogner contre tous les meubles qui se trouvaient sur mon chemin. Je grognais et parlais toute seule de temps en temps lorsque je me faisais mal. J'entendis finalement du bruit pas loin de moi et d'un coup les lumières s'allumèrent. Tu peux pas faire encore plus de bruit ? J'arrive pas à t'entendre. La lumière m'aveuglait, je vins alors à placer mes deux chaussures devant mes yeux en les fermant. « Non mais éteins la lumière. Ça fait mal. » Dis-je en râlant, continuant à me cacher de la lumière. Comme si je n'étais pas assez ridicule comme ça.

Visiblement, elle aimait pas trop la lumière. Dans un élan de gentillesse, Mathieu éteignit la lumière, pressant l'interrupteur avant de se retourner pour allumer la lumière de sa chambre, gardant ainsi un certain éclairage, histoire de bien voir la tête de la défoncée qui venait de rentrer. Enfin, pour l'instant, elle était cachée par une paire de chaussures. C'est bon, tu peux regarder siffla Mathieu avec froideur. Quoi ? Il détestait qu'on le réveille en pleine nuit et il détestait que sa colocataire revienne dans cet état. Il se faisait l'effet d'être un vieux ringard. Ouais, mais non. Il y avait une différence entre rentrer en étant un peu pompette et rentrer en renversant tout sur son passage et en poussant des gémissements au passage. Et à ce qu'il voyait, il n'était pas sûr que River ai juste siroter un peu trop d'alcool ce soir. Soit gentille, la prochaine fois dors sur le canapés ou va pioncer chez une amie. J'ai pas envie de me réveiller car madame a sniffé n'importe quoi et n'arrive plus à marcher. Ajouta vivement le garçon. Il n'y allait pas de main morte mais c'était plus fort que lui.

C'est bon, tu peux regarder. Je rouvris les yeux, et aperçus qu'il avait simplement gardé la lumière de sa chambre allumée. Je lui fis un petit sourire crispé, voyant qu'il n'était pas de très bonne humeur. Je pensais qu'il n'allait rien me reprocher mais c'était sans compter ses dernières paroles. Soit gentille, la prochaine fois dors sur le canapés ou va pioncer chez une amie. J'ai pas envie de me réveiller car madame a sniffé n'importe quoi et n'arrive plus à marcher. Ok. Je restai immobile face à ses derniers mots et le fixa d'un regard noir. Très bien, si il le prenait comme ça. Après tout je ne lui avais rien demandé, pourquoi venait-il me faire la leçon comme ça ? « Excuse moi d'avoir perturbé ton sommeil. » Répliquais-je en instant bien sur mes premiers mots. Je roulais des yeux et le contournai pour pouvoir aller dans ma chambre. Une fois dedans, je balançai mes chaussures dans un coin et m'affalai sur mon lit. Il m'avait énervé.

Mathieu n'était pas le moins du monde d'humeur à faire dans la dentelle, à vrais dire il ne l'était jamais. Il aimait bien dire ce qu'il pensait et peu importe que cela puisse déplaire. Les seules personnes devant lesquelles il acceptait de se taire en dépit de son envie de l'ouvrir étaient ses parents, ses grands parents et ses professeurs. Voilà. Pour le reste du monde, il se plaisait à employer un franc parler dévastateur. Lui en revanche, cela lui faisait bien. Comme ça, il ne gardait jamais rien sur son coeur. J'accepte tes excuses répliqua Mathieu, cynique, l'ignorant alors qu'elle levait les yeux au ciel, l'air exaspérée. Ouais, saoulé par cette conversation, elle l'était sûrement pas autant que lui. Il la regarda s'avancer jusqu'à sa chambre avec la maladresse de Bambi qui apprend à marcher, un sourcil arqué alors qu'il s'appuyait contre la porte, restant ainsi entre les deux pièces. Elle se laissa tomber sur le lit comme une masse. Une vraie loque humaine. Commenta-t'il. Il aurait put retourner dormir, mais soit, il avait trop envie de parler, soit... Non, en fait il était lancé maintenant et sa langue était trop bien pendue pour couper court comme ça à la conversation. Qu'est-ce que tu as fais ce soir ? Demanda Mathieu sans prendre le soin de masquer l'irritation et le dégoût dans sa voix alors qu'il parlait.

J'accepte tes excuses. Je n'aimais pas quand Mathieu se comportait ainsi avec moi. Je ne supportais pas cet air qu'il prenait. Ça devait être moi, aussi, avec tout l'alcool que j'avais avalé ce soir, je me faisais peut-être des idées. Je ne lui ai jamais demandé de se réveiller pour m'accueillir à mon retour. Enfin bref. Exaspérée, je pris le chemin de ma chambre dans laquelle je m'empressai de m'affaler sur mon lit. Une vraie loque humaine. S'il n'était pas intervenu, je me serais endormi en trente secondes. J'étais épuisée mais en même temps je voulais rester éveillée toute la nuit encore. Je grognai à ses paroles, espérant qu'il allait enfin me foutre la paix. Qu'est-ce que tu as fais ce soir ? J'essayais de parler le moins possible pour ne pas être obligée de me prendre la tête, mais il avait l'air de vouloir me pousser à bout. Je soupirais, la face collée à mon matelas avant de me retourner pour m'allonger sur le dos, toujours aussi ko. « Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? » Répondis-je sur un ton aussi froid que lui. C'est comme ça, je n'allais pas être toute gentille avec lui ce soir, alors qu'il ne me faisait pas de cadeaux. Surtout pas quand j'étais défoncée. Je jetai un coup d’œil vers lui en reprenant, d'un ton sec. « Tu veux pas plutôt retourner te coucher ? Je ne voudrais pas te retenir plus longtemps. »

Il avait réussi à l'énerver et c'était quelque chose une River défoncée et agacée. Non, en fait elle n'était pas très drôle comme ça. Ouais, tu as raison, en fait je m'en fou. Répliqua Mathieu avec une légèreté soudaine bien que toujours teintée d'une connotation négative. C'était naturel, il l'oubliait presque parfois. Oh, c'est gentil de te préoccuper de mon sommeil. Lança-t'il en se foutant ouvertement d'elle. Il faut dire qu'elle n'arrêtait pas de lui tendre des perches. Mathieu croisa ses bras sur son torse en observant River, étendue sur son lit. C'était une scène bien pathétique qui lui faisait regretter de ne pas vivre seul. C'était là le genre de situations qu'il détestait en dépit de l'occasion que c'était de multiplier les remarques agaçantes. Tu n'es même pas capable de traverser le couloir sans provoquer un tsunami, donc je ne crois pas que tu sois capable de faire quoi que ce soit toute seule. Pris d'une vague bouffée de gentillesse, Mathieu alla s'accroupir au bord du lit, non sans pousser un soupire et commença à entreprendre d'enlever à River ses chaussures.

Ouais, tu as raison, en fait je m'en fou. Je le regardais d'un air interrogateur sans trop comprendre. L'alcool me jouait très probablement des tours, m'enfin, Mathieu avait l'air pas très réveillé non plus. En effet, c'était un des inconvénients de la colocation. Il faut avouer qu'il y avait des fois où je n'en pouvais plus de Mathieu et que je rêvais de vivre seule. C'était le cas de ce moment précis. Il se moquait terriblement de moi, tout ça parce que je l'avais réveillé. Oh, c'est gentil de te préoccuper de mon sommeil. Je me demandais quand est-ce qu'il allait enfin me laisser tranquille. Je sentais la colère me monter petit à petit mais je me retenais, peut-être bien à cause de la fatigue. « Qu'est-ce que tu fais encore là alors ? », me contentais-je de répliquer à voix basse, en espérant que ce serait la dernière échange qu'on aurait pour la soirée. Je fermais alors les yeux, en profitant du court silence qui venait s'installer entre nos dialogues répétitifs. Tu n'es même pas capable de traverser le couloir sans provoquer un tsunami, donc je ne crois pas que tu sois capable de faire quoi que ce soit toute seule. En quelques secondes, je sentis des mains à mes pieds et en ouvrant les yeux, j'aperçus Mathieu qui tentait de retirer mes chaussures. « Qu'est-ce que... ? » Je me mordis la lèvre, sans savoir si je devais le remercier ou le repousser. Il pouvait bien être insupportable dès fois, Mathieu restait l'un de mes meilleurs amis et peut-être bien le plus proche. Je le regardais faire, silencieuse et immobile. Il faut avouer que je n'avais plus beaucoup de force non plus. Je passai une main dans main cheveux en soufflant un coup. « T'es pas obligé, je peux m'en charger toute seule tu sais. C'est pas comme si j'allais tomber par terre à la minute où je vais me lever. » Je commençai à me redresser pour lu prouver que ce que je disais était vrai, en sentant déjà ma tête tourner.

Il ignorait pourquoi il avait décidé de coopérer un peu pour l'aider, lui qui jusque là s'était rendu parfaitement inutile en se contentant de l'énerver en multipliant les commentaires saoulants. Le brun n'avait jamais été du genre très coopératif, y compris avec les personnes qu'il portait dans son coeur. Il se souvenait avoir refouler ses soeurs un bon paquet de fois lorsqu'elles lui demandaient un service. Mais bon, ce genre de choses, c'est naturel dans les fratries. River n'était pas sa soeur. Et il n'avait plus que ça à faire maintenant qu'elle l'avait réveillé en mettant le bordel dans le couloir. Il l'ignora alors qu'elle bafouillait des mots, visiblement surprise par cette aide soudaine. Mathieu se battait avec les chaussures et il venait de réussir à en enlever une quand River reprit la parole. Il sentait son regard sur lui et redressa brusquement la tête pour planter son regard dans le sien. Il ne put retenir un sourire moqueur. Permets moi d'en douter assez. Dit-il. A vrai dire, elle avait beau être assise, elle avait l'air aussi si peu stable qu'il n'aurait pas été étonné qu'elle trouve le moyen de lui tomber dessus malgré tout. Laisse moi faire et tais toi, à ta tête j'ai peur que tu me vomisses dessus, donc fais moi plaisir et évite de garder trop ta grande bouche ouverte lança-t'il avec une grimace. Bordel, il ne voulait même pas l'imaginer. C'était trop dégoûtant pour qu'il l'envisage sérieusement. Il ne se souciait pas d'employer un ton doux. Il se faisait plutôt l'impression d'être adulte gérant une adolescente bourrée. Pas très glamour et ça lui filait un sacré coup de vieux. Baissant les yeux, Mathieu se concentra à nouveau pour ôter la seconde chaussure.